Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer

 

 

 

Horaires

Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30

Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)

Moreira Chonguiça, un homme de paix

Moreira Chonguiça expose l'objet de toutes ses passions musicales. © Christian Rose

Moreira Chonguiça a une conviction : la musique est un espace de paix universel. Alors que le monde tremble et s’inquiète de soubresauts guerriers, le saxophoniste mozambicain fait face à la fatalité et oppose, aux velléités mortifères, la force expressive de son jazz austral. Sounds of Peace est un album utile qui appelle à poser les armes. Son discours est précieux et sa truculente logorrhée suscite une écoute attentive. 

Convaincu que la persévérance porte toujours ses fruits, Moreira Chonguiça n’a cessé, depuis 20 ans, de marteler un discours humaniste. Attentif à l’éducation des plus jeunes, il les invite à participer aux différents orchestres qu’il dirige dans son pays natal. Le « More Jazz Big Band » en est un bel exemple. Cette formation fort cuivrée donne un sens au développement personnel de dizaines d’enfants de Maputo. « ​Cela leur apporte l’équilibre psychologique nécessaire car la musique vous donne un but à atteindre. La musique est en chacun de nous. Elle vous donne une raison d’être et d’avancer dans la vie. La musique vous pousse à prendre des décisions. C’est la première forme d’expression chez l’enfant. Il suffit de taper le rythme sur une table et vous faites déjà de la musique. C’est un son simple mais initial ! ». (Moreira Chonguiça sur RFI)

Si la pochette de son dernier album peut interpeller, Moreira Chonguiça veut en donner une lecture pacifiste. Certes, il s’agit de la représentation d’une Kalachnikov mais elle se transforme rapidement en saxophone. Le symbole est limpide : la musique peut faire taire les armes. « On ne gagne rien sans douleur ! Il est important de montrer aux jeunes que nous devons tous batailler pour exister. Nous sommes tous des guerriers en quelque sorte. Être en désaccord ne veut pas dire être ennemis. C’est partager des points de vue, des différences, nos différences. Je vois trop de gens, particulièrement sur le continent africain, considérer qu’un avis opposé au vôtre est une déclaration de guerre. L’histoire a montré, et l’Europe en est le meilleur exemple, qu’après un conflit vient le consensus. La première et la deuxième guerre mondiale l’ont prouvé. L’Europe s’est unie parce qu’il y a eu la guerre. Aujourd’hui, vous avez réussi à constituer une communauté européenne née d’un effort de consensus après des dissensions et des douleurs majeures. La vie n’est pas qu’un lit de roses mais les soubresauts ne signifient pas pour autant la fin du monde. Essayons de garder espoir. (Moreira Chonguiça au micro de Joe Farmer)

 

© Christian Rose
Moreira Chonguiça à RFI (juillet 2023).

 

Ce propos sage et encourageant rappelle l’esprit altruiste d’un autre saxophoniste éclairé, le regretté Manu Dibango. Il se trouve que ces deux instrumentistes ont eu le plaisir de partager quelques heures de studio ensemble en 2017. L’album M & M (Manu & Moreira) vit le jour dans une humeur confraternelle indiscutable. Il fallut pourtant beaucoup de ténacité et de foi inébranlable pour que ce projet aboutisse. « J’ai réellement rencontré Manu Dibango le 31 décembre 1999 à Robben Island où Nelson Mandela avait si longtemps été emprisonné. À l'époque, j’étais étudiant à l’Université du Cap en Afrique du Sud et on m’avait proposé d’intégrer le big band qui allait donner le concert du Nouvel An. J’ai regardé la liste des participants à cette soirée exceptionnelle, il y avait Jonathan Butler, Youssou N’Dour, Miriam Makeba, Hugh Masekela et… Manu Dibango. Évidemment, j’ai cherché à le rencontrer mais je ne le trouvais pas. Et puis, j’ai entendu un son de saxophone alto dans les coulisses. Il s’agissait d’un blues signé Charlie Parker. J’étais certain qu’il s’agissait de Manu Dibango ! J'ai pris mon courage à deux mains et je suis allé le saluer. J’entends encore son rire inimitable. Finalement, il m’a donné son numéro de téléphone personnel et a ajouté : « Si tu viens en France, appelle-moi ! ». Quelques années plus tard, nous avons enregistré l’album M & M. C’est ainsi que j’ai rencontré Manu Dibango » (Moreira Chonguiça – Juillet 2023)

Moreira Chonguiça n’a pas sa langue dans sa poche. Il aime conter des anecdotes, partager ses souvenirs et inspirer ses interlocuteurs. Sa sereine énergie nourrit notre quiétude et notre réflexion. Sounds of Peace est un album qui ne s’écoute pas par hasard. Il se savoure et apaise. « ​Je pense que la paix, c’est d’abord le silence. Et le silence, c’est le son primaire. Alors oui, un son peut créer la paix. La musique appelle à la paix. C’est à nous de choisir ce que la musique peut nous apporter. Que signifie être en paix ? Est-ce écouter de la musique ? Est-ce lire un livre ? Est-ce regarder un bon film ? De belles photos ? C’est à vous de choisir. Mais oui, le son peut créer la paix en chacun de nous. (Moreira Chonguiça)

Rendez-vous le 19 août 2023 à Matola au Mozambique pour faire l’expérience d’une prestation ensorcelante. 

 ⇒ Le site de Moreira Music.

 

© Christian Rose
Moreira Chonguiça attend sereinement d'entrer en studio.