
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
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Kokoroko réinvente l’afrobeat
Après le succès du titre Abusey Junction en 2018, nous attendions avec impatience le premier album du groupe britannique Kokoroko dont les accents afrobeat ont déjà conquis de nombreux fans à travers la planète. Sheila Maurice-Grey et Cassie Kinoshi, les deux piliers de cette formation en constance évolution nous content, cette semaine, leur épopée et nous présentent avec enthousiasme Could We Be More, un premier disque que les spectateurs du festival Jazz à La Villette ont pu acclamer le 31 août dernier.
À une époque où les tensions internationales semblent fragiliser les valeurs de solidarité, d’écoute et de partage, le groupe Kokoroko veut positiver et croire en un avenir radieux. Pétris d’influences multiculturelles, les membres de cet orchestre à géométrie variable mettent en relief la diversité de leurs origines pour appeler à la tolérance, à la connaissance et au respect. Chacun des instrumentistes de Kokoroko a une histoire différente et, pourtant, la conjugaison de leurs racines ancestrales crée l’unité. Qu’ils aient des ancêtres en Sierra Leone, au Nigeria, en Afrique du Sud, au Zimbabwe, dans les Barbades ou en Angleterre, ils militent pour une universalité riche de ces spécificités.
Certes, comme le reconnaît la trompettiste Sheila Maurice-Grey, il y a encore beaucoup à faire pour que la jeune génération s’intéresse à son histoire, notamment, à Londres où les différentes communautés ne cherchent pas réellement à se croiser et à s’apprécier. La musique peut être ce dénominateur commun qui insufflera l’envie de vibrer ensemble et de, finalement, réaliser que les traditions ne sont pas un frein à l’entente cordiale, à la camaraderie et à la compréhension mutuelle. Ainsi, le répertoire de Kokoroko, emprunt de nostalgie musicale, peut inciter les auditeurs à communier et à communiquer. Les échos panafricains de Fela Kuti, le funk de George Clinton, le swing d’Ella Fitzgerald, le Highlife d’Ebo Taylor, ingrédients palpables de la sonorité du groupe, rassemblent et défient le repli sur soi. C’est la force de Kokoroko qui n’impose pas sa vision du monde au XXIe siècle, mais laisse à chacun le soin d’interpréter le message délivré dans cet album ouvert et altruiste. Could We Be More est une invitation à donner du sens à nos actes du quotidien.
La pandémie aurait pu être l’occasion de nous retourner sur nos agissements et de rectifier le tir. Sheila Maurice-Grey et Cassie Kinoshi, nos invitées, ne croient malheureusement pas que ce triste événement planétaire aura modifié nos comportements. Il reste alors l’espoir que la puissance expressive de la musique suscitera notre examen de conscience. Soul Searching, l’un des titres phares du premier album de Kokoroko, manifeste clairement ce désir de retrouver les aspirations d’antan, d’embrasser les enseignements du passé pour affronter le présent et envisager un futur plus enthousiasmant. Les bonnes ondes de ces instrumentistes attachants auront-elles le pouvoir de conjurer le sort ? À nous d’en accepter l’augure !