Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
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Fela s’expose enfin!

Fela s’expose à la Cité de la Musique à Paris. © Joe Farmer/RFI

Jusqu’au 11 juin 2023, la Cité de la Musique à Paris présente l’exposition «Fela Kuti, Rébellion Afrobeat» consacrée à l’un des piliers de «L’épopée des Musiques Noires», le regretté Fela Anikulapo Kuti disparu en 1997. Grâce aux témoignages de ses contemporains et amis, nous nous plongeons cette semaine dans l’univers artistique d’un insoumis nigérian dont l’activisme suscite toujours admiration et fascination. 

Alexandre Girard-Muscagorry est le responsable des collections, Afrique, Asie, Océanie et Amériques, au musée de la musique à Paris. Il est également co-commissaire de l’exposition. Il dépeint l’engagement de Fela à travers ses œuvres et nous éclaire sur son impact social et politique au cœur du XXè siècle : «Pour Fela, la musique n’avait pas de sens si elle n’était pas au service du développement de la société, si elle n’était pas au service de causes pour lesquelles il se battait. Tout au long des années 70 à 80, il s’est élevé contre la corruption des élites politiques et économiques au Nigeria mais aussi à travers l’Afrique et, finalement, dans le monde entier. Il s’est présenté comme le porte-voix des personnes les plus précaires. Sa musique a donc toujours été enracinée dans ses combats citoyens. Ces deux aspects-là sont indissociables. On date la conscientisation de Fela à la fin des années 60, après son passage aux États-Unis où il rencontre Sandra Smith qui lui confie l’autobiographie de Malcolm X et divers autres publications afro-centristes destinées à inverser le récit classique de l’histoire africaine et à mobiliser le peuple noir contre la colonisation. À partir de 1976, Fela s’implique réellement dans la vie politique nigériane. Il fonde, dans un premier temps, une plate-forme de la jeunesse, les Young African Pioneers (YAP), inspirée des Ghana Young Pioneers créés par Kwame Nkrumah. Il agrège un certain nombre de militants, il écrit aussi un manifeste d’une trentaine de pages dans lequel il dessine les contours d’une société nigériane très structurée».

© Leo Bernard/RFI
Alexandre Girard-Muscagorry, co-commissaire de l’exposition.

 

Fela cherchera constamment à sortir du cadre, à expérimenter. Il ne se satisfera jamais du consensus et de la monotonie. Mabinuori Kayode Idowu surnommé «ID» fut l’un des proches du «Black President» qu’il rencontra en 1974. Il constata de très près les fulgurances et emportements artistiques de son compagnon de lutte. Aujourd’hui fringant septuagénaire, ID se souvient de la création des Yap News, un journal d’opinion dont il avait la responsabilité éditoriale : «À l’époque à laquelle nous avons créé ce magazine, tout rassemblement politique était interdit. Notre idée était donc d’utiliser les Yap News pour réveiller les consciences et mobiliser la jeunesse. Nous voulions prouver qu’il y avait une alternative à la colonisation. Fela était, certes, un artiste mais son domaine de Kalakuta était devenu le quartier général de la rébellion sociale et politique. Il n’était pas un homme politique mais pouvait aisément aborder tout type de sujets avec ses interlocuteurs ou détracteurs».

© Leo Bernard/RFI
Mabinuori Kayode Idowu, ancien partenaire de Fela et coordinateur des Yap News.

 

Fela Kuti devient un personnage emblématique de la lutte contre l’oppression à l’aube des années 80. La France soutient ses prises de position et l’accueille à bras ouverts. L’image du survivant courageux, bateleur et hâbleur, lui sied tant qu’elle épouse sa cause. Il fait des rencontres et accorde sa confiance à de jeunes collaborateurs pour magnifier son répertoire et peaufiner son aura. Sodi Marciszewer, actuel producteur de Femi Kuti, fut un des artisans de ce retour en grâce : «L’afrobeat de Fela est une musique engagée, pleine d’énergie, tenace. Sa rébellion ne s’exprime pas que dans ses textes. Elle existe dans sa manière de composer, dans sa façon d’orchestrer, d’instrumentaliser ses chansons, de diriger ses musiciens».

© Leo Bernard/RFI
Sodi Marciszewer, ancien collaborateur artistique de Fela.

L’exposition «Fela Kuti, Rébellion Afrobeat» n’immortalise pas une âme panafricaine. Elle la revitalise !

L'exposition Fela Kuti, Rébellion Afrobeat à la Cité de la Musique à Paris.

© Joe Farmer/RFI
La discographie de Fela exposée à la Cité de la Musique.