Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer

 

 

 

Horaires

Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30

Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)

Le swing afrobeat de Femi Kuti, le funk magistral de Marcus Miller

Femi Kuti lors du 42ème Festival «Jazz sous les pommiers». © Francis Bellamy/JSLP 2023

Lors de la 42ème édition du festival « Jazz sous les pommiers » à Coutances en Normandie, le swing multi-confessionnel des artistes invités a clairement enthousiasmé le public et les critiques. De Robert Cray à Sandra Nkaké, de Sixun à Selène Saint-Aimé, toutes les couleurs du jazz ont scintillé. La ferveur afrobeat de Femi Kuti comme les envolées funk du maestro Marcus Miller ont illuminé cet incontournable rendez-vous printanier. Nous n’avons eu qu’à tendre nos micros !

Les années passent mais l’énergie revendicative du saxophoniste nigérian Femi Kuti ne faiblit pas. Son concert, le 19 mai 2023, à Coutances a dynamisé la fin du festival sur un tempo afrobeat effréné. Plus philosophe, le fils aîné de Fela a appris de ses éclats de voix du passé. Il cherche aujourd’hui l’apaisement sans renier ses convictions, sans baisser la garde. À 61 ans, il regarde la jeune génération prendre progressivement le relais de son combat quotidien pour l’égalité et la justice. Il se plaît à voir son fils, Madé, tenir un discours réfléchi et pertinent, totalement en phase avec les secousses telluriques du XXIè siècle. « Madé a déjà en lui ce désir de vérité. Il connaît l’histoire de notre famille et je sais qu’il est une belle personne. Je pense même qu’il est meilleur que moi. Et je suis comblé. Je le vois se développer, j’assiste à ses progrès en tant qu’homme et en tant qu’artiste. J’ai essayé de l’éduquer le mieux possible et je suis heureux de le voir s’épanouir de la sorte. Nous avons tous commis des erreurs évidemment. Je me souviens notamment de la personne que j’étais à son âge. J’étais bien moins futé que lui à l’époque. Madé sait lire la musique, il compose, il joue de plusieurs instruments. Moi, je ne suis pas aussi polyvalent ! Musicalement, il est bien meilleur que moi ! Il a su acquérir une forme de sagesse, un karma, qui lui a permis de devenir un meilleur être humain sur cette Terre. Nous parlons beaucoup ensemble de cette évolution spirituelle à laquelle j’attache beaucoup d’importance. Chaque fois que nous nous croisons, nous discutons ensemble des erreurs que nous avons commises et nous essayons de les corriger. Je suis sûr qu’il sera bien meilleur que moi. J’ai 61 ans, il en a 27. Je suis certain que, lorsqu’il aura mon âge, il sera en paix avec lui-même ». (Femi Kuti au micro de Joe Farmer) 

© Francis Bellamy/JSLP 2023
Femi Anikulapo Kuti en concert à Coutances, le 19 mai 2023.

 

Sur scène, Femi Kuti est toujours bondissant et imprévisible. Hors de scène, il est un homme sage qui promeut de belles valeurs humaines malgré les défis du monde actuel. Il pense évidemment à son avenir et l’envisage peut-être un peu moins trépidant qu’aujourd’hui… Se prépare-t-il à transmettre le flambeau ? Il ne le dit pas ouvertement mais il y pense nécessairement. Il préfère occuper son esprit en essayant de dompter un instrument coriace : la trompette. « Au tout départ, j’avais un peu minimisé la dureté de la tâche. Plus je jouais, plus je trouvais cet instrument difficile à maîtriser, et plus j’étais frustré ! J’étais furax. Je ne parvenais pas à jouer harmonieusement de la trompette. Et puis, allez savoir pourquoi, subitement, une mélodie est entrée dans ma tête. Et cela m’a apaisé. J’étais très surpris car, à l’époque, j’en avais après la planète tout entière. Je défendais à bout de bras le club de mon père, le Shrine, je montais sur scène très tendu, j’étais prêt à défier les forces de police. Au micro, je disais : « Venez, venez, je vous attends ! ». Et donc, cette mélodie qui me trottait dans la tête m’intimait l’ordre de prendre du recul. Dès que j’ai essayé de la jouer à la trompette, je me suis senti beaucoup plus calme, je me suis adressé à mes interlocuteurs avec beaucoup plus de tempérance et, depuis, je ne m’énerve plus. Il peut m’arriver d’être contrarié mais je ne suis plus coléreux ». (Femi Kuti, le 19 mai 2023)

© Francis Bellamy/JSLP 2023
Marcus Miller, heureux de régaler le public normand, le 20 mai 2023.

 

Trouver la sérénité est l’enjeu d’une vie. Le bassiste Marcus Miller a, très tôt, éprouvé le poids de la notoriété en devenant, dès les années 80, le producteur de Miles Davis. Cette exposition médiatique et le succès consécutif auraient pu bousculer son équilibre psychologique mais ce formidable instrumentiste sait replacer les événements à leur réelle dimension. Il est une personnalité majeure de « L’épopée des Musiques Noires » mais reste les pieds sur terre et se rend toujours disponible pour ses nombreux interlocuteurs. Il a conscience de son rôle et de son image publique dont il veut se servir pour faire entendre la voix de la tolérance et du partage. « ​Je vais vous raconter une histoire… J’étais en Pologne, il y a quelques années, le jour de la fête de l’indépendance. J’ai donné un concert devant 30 000 personnes et j’ai fait la connaissance d’un bassiste nommé Alune Wade. Il me salue et me dit : « Je m’appelle Alune mais, au Sénégal, tout le monde m’appelle le Marcus africain ! ». Il a ajouté : « Je joue un peu dans votre style car je suis fan de votre jeu ». 

Je lui ai répondu : « Vous savez, Alune, je travaille actuellement sur un projet qui fera appel à des musiciens d’Afrique de l’Ouest. Où dois-je me rendre ? Au Sénégal ? Plus au Sud ? Au Cameroun ? ». Il a rétorqué immédiatement : « Mais non ! Venez à Paris ! ». J’ai dit : « Mais pourquoi Paris ? ». Et lui :« Parce que tous les musiciens africains sont là. Vous n’aurez pas à voyager de pays en pays. Guimba Kouyaté est originaire du Mali, Adama Dembélé vient du Burkina Faso, etc. ». J’ai donc suivi ses conseils et je les ai tous conviés en studio ». (Marcus Miller sur RFI) 

Lors de son concert à Coutances, le 20 mai 2023, en bouquet final du festival « Jazz sous les pommiers », Marcus Miller a livré une prestation irréprochable distribuant les cartes de son jeu groove à ses complices, en mettant en relief leur virtuosité. Généreux, attentif, bienveillant, ce véritable maestro a illuminé les yeux de ses nombreux admirateurs. Il poursuivra sa route tout l’été en France, mais ce début de tournée européenne laisse présager des moments de funk-jazz réjouissants ! 

Le site de Marcus Miller 

Facebook de Femi Kuti

⇒ Festival Jazz sous les pommiers.