
De Mozart à Césaria Evora… C’est le RDV des 1001 musiques de RFI présenté par Laurence Aloir, avec des portraits, des entretiens, des sessions live au grand studio de RFI à Issy les Moulineaux et la tournée des festivals en son et en images qui bougent.
Entretien avec Céline Banza et Jupiter Bokondji, RD Congo
Seule la République Démocratique du Congo réunit Céline Banza et Jupiter Bokondji. Chacun dans son histoire musicale représente un autre Congo.
Nous les avons rencontrés dans les bureaux de Youssoupha, Bomayé Music Africa où Céline Banza a décidé de poursuivre l’aventure avec son 1er album Praefatio (c’est du latin, référence Cicéron). De son côté, le Général Rebelle présente le nouvel album Na Kozonga chez Zamora Prod.
Na kozonga : Je rentre chez moi. C’est le souhait de Jupiter, et le titre de son troisième album. Après Hôtel Univers et Kin Sonic, "le Général Rebelle" et son groupe Okwess ont fait le tour du monde et fait entendre le son le plus rock jamais sorti du Congo ! Ce grand pays, scandale musical autant que géologique, est un réservoir inépuisable de rythmes et de sons dans lesquels puisent avec bonheur Jupiter et ses musiciens. De l’énergie pour les pieds, et de la nourriture (okwess) pour l’âme. Le tout porté avec énergie par un chef d’orchestre dont la silhouette longiligne et le verbe parabolique auraient fait pâlir d’envie les sculptures de Giacometti. Et bien voilà, cette fabuleuse troupe n’a qu’une envie, rentrer au Congo. Car c’est à Kinshasa que Jupiter trouve son inspiration et qu’il eut, jeune homme, la révélation.
Nous sommes à la fin des années 1970, et il revient d’un long séjour à Berlin Est où son père était diplomate. Là-bas, il franchissait le fameux mur matin et soir pour aller en classe à Berlin Ouest. Il se jouait déjà des frontières, et aimait écouter James Brown et les Jackson Five ou encore, quand son père montait le son, les tubes de Claude François. De toute façon, l’éclectisme ne lui a jamais fait peur. C’est d’ailleurs à l’est du rideau de fer qu’il forme son premier groupe : die Neger (les Nègres). "Neger", un des premiers mots qu’il apprit en croisant les petits Allemands qui, dans la rue, le montraient du doigt. Ses "Nègres" à lui, recrutés parmi les enfants de diplomates, sont Belges, Cambodgiens, Gabonais, Espagnols et jouent pour s’amuser avec des instruments de fortune. Déjà, il avait une certitude : le monde nous appartient tous. Il en tirera, près de trente ans plus tard, The world is my land, une des chansons de son premier album. Mais n’anticipons pas.
Il a 17 ans, et rentre à Kinshasa. Dans ce bain chaud saturé de sons, il est happé par les musiques traditionnelles d’une capitale où toutes les ethnies du pays se retrouvent ("pas moins de 450 !", rappelle-t-il). Un trésor que les stars de la chanson congolaise exploitent peu, s’adonnant surtout à la populaire rumba. Pourtant, il trouve dans ces rythmes importés du village une étrange familiarité avec les musiques occidentales découvertes en Allemagne, mais à l’état brut. Comme si le rock, la soul, le funk provenaient toutes d’une même racine, d’une même source : son Congo. Sa grand-mère guérisseuse, qui l’emmenait sur son dos dans les cérémonies, lui a laissé un tambour : il s’y adonne assidûment, et joue dans les veillées funèbres où, en Afrique, la musique s’invite avant tout le monde. Puis il forme ses premiers groupes, et doucement mais sûrement, forge son identité singulière. Un son unique, différent de tout ce qui sort d’un pays que les rois de la rumba écrasent de tout leur poids. Il lui faudra du temps pour l’imposer. Mais il y croit dur comme fer, quand il rencontre Florent de la Tullaye et Renaud Barret qui, en 2007, lui consacrent un magnifique documentaire : la danse de Jupiter.
Quelques temps plus tard, on voit sa longue silhouette arpenter pour la première fois les scènes françaises, et, sous la houlette de Marc-Antoine Moreau, son premier disque paraître. L’étoile de Jupiter se met à briller, d’autant que Damon Albarn, le génial cerveau de Blur et Gorillaz, l’invite sur son disque Kinshasa One-Two, puis l’embarque sur la tournée Africa Express dans un train qui traverse l’Angleterre. Jupiter et Okwess feront bientôt la première partie des concerts de Blur. De l’Angleterre au Mexique en passant par le Japon, la Nouvelle-Zélande et la France, ils laissent derrière eux, comme une traînée de poudre, le souvenir de leurs shows explosifs. Depuis, ils n’en finissent plus de faire le tour du monde, à s’en donner le tournis.
Ce nouvel album est le fruit de tous ces voyages. On y retrouve en invités la fabuleuse section de cuivres du Preservation Hall Jazz Band, rencontrée dans un bœuf en marge du festival de jazz de la Nouvelle Orléans, le pionnier du rap brésilien Marcelo D2, ou la chanteuse américaine Maiya Sykes dont la voix soul n’a rien à envier à celle d’Alicia Keys. Autant de rencontres qui font souvent naviguer Na kozonga vers les rivages américains, où la sombre histoire de l’esclavage a accouché de lumineuses musiques. En Amérique latine, Jupiter a été adopté. Ses concerts reçoivent un accueil délirant du Mexique au Brésil en passant par la Colombie.
