Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer

 

 

 

Horaires

Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30

Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)

Le son et l’image : hommage au photographe Christian Rose

Le livre «Jazz Meetings», de Christian Rose et Philippe Carles (Éditions du Layeur). © Joe Farmer/RFI

Préserver un patrimoine musical passe souvent par la restauration d’œuvres sonores dont il faut impérativement atténuer l’inéluctable dégradation. Écouter une mélodie enregistrée, il y a 50 ou 100 ans, est désormais possible et nous plonge instantanément dans l’histoire d’instrumentistes légendaires. Ces bribes d’un temps révolu sollicitent notre imagination et nous poussent à en vouloir toujours plus. L’apport de l’image a rassasié nos désirs. Les photographes ont donné un visage, une existence, un mouvement, à d’innombrables virtuoses dont le répertoire rythme notre quotidien. Du 21 septembre au 15 novembre 2023, le mensuel Jazz Magazine expose, à Radio France, les instantanés d’une épopée vertigineuse. 

Le son nourrit nos divagations spirituelles. C’est d’ailleurs le propre de la radio : susciter l’inspiration sans qu’aucune représentation visuelle n’entache notre réflexion. Pourtant, l’évolution des techniques d’information encourage l’illustration au détriment de la rêverie. Les photographes professionnels doivent adapter leur métier à cette nouvelle donne. Face à ce défi du XXIè siècle, préserver un patrimoine est une exigence. Christian Rose, disparu le 11 juillet 2023, a toujours résisté à l’exploitation anarchique de l’image. Depuis 1965, il captait sur le vif les attitudes de nombreux musiciens sur scène, en studio, en voyage ou en tournée. Devant son objectif, sont passées des personnalités illustres comme Miles Davis, Jimi Hendrix, Bob Marley, Ali Farka Touré, Fela Kuti, Nina Simone, James Brown, Stevie Wonder, et quelques milliers d’autres…

© Joe Farmer/RFI
Christian Rose en compagnie du chanteur Al Jarreau à Paris, le 29 avril 2015.

 

Christian Rose n’était pas un grand bavard. Il préférait évoquer sa passion et s’intéresser à l’histoire de la photo plutôt que de ses photos. Son récit nous emmenait parfois un siècle en arrière quand les techniques de prises de vue étaient encore très rudimentaires. Christian Rose savait reconnaître la valeur de ses aînés qui, outre Atlantique, avaient mis en lumière des instrumentistes émérites en pleine ségrégation raciale. Longtemps, les pochettes de disques présentaient de jolies filles plutôt qu’un homme noir que l’Amérique très conservatrice ne voulait pas voir. Le label Blue Note prit le contre-pied de cette vision rétrograde et propulsa dans le feu des projecteurs les musiciens afro-américains. Au cours du XXè siècle, de nombreux photographes se sont distingués, Herman Leonard, Francis Wolff, Art Kane, William P.Gottlieb et William Claxton, entre autres. Ces photographes ont donné de l’éclat à des virtuoses qui en manquaient terriblement. Certains clichés sont devenus historiques et Christian Rose, dont l’humilité n’avait d’égale que le talent, fait partie de ces rares artisans capables de magnifier un artiste. 

© Joe Farmer/RFI
Christian Rose exposait ses œuvres à Issy-les-Moulineaux, près de Paris, le 23 juin 2017.

 

Christian Rose était plutôt rétif à l’idée de s’auto-célébrer. Il avait certainement conscience de l’héritage qu’il léguerait à la postérité mais il préférait citer ses homologues plutôt que ses faits d’armes. Les premières personnalités qu’il eut le bonheur de photographier furent Duke Ellington et Count Basie. Nous étions au cœur des années 60. Il n’avait qu’une vingtaine d’années. 50 ans plus tard, il était resté le même. Méfiant, il n’accordait que très rarement sa confiance. Il avait tout de même fait paraître plusieurs ouvrages dont « Instants de Jazz » en 1996, « Jazz Meetings » en 2003 et « Black and Soul » en 2004. Il avait aussi évolué dans l’univers de la pop, du rock et se félicitait de ne s’être jamais spécialisé dans un genre musical en particulier. Il suivait son inspiration et, parfois, liait amitié avec certains instrumentistes. De temps à autre, Christian Rose nous rendait visite à RFI pour humer l’air du temps et rester au fait de l’actualité musicale. Son dernier cliché remonte au 16 mai 2023. Il était allé saluer le pianiste jamaïcain, Monty Alexander, alors qu’il répétait à la Scène Musicale, sur l’île Seguin, près de Paris.

© Joe Farmer/RFI
Christian Rose retrouvait l’un de ses bons amis, le percussionniste Mino Cinelu à Pantin, près de Paris, le 14 octobre 2021.

 

Bien qu’il fut un homme de l’image, Christian Rose était convaincu que le fait de dévoiler, de manière ostentatoire, l’envers du décor, les coulisses d’un studio ou d’une salle de spectacle, rompait le charme de la prestation artistique. Les réseaux sociaux n’étaient, pour lui, qu’une vitrine qui ne pouvait remplacer les rencontres, le frisson d’un spectateur dans une salle de concert, d’un auditeur derrière le poste ou d’un touriste dans un musée. Son œil n’était jamais intrusif. Il devait être invisible pour donner de la visibilité…

L’exposition « Ladies & Gentlemen » à la Maison de la Radio et de la Musique à Paris lui rendra hommage en présentant certaines de ses œuvres parmi des dizaines échappées des archives du mensuel « Jazz Magazine ».

 

L'exposition Ladies and Gentlemen, du 21 septembre au 15 novembre 2023, à la Maison de la Radio et de la Musique

 

© Radio France
Affiche Ladies and Gentlemen, du 21 septembre au 15 novembre 2023 à Radio France.