Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer

 

En savoir plus sur l'émission, les horaires, le calendrier ... En savoir plus sur l'émission

John McLaughlin a 80 ans !

John McLaughlin sur la scène du London Jazz Festival au Royal Festival Hall le 20 novembre 2014 à Londres. © Edu Hawkins / Redferns via Getty Images

Esprit libre, créateur insatiable, guitariste virtuose, John McLaughlin ne tourne jamais en rond. Chaque prestation est l’occasion de se remettre en question et de tenter une nouvelle expérience. Aux côtés de Miles Davis naguère, il inventa une tonalité jazz électrique détonante. Avec le Mahavishnu Orchestra ou Shakti, il releva des défis stylistiques inédits. Aujourd’hui encore, il avance sans trop se laisser happer par ses souvenirs. Il préfère imaginer de nouveaux concepts et s’entourer de jeunes musiciens de talent à qui il confie le soin de magnifier ses fulgurances artistiques.

Né à Doncaster en Angleterre le 4 janvier 1942, John McLaughlin découvre le blues américain durant son adolescence. Cette forme d’expression enracinée dans l’ADN culturel du peuple noir outre-Atlantique suscite, au milieu des années 50, l’attention d’un jeune public européen avide de nouvelles sonorités. Le petit John a les oreilles grandes ouvertes et développe, sans s’en rendre compte, un éclectisme curieux qui le distinguera, des années plus tard, de ses homologues jazzmen. À l’aube des années 70, John McLaughlin approche la trentaine et devient l’un des "Miles Boys" comme il aime à le répéter. En d’autres mots, il entre dans le cercle restreint des musiciens adoubés par Miles Davis dont le rôle est, évidemment, d’illuminer le répertoire du célèbre trompettiste. À cette époque, Miles Davis veut électrifier son jazz, le rendre plus moderne, inventif, imprévisible. Il sent que le public recherche d’autres sensations, plus sauvages, plus psychédéliques. John McLaughlin évolue dans cet univers où la liberté d’expression n’est pas un vain mot. C’est une réalité qui redéfinit le paysage musical d’alors. L’audace de Miles Davis lui convient parfaitement et l’encourage à tenter des aventures stylistiques toujours plus périlleuses.

© Michael Ochs Archives / Getty Images
1970 - John McLaughlin avec le groupe Shakti.

Avec le groupe Mahavishnu Orchestra, John McLaughlin va encore plus loin et devient l’icône d’un jazz-rock en vogue mais la soul et le funk sont toujours là, en filigrane, et ne céderont pas aux effets de mode et aux courants musicaux éphémères. Que l’on écoute John McLaughlin dans les années 1970 ou aujourd’hui, une constatation s’impose. La ligne directrice n’a pas bougé et l’envie de se renouveler est une constante. Cela ne signifie pas un rejet du passé mais un savant dosage entre la révérence aux anciens et l’intérêt pour le présent. De toute façon, John McLaughlin n’a aucune intention de renier ses aînés ou ses influences d’antan. Il les revendique même. L’album "To The One", paru en 2010, a été, par exemple, inspiré par le souvenir de John Coltrane. Il est le fruit d’un long voyage musical qui prend sa source il y a plus de 50 ans. Il faut dire que les envolées lyriques du regretté saxophoniste laissent pantois tant elles semblent échappées d’un autre monde, celui de la spiritualité du jazz que John McLaughlin accueille avec grâce dans son propre répertoire si virtuose.

© Terry Lott / Sony Music Archive via Getty Ima
Performance live de John McLaughlin au Rainbow Theatre à Londres, le 01 novembre 1979.

Aujourd’hui, John McLaughlin ne connaît pas de limites, ne s’interdit aucune expérience, refuse les barrières de styles. Il est un universaliste attentif aux autres, aux couleurs et aux accents du monde. Ses projets très divers ont toujours réuni des artistes d’horizons lointains et la composition de ses différentes formations en témoigne magistralement. Son dernier album en date, "Liberation Time", fait appel aux talents de musiciens indiens, européens, africains, dont un certain Etienne Mbappé, bassiste camerounais de haute volée. Ce sont les mélanges, les fusions qui créent la richesse musicale et l’enthousiasme de la rencontre. Tout au long de sa prestigieuse carrière, John McLaughlin a multiplié les dialogues avec des solistes de grande valeur.

© David Redferns / via Getty Images
John McLaughlin sur la scène du Barbican pour le London Jazz Festival le 11 novembre 2012 à Londres.

Certes, évoquer sa destinée nous renvoie irrésistiblement dans le passé. Pour autant, le célèbre guitariste britannique ne veut pas se laisser enfermer dans une nostalgie improductive. Aller de l’avant et, à ses yeux, la promesse d’une vie riche et palpitante. Le tronc commun à toutes ses élucubrations finement ciselées reste le rythme, le groove presque funk de la culture afro-américaine. Lorsque l’on pioche dans sa discothèque personnelle, il n’est pas rare d’y entendre l’écho de grands noms de la Soul-Music ancestrale, de James Brown à Sly & The Family Stone. John McLaughlin excelle dans de nombreux contextes sonores. Acoustique ou électrique, il a le don de vous emmener dans sa bulle créative et de susciter des émotions, de nous faire frissonner lors de ses concerts. Ce sont des moments magiques durant lesquels l’artiste, lui-même, semble flotter au-dessus de ses propres interprétations. 

John McLaughlin a 80 ans mais son esprit résiste à l’érosion du temps. Son sourire malicieux défie les années et nous inspire depuis un bon demi-siècle… Happy Birthday Sir !

Le site de John McLaughlin