Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer
Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30
Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)
Les révérences de Dee Dee Bridgewater, l’espièglerie de Steve Coleman
Lors de la 42ème édition du festival « Jazz sous les pommiers » à Coutances en Normandie, le swing multi-confessionnel des artistes invités a clairement enthousiasmé le public et les critiques. De Robert Cray à Sandra Nkaké, de Sixun à Selène Saint-Aimé, toutes les couleurs du jazz ont scintillé. L’hommage à Ella Fitzgerald par l’exquise Dee Dee Bridgewater, divinement appuyée par l’Amazing Keystone Big Band, contrebalançait singulièrement les audaces du saxophoniste Steve Coleman, mais cet éclectisme est un choix réfléchi qui a fait la légende de cet incontournable rendez-vous printanier. Nous n’avons eu qu’à tendre nos micros !
Le 18 mai 2023, le Théâtre municipal de Coutances accueillait l’intrépide saxophoniste Steve Coleman venu bousculer la définition du swing afro-américain. Depuis plus de 30 ans, ce génial instrumentiste peaufine son univers musical en mâtinant sa maîtrise de l’improvisation d’une science rythmique imparable. Avec son groupe, les Five Elements, il pétrit sa liberté d’expression d’un groove ensorcelant. Il est l’un des rares virtuoses actuels dont la musique ne peut être classée dans une catégorie. Il s’en félicite d’ailleurs… « Je me contenterai de dire que je joue de la… « musique ». Je comprends que l’on cherche à définir les genres musicaux. D’ailleurs, le trompettiste Nicholas Payton parle plutôt de « Black American Music » mais, pour moi, ce ne sont pas les appellations qui donnent de la valeur à la musique. Si je décide d’appeler ma musique : « Boubou », sera-t-elle instantanément transformée ? Bien sûr que non ! Ce ne sont que des noms auxquels je ne prête que peu d’attention. Je préfère m’attarder sur la qualité des musiciens que je rencontre et qui jouent avec moi. Pour définir un style musical, je me contente de dire : La musique de… Ahmad Jamal, la musique de… John Coltrane, la musique de… Stevie Wonder, la musique de… Jimi Hendrix. Cela me donne plus d’informations sur la personnalité d’une œuvre plutôt qu’un terme comme « rock », « jazz » ou « funk ». Je préfère parler de la musique de… James Brown plutôt que d’utiliser le mot « funk ». J’ai ainsi plus d’informations sur l’intention d’un artiste. Si vous prononcez le mot blues, de quel instrumentiste parlez-vous ? Par contre, si vous parlez de la musique de… Muddy Waters, vous savez immédiatement de quoi nous parlons. Il suffit de citer le nom de Robert Johnson pour savoir de quelle musique nous parlons. Charlie Parker jouait du blues et, pourtant, il était perçu comme un artiste jazz. Toutes ces étiquettes n’ont aucun sens. Le mot « blues » ne traduit pas la différence entre Muddy Waters et Charlie Parker ! Le blues regroupe tant d’artistes et de cultures différentes. C’est juste la musique traditionnelle des Afro-Américains. Si Charlie Parker est un artiste de blues, joue-t-il la même musique que B.B King ? Bien sûr que non ! Le blues que vous entendez dans la voix de Billie Holiday est-il le même que celui de B.B King ? Aretha Franklin est-elle une artiste de blues ? Tout dépend de la définition que vous en donnez. Je le répète, je préfère parler de la musique de… Abbey Lincoln, la musique de… Aretha Franklin, la musique de… Betty Carter, la musique de… Dinah Washington. Et là, on sait de quoi on parle ! ». (Steve Coleman au micro de Joe Farmer)
Savoir préserver son identité culturelle est un défi quotidien pour les artistes désireux de se distinguer. Bien qu’elle attache beaucoup d’importance au respect de la tradition, la chanteuse Dee Dee Bridgewater a su donner à sa tessiture une originalité naturelle qui la hisse au rang des reines de l’art vocal. Le 19 mai 2023, elle acceptait de livrer à Coutances deux prestations de suite en hommage à l’illustre Ella Fitzgerald. En compagnie de l’impeccable « Amazing Keystone Big Band », une formation française de haute tenue, elle a conquis le public normand en s’appropriant avec goût et délicatesse les œuvres immortalisées par son aînée. Déjà en 1997, elle avait salué la mémoire de la « First Lady of Song » en faisant paraître l’album Dear Ella. Parfaitement légitime pour interpréter le répertoire de sa regrettée consœur, Dee Dee Bridgewater a pris le temps de donner des clés de compréhension aux spectateurs enthousiastes. Il faut dire qu’elle eut le privilège de rencontrer la légendaire Ella Fitzgerald avec laquelle elle bavarda plusieurs fois dans l’intimité d’une conversation complice.
À quelques jours de ses prochains concerts avec l’Amazing Keystone Big Band, Dee Dee Bridgewater nous fait part de confidences et de souvenirs précieux avec l’universelle Ella Fitzgerald. Rendez-vous le 22 juin à Wolfisheim, le 25 juin à Fontainebleau, le 28 juin à Vienne, le 1er juillet à Paris (Olympia) et le 10 juillet 2023 à Juan-Les-Pins pour acclamer cette lumineuse artiste somptueusement soutenue par un orchestre scintillant et inspiré !
⇒ Le site de Dee Dee Bridgewater
⇒ The Amazing Keystone Big Band
⇒ Festival Jazz sous les Pommiers, du 13 au 20 mai 2023.
