Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
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Charles Mingus aurait eu 100 ans

Charles Mingus en 1960. © Bettmann Archive - Bettmann

Né le 22 avril 1922, le contrebassiste et chef d’orchestre américain Charles Mingus fut un rebelle, un homme en colère qui défiait, à travers ses œuvres, l’ordre établi à une époque où la contestation était une audace périlleuse. 2022 marque le centenaire de cet homme insoumis dont l’esprit libre a inspiré nombre de ses disciples et héritiers. Après sa disparition en 1979, Sue Mingus reprit le flambeau et continua inlassablement à défendre l’honneur de son défunt mari. Elle s’exprima souvent sur les ondes et son témoignage, retrouvé dans nos archives, valide toujours avec force l’engagement artistique et citoyen d’un indomptable maestro.

La personnalité véhémente de Charles Mingus a souvent éclipsé l’importance patrimoniale de son répertoire. Outre ses nombreuses collaborations avec les grandes figures d’antan, les Louis Armstrong, Lionel Hampton, Duke Ellington, Charlie Parker, Miles Davis, Dizzy Gillespie, ses compositions ont souvent illustré son vécu et celle de ses contemporains. C’est à l’aube des années 60 que son génie créatif commence à susciter l’intérêt de la planète jazz et, parfois, l’ire de ses détracteurs. Bien avant que le mouvement des droits civiques ne bouscule la société américaine, Charles Mingus est déjà un lanceur d’alerte qui s’insurge contre les dérives et les exactions des autorités américaines à l’égard de la communauté afro-américaine. En 1959, il fait paraître trois albums successifs dont le fameux Mingus Ah Um qui deviendra l’une de ses plus célèbres réalisations discographiques.

 

© Redferns - Frans Schellekens
Susan Mingus, la veuve de Charles Mingus, à Amsterdam, en 1987.

 

Dans ce disque historique, il dénonce les choix insensés du gouverneur d’Arkansas, Orval Faubus. Cet homme politique, partisan de la ségrégation, choisit en 1957 de défier les lois fédérales votées trois ans plus tôt en interdisant l’entrée au lycée de neuf adolescents noirs de la ville de Little Rock. Il faudra l’intervention de la 101e division aéroportée sur ordre du président Eisenhower pour que le gouverneur raciste se conforme aux injonctions édictées par la Cour suprême des États-Unis. Charles Mingus composera Fables of Faubus (Les fables de Faubus) en réaction à cet épisode peu glorieux de l’histoire américaine. L’album Mingus Ah Um n’était cependant pas qu’un brûlot contre les intolérances et les injustices, il honorait également les héros du jazz qui inspiraient le contrebassiste et chef d’orchestre. Pas moins de quatre virtuoses majeurs, Jelly Roll Morton, Duke Ellington, Charlie Parker et Lester Young, firent l’objet d’une révérence musicale appuyée.

 

© Bettmann Archive - Bettmann
Neuf élèves noirs escortés par la 101e division aéroportée sur ordre du président Eisenhower, à Little Rock, en 1957.

 

Jusqu’aux derniers instants de sa tumultueuse destinée, Charles Mingus chercha à rester un homme libre dont les choix artistiques et le franc-parler pouvaient, certes, indisposer ses interlocuteurs, mais signifiaient son indépendance d’esprit et son exigeante insoumission. Le 18 juin 1978, le très démocrate président américain, Jimmy Carter, organise une swinguante après-midi jazz à la Maison Blanche en présence de Lionel Hampton Dizzy Gillespie, Mary Lou Williams, Eubie Blake, le producteur John Hammond et… Charles Mingus, très ému par cette invitation qui couronne enfin une vie entière consacrée à la reconnaissance de la culture noire. Six mois plus tard, Charles Mingus disparaîtra à l’âge de 56 ans emporté par la maladie, une sclérose latérale amyotrophique.

 

© Boston Globe via Getty Images - Boston Globe
Charles Mingus au Newport Jazz Festival en 1971.

 

Sa musique et ses déclarations ont fait évoluer le statut social des Africains-Américains au cours du XXè siècle. Son combat incessant contre les discriminations et son irrévérencieuse musicalité nourrissent notre compréhension d’une époque troublée dont les relents nauséabonds malmènent, toujours aujourd’hui, les espoirs de paix et d’unité à l’échelle internationale.

Site internet de Charles Mingus.