
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer
Tony Williams… 25 ans après !
Au mois d’août, nous vous proposons une série estivale consacrée aux grandes figures de "L’épopée des Musiques Noires" disparues il y a 25 ans !
Il y a 25 ans, disparaissait l’un des plus étonnants batteurs de l’histoire du jazz. Tony Williams avait traversé le XXè siècle dans l’urgence comme s’il savait que la maladie l’emporterait à 51 ans. Véritable acrobate du rythme, il est toujours aujourd’hui salué par ses contemporains comme l’un des meilleurs jazzmen de notre temps. Trop modeste, il n’aurait jamais imaginé que son nom puisse résonner en 2022 comme modèle de virtuosité pour nombre de batteurs en herbe. Et pourtant, c’est bien ce gamin d’à peine 20 ans qui soutenait, en 1965, le lyrisme du fameux trompettiste Miles Davis.
Réduire la destinée de Tony Williams à sa participation au quintet historique de Miles Davis dans les années 60 serait injuste. Après avoir appris de ses aînés, Tony Williams décide de voler de ses propres ailes dès 1969. Il a 24 ans et pressent très tôt l’évolution stylistique du jazz vers une fusion électrique plus en phase avec les aspirations du public. Il crée "Lifetime", une formation dont l’humeur psychédélique débridée nourrira le paysage musical des années 70. À partir de 1977, les sollicitations se multiplient et il n’est pas rare de l’entendre soutenir les œuvres de Stanley Clarke, George Benson, John McLaughlin, entre autres… Au fil des décennies, Tony Williams démontrera sa polyvalence rythmique en s’illustrant tant dans les expérimentations jazz-rock que dans les improvisations acoustiques effrénées. Son éclectisme suscitait d’ailleurs les louanges et la reconnaissance de ses pairs. Ses amis, Herbie Hancock, Michel Petrucciani, Branford et Wynton Marsalis, Ron Carter, Geri Allen, faisaient régulièrement appel à ses services et ne le regrettaient pas.
En 1993, le bassiste Marcus Miller concocte son 3ème album solo, The sun don’t lie. Auréolé par son travail avec le trompettiste Miles Davis pour l’album Tutu, il envisage de rendre hommage à son illustre chaperon disparu deux ans plus tôt. Il réfléchit à la meilleure manière de saluer sa mémoire et compose un titre en son honneur, The king is gone. Il se dit alors que la présence en studio des anciens partenaires de Miles Davis serait une bonne idée. Il lance donc les invitations. Il faudra la force de persuasion du saxophoniste Wayne Shorter pour que Tony Williams accepte de prendre part à cette séance d’enregistrement. The king is gone scellera finalement la complicité entre Marcus Miller et Tony Williams qui, tous deux, à des époques différentes, furent les colistiers inspirés d’un géant du jazz, Miles Davis.
Si le légendaire trompettiste avait très vite compris l’importance de l’image, Tony Williams hésitait à se mettre en scène. Le jazz devait rester, à ses yeux, une musique que l’on écoute et l’avènement du clip vidéo, auquel il avait assisté dans les années 80, ne l’enchantait guère. Tony Williams n’a jamais fanfaronné. Il savait que son jeu à la batterie, qu’il ne cessait de parfaire, lui assurait une vraie notoriété et une indiscutable légitimité. Le célèbre critique musical américain, Robert Christgau, l’avait même présenté, dans un article publié en 1970 à l’occasion de la sortie du disque Urgence, comme le "probable meilleur batteur au monde". Tony Williams fut, n’en doutons pas, honoré de cette distinction mais il savait rester humble et ne manquait pas d’humour. Il avait conscience que les compliments, même s’ils sont agréables à entendre, ne lui payaient pas ses factures. Comme tout jazzman, son train de vie n’était pas celui d’une star du rock. Certes, il débuta sa carrière à 17 ans aux côtés du flamboyant Miles Davis mais ne chercha pas à lui ressembler. "Il était important pour moi de quitter Miles Davis et l’atmosphère qui régnait autour de lui. Cependant, je reconnais avoir appris à vivre sans crainte grâce à lui, j’ai appris à rassembler, à faire ressortir le meilleur de chaque individu, j’ai appris qui j’étais, ce que je voulais, comment le déterminer et comment l’obtenir. J’avais des buts, bien entendu, mais ils n’étaient pas planifiés. D’ailleurs, la plupart des objectifs que je m’étais fixés, je ne les ai toujours pas atteints". (Tony Williams au micro de Joe Farmer).
Tony Williams nous a quittés le 23 février 1997.