Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer

 

 

 

Horaires

Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30

Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)

Les archives de Stax Records

Les archives du label Stax Records. © Joe Farmer/RFI

L’année 2023 aura été celle de Stax Records. Outre les célébrations du 20ème anniversaire du musée Stax à Memphis, outre la réédition en format augmenté du fameux concert « WattStax » qui électrisa la ville de Los Angeles en août 1972, un coffret de sept CDs exhume les archives de cette compagnie de disques qui révéla Otis Redding, Isaac Hayes, les Staple Singers, Sam & Dave ou Eddie Floyd, entre autres. 

Ces documents rares nous permettent d’entendre les balbutiements, les ébauches, les premiers échos d’œuvres devenues, pour certaines, des grands classiques et qui ont accompagné le quotidien des Afro-Américains à une période charnière de leur l’histoire. Pour comprendre la valeur patrimoniale de ces archives aujourd’hui restituées, il faut évoquer la ville de Memphis, son passé douloureux, sa vigueur culturelle et sa situation géographique. Située dans le Tennessee au sud des États-Unis, Memphis a toujours été un carrefour où le blues et la country se croisaient, où le sacré et le profane se rencontraient, où Blancs et Noirs parfois se parlaient, où Martin Luther King fut assassiné, où il délivra son dernier discours, où Elvis Presley fit ses premières armes, où Otis Redding se révéla. Tous ces éléments démontrent combien l’effervescence d’une époque s’inscrit dans « L’épopée des Musiques Noires ».

© Joe Farmer/RFI
Tim Sampson devant le musée Stax à Memphis.

 

Tim Sampson est le directeur de la communication du musée Stax à Memphis qui, depuis 20 ans, préserve et protège l’héritage de ce label historique beaucoup plus éclectique qu’il n’y paraît : « ​Stax Records est, certes, un label de soul-music mais c'est aussi une compagnie discographique qui enregistrait des artistes de blues, de rock, de pop, de country, de gospel… Cette maison de disques avait la particularité de faire appel à des musiciens blancs et noirs même si, dans les dernières années, la proportion de musiciens noirs était plus importante en raison de l'engagement de certains artistes pour le mouvement «Black Power». C'est donc devenu une institution presque sociale au détriment de l'aspect purement discographique ».

© Joe Farmer/RFI
David Porter dans les studios de «Made in Memphis Entertainment».

 

Durant ses longues années au sein du musée Stax, Tim Sampson a pu converser avec quelques piliers du label dont Booker T. Jones, William Bell ou Steve Cropper, et a réalisé combien ces musiciens ont fait avancer la notion de partage et d’écoute à une époque où les relations entre Blancs et Noirs semblaient impossibles. Étaient-ils déjà des militants ? Leurs compositions étaient-elles finalement politiques ? Tim Sampson n’en est pas convaincu : « Si je m'en tiens à ce qu'ils m'ont dit, il ne s'agissait pas de militantisme. Ils ne cherchaient pas à prouver quoi que ce soit en se côtoyant les uns les autres. Ils étaient juste des musiciens dont le métier était d'enregistrer des disques. En studio, la couleur de la peau de chacun des artistes n'avait aucune importance. Même au tout début de l'aventure Stax, l'engagement citoyen n'était pas une priorité car ils n'avaient même pas conscience d'être des pionniers dans ce combat social historique. Ils ne réalisaient même pas que Stax était un endroit unique où Blancs et Noirs partageaient les mêmes passions ».

© Joe Farmer/RFI
L’auteur et documentariste américain, Robert Gordon, chez lui à Memphis.

 

De nombreux artistes ont accompagné le mouvement des droits civiques, et la disparition de Martin Luther King, en avril 1968, a renforcé l’esprit frondeur de certains musiciens et interprètes. Les Staple Singers, Sam & Dave, Isaac Hayes, ont multiplié les messages d’unité et de résilience. David Porter était un jeune compositeur du label Stax à l’époque. Il reconnaît aujourd’hui avoir écrit des chansons qui appelaient au sursaut citoyen : « Nous avons compris que le succès nous donnait l'opportunité de transmettre des messages. Dès lors, nous nous sommes dit qu'il fallait utiliser ce moyen pour parler à nos concitoyens de plusieurs façons. Il faut se souvenir qu'en ces temps-là, il était très difficile d'avoir un discours engagé. Il fallait donc trouver des subterfuges pour se faire entendre. Par conséquent, nos chansons devaient apparaître inoffensives pour les Blancs racistes et pleines de sens pour la communauté noire. Isaac Hayes et moi-même avons rapidement pris conscience que nous étions devenus des messagers ».

© Craft Recordings
Le coffret «Written in their Soul».

 

Les archives de Stax Records, réunies dans le coffret « Written in their Soul », sont une bonne manière de déceler l’énergie créative de dizaines d’auteurs-compositeurs qui, au fil des années, écrivaient une part de leur histoire mais aussi celle de l’Amérique noire confrontée aux assauts du conservatisme raciste, enraciné jusque dans ses institutions. Cette anthologie met en lumière la ferveur de musiciens totalement investis dans leur art et la force d’un label installé, originellement, à Memphis, le centre névralgique des musiques noires et blanches américaines. « Je dirais que Memphis est la ville la plus funky de la planète. J’aimerais que ce soit dit une fois pour toutes. Quand vous voyagez à travers le monde, on vous présente certaines villes en vous disant : « C’est la ville la plus haute du monde ou la plus isolée ou la plus proche du pôle Nord ». Eh bien, j’aimerais que vous reteniez que Memphis est la ville la plus Funky au monde ». (Robert Gordon, auteur et documentariste américain)

Le site de Stax Records

Le site du musée Stax