
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer
Entretien inédit - Essie Mae Brooks
En 1994, en Caroline du Nord, un couple d’Américains, Denise et Tim Duffy, décide de créer une association pour venir en aide aux musiciens noirs dans le besoin. Ainsi, depuis plus de 25 ans, La "Music Maker Relief Foundation" soutient matériellement et psychologiquement des artistes en déshérence. Certains d’entre eux ont trouvé la force de remonter la pente et, parfois même, le chemin des studios. Parmi ces âmes meurtries, la chanteuse Essie Mae Brooks, aujourd’hui nonagénaire, fit forte impression. Sa voix, profondément enracinée dans la culture gospel, narre toute l’histoire africaine-américaine, la douleur, la renaissance, l’espoir. À Paris, en juin 2008, elle nous contait avec grâce sa destinée guidée par une foi inébranlable.
Nombre de musiciens afro-américains ont dû batailler pour survivre dans l’Amérique ségrégationniste du XXe siècle. Qui se souvient aujourd’hui de Guitar Gabriel, Precious Bryant ou Captain Luke ? Peu de gens… Grâce aux efforts constants de la fondation "Music Maker", ces artistes ont échappé à une fin de vie misérable. Avec le soutien de différents labels, dont Dixiefrog Records en France, les noms de ces artistes oubliés ont rejailli dans le paysage musical de notre temps et ont suscité l’intérêt des amateurs de blues authentique. Robert Finley, Les Como Mamas, Big Ron Hunter ou Alabama Slim furent ainsi redécouverts par un public qui, aujourd’hui, acclame l’émouvante expressivité de leur musique.
Pour promouvoir les enregistrements de ces vaillants instrumentistes, Tim Duffy et ses équipes mirent sur pied, au fil des années, des tournées transatlantiques. Ainsi, en juin 2008, les "Sisters of the South" réunissaient Pura Fé, Beverly "Guitar" Watkins et Essie Mae Brooks. Des concerts se tinrent en France, notamment à Paris au Duc des Lombards, en préambule à la parution d’un double album célébrant des ladies du blues que l’histoire avait négligées. C’est ainsi que nous avions pu découvrir, à l’époque, les talents de Cora Fluker, Cora Mae Bryant, Algia Mae Hinton, Willa Mae Buckner, Etta Baker, Annie Griggs, Lucille Lindsay, Sweet Betty, Pauline Goings et Marie Manning, entre autres…
Lorsque nous vîmes arriver la chanteuse Essie Mae Brooks dans nos studios, le 20 juin 2008, une réelle révérence s’imposait. Cette frêle femme pieuse, alors âgée de 78 ans, semblait timide et surprise de soulever tant d’interrogations mais sa voix, pourtant égratignée par les épreuves du temps, restait intacte. Son discours si sincère faisait frissonner. Elle évoquait avec candeur son cheminement, ses idoles (Martin Luther King, Mahalia Jackson) et nous donnait une leçon d’humilité absolue. Quand elle entama un cantique religieux à notre micro, sans aucune répétition, l’attention et le silence respectueux des équipes techniques de RFI attestaient de la valeur de son interprétation. Un moment de vérité rare capté in vivo !
⇒ Le site de Music Maker Relief Foundation