Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
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Il y a 30 ans, Miles Davis nous quittait…

Miles Davis en 1969. © Jack Vartoogian/Getty Images

Lorsque le 28 septembre 1991, le monde du jazz apprend la disparition de Miles Davis, l’émoi fait rapidement place aux commentaires unanimes. Le célèbre trompettiste et chef d’orchestre avait redessiné, tout au long de sa vie, les contours d’un art qu’il voulait toujours plus novateur et intrépide. Ses œuvres témoignent, décennie par décennie, d’une vision avant-gardiste incontestable. Pendant 40 ans, il fut aux avant-postes de la création artistique. Son écoute et son désir d’être toujours pertinent dans un monde musical en constante évolution le hissent au rang des icônes de "L’épopée des Musiques Noires".

Miles Davis bouscula ses contemporains en refusant d’obéir aux réflexes culturels de l’Amérique noire. Attentif aux évolutions stylistiques de son époque, il provoquera plusieurs révolutions musicales ou, tout au moins, les accompagnera avec intelligence et un brin de malice. Quand, au tournant des années 40, le be-bop fragilise le swing pompeux des grandes formations jazz, il est déjà l’un des jeunes agitateurs de cette génération insoumise. Très tôt, il comprendra l’importance de rester au contact de son temps, d’insuffler cette vigueur artistique essentielle à toute création moderne. Il réalisera que la maîtrise d’un art permet toutes les audaces. Sans jamais se trahir, il adaptera la forme de son jazz à l’instant présent et prendra soin de toujours s’entourer de solistes fougueux et souvent fort talentueux. Beaucoup d’entre eux revendiqueront leur camaraderie avec le célèbre trompettiste comme un gage de respectabilité. Le batteur Tony Williams n’avait que 17 ans lorsqu’il participa au fameux quintet des années 60 aux côtés d’Herbie Hancock, Ron Carter, Wayne Shorter et Miles Davis. Cet orchestre entra dans l’histoire et identifiera pour longtemps chacun des instrumentistes.

© National Jazz Archive/Heritage Images via Getty Images
Miles Davis accompagné de Ron carter à la contrebasse et Wayne Shorter au saxophone, 1967, Hammersmith, Londres.

Chaque soubresaut social était un tremplin bienvenu pour tenter de nouvelles expériences. L’apparition d’un rock psychédélique échevelé, à l’aube des années 70, encourage Miles Davis à se plonger corps et âme dans une lecture plus électrique et sauvage de ses interprétations de plus en plus débridées. Il recrute de nouveaux musiciens capables de magnifier son œuvre et de comprendre les mutations sonores en mouvement. John McLaughlin, Chick Corea, Dave Holland, Joe Zawinul, Billy Cobham, Jack Dejohnette, Lenny White, entre autres, sont ses nouveaux comparses et actualisent le jazz du Maestro. S’il se perd dans une consommation excessive de substances fort décapantes, Miles Davis saura rebondir et, à nouveau, surprendre son auditoire en jouant avec les intonations pop-funk des années 80. Son équipe se transforme encore et toujours, il fait appel à de nouveaux trublions, Mino Cinelu, Mike Stern, Marcus Miller, entre autres, et continue de suivre ses envies sans se soucier des commentaires. Il écoute Kassav’, Prince, Michael Jackson, Cindy Lauper, et fait fi des conventions jazz. À plus de 60 ans, il conserve cet esprit frondeur et poursuit sa route sans interdits. 

© Christian Rose
Vincent Bessières, ancien commissaire de l’exposition "We Want Miles" qui s’était tenue en 2009 à la Cité de la Musique, à Paris.

L’année 1991 sera particulièrement riche. Parmi ses nouveaux colistiers, un saxophoniste s’illustre brillamment. Il s’appelle Kenny Garrett et deviendra l’un des virtuoses des années 2000. À Vienne, le 1er juillet 1991, Miles Davis livre une prestation tonique soutenue par des accompagnateurs de haute volée. Ce concert est désormais disponible sur l’album Merci Miles !. 8 jours plus tard, il accepte, à l’invitation de son ami Quincy Jones, de réinterpréter devant un orchestre symphonique des œuvres datées des années 50. Il sera secondé par un jeune trompettiste en devenir, Wallace Roney. Enfin, le 10 juillet 1991, Miles Davis est à Paris. Il réunit alors ses anciens compagnons de route. Ils sont tous là ! Wayne Shorter, Herbie Hancock, John McLaughlin, Chick Corea, John Scofield, Kenny Garrett, etc. Deux mois plus tard, Miles Davis disparaît. Il a 65 ans. 

© Nivière David/Corbis Kipa/Sygma via Getty images
Miles Davis sur scène, accompagné de Foley à la basse, au Festival de Jazz de la Villette, Paris, en 1991.

En 2009, une exposition très prisée, intitulée We Want Miles !, se tiendra à La Villette, à l’endroit même où le regretté trompettiste avait donné son dernier concert parisien. Vincent Bessières, alors commissaire de l’exposition, est notre invité et se souvient…

⇒ Le site de Miles Davis