C’est aussi dans la ville la plus latine des États-Unis que Na Kozonga a été enregistré. Chez Mario Caldato, réalisateur plutôt versé dans l’épure hip-hop, mais qui sait – en bon brésilien – jongler avec les rythmes sophistiqués. Et respecter l’énergie d’Okwess, que les années de concert ont rendue incandescente. François Gouverneur, qui a co-réalisé l’album, a veillé à ce juste équilibre du son, qui porte tout autant les mots d’ordre positifs (On peut faire mieux que ça), les réflexions sur les complexes issus de la colonisation (You sold me a dream, avec la chanteuse et militante chilienne Ana Tijoux), les fables de la jungle urbaine (Jim Kata) ou celles de la forêt (Izabella). Dans ce furieux foisonnement où explosent les guitares, se détachent des moments de douceur où la voix du de Jupiter se fait intime, consolatrice, pour pleurer les amis chers (Marco, en hommage à Marc-Antoine Moreau qui fut son manageur), ou encore dans une samba lente (Sava Sarava, avec le carioca Rogê) qu’épousent à merveille les chœurs délicats de la rumba congolaise. Ouvert à tous les vents, à tous les voyages, et aux musiciens d’Okwess qui ont écrit et composé certains des morceaux, Na kozonga porte absolument toutes les qualités de Jupiter ("mon empreinte digitale", aime-t-il à dire). À ceux qui craignent que l’identité se perde dans le mélange, il prouve le contraire. Rien d’étonnant, quand on est partout chez soi.
Quant à la chanson dont l’album porte le nom, son refrain vous rappellera sans doute quelque chose. Elle fait partie de celles que Jupiter écoutait en Allemagne, sur un disque de Boney M. Elle est en fait allemande (Nighttrain, d’Hallo Bimmel bahn) mais s’épanouit ici dans des habits congolais. Le rock revient à sa source. Et de même que tous les humains ont des ancêtres africains, Jupiter en est persuadé, toutes les musiques ont aussi des ancêtres en Afrique. Voilà pourquoi il aime rentrer chez lui. Na kozonga.
- Et à lire sur RFI Musique
- Papier des Inrocks sur Marc-Antoine Moreau.
Puis, arrivée de Céline Banza qui présente son 1er album Praefatio
Lauréate du Prix Découvertes RFI en 2019, Céline Banza ne devait pas arrêter de croire, elle ne devait pas cesser de rêver. "Cet art qui devait la détruire, l’a plutôt gardée en vie". Aujourd’hui, elle est là, avec sa musique et sa guitare; bien qu’elle aurait aimé jouer avec celle que son défunt père lui avait offerte, il y a 15 ans. C’est avec ces souvenirs qu’elle dessine désormais sa vie, qu’elle a travaillé sur cet album, la préface de sa carrière.
Il s’agit là, d’un album d’une grande musicalité, tant les accompagnements ne volent en aucun cas la vedette, ni à l’interprète, ni à ses mélodies mélancoliques ; ses études en ethnomusicologie ont impulsé positivement sa créativité. En outre, elle a fait le choix de mettre en avant sa culture et son identité, en chantant dans sa langue maternelle, le Ngbandi. C’est la préface musicale de Céline.
Céline Banza à lire sur RFI Musique
Programmation
Jupiter Na Kozonga voir le clip
Jupiter Mieux que ça
Jupiter Bolingo
Jupiter You Sold Me A dream feat. Ana Tijoux voir le clip
Céline Banza Tere Mbi (mon corps) voir le clip
Céline Banza Legigi
Céline Banza Sur le pavé
Céline Banza Départ feat. Youssoupha voir le clip.
Puis nous recevons le saxophoniste Jowee Omicil qui nous raconte l’aventure du Big In Jazz Collective, 8 musiciens de jazz virtuoses pour représenter le Big In Jazz festival à la Martinique.
Le collectif devait se produire au Big In Jazz Festival, le 16 août 2021, mais tout est reporté en octobre (à confirmer) en raison de la pandémie.
L’histoire :
Le 16 août 2020, débutait le 1er jour de résidence du Big in Jazz Collective.
Ces 8 musiciens exceptionnels (Maher Beauroy, Sonny Troupé, Tilo Bertholo, Yann Négrit, Ludovic Louis, Ralph Lavital, Jowee Omicil, Stéphane Castry) allaient évoluer pendant 7 jours au sein de la Villa Chanteclerc à Fort-de-France pour réaliser un travail d’expérimentation artistique original à partir de standards du Jazz et de la musique antillaise, complétés par la revisite d’une œuvre internationale et d’une composition originale.
Le 25 août 2020, le Big in Jazz Collective présentait à un public restreint et privilégié, le fruit d’un travail de résidence intense et exaltant. Un véritable moment d’émotion et de performance, une prestation de haute volée retransmise en livestream sur Facebook et saluée par des internautes conquis derrière leurs écrans.
Début janvier 2021, le Big in Jazz Collective se retrouvait dans son intégralité dans l’un des studios d’enregistrement les plus prisés de la scène Jazz et world music.
C’est au Studio de Meudon, en Ile-de-France, que le collectif a magnifié et enregistré les 9 merveilleux titres élaborés lors de la résidence de création, 5 mois auparavant en Martinique.
Le 20 et le 23 avril 2021 sur Martinique la 1ère, le documentaire réalisé par Marina Jallier ainsi que le concert de restitution du Big In Jazz Collective étaient diffusés.
Un véritable documentaire musical retraçant subtilement et avec émotion à la fois l’expérience musicale de ces 8 musiciens en résidence ainsi que les nombreux témoignages et images d’archives autour du Big In Jazz Festival et de l’histoire des grands compositeurs de l’époque.
Le tout premier album du Big In Jazz Collective est sorti, il s’appelle Global.
Un concentré savoureux de standards du patrimoine musical martiniquais et guadeloupéen revisité prodigieusement par ces 8 artistes-créateurs exceptionnels de la Martinique, de la Guadeloupe et d’Haïti.
Programmation Big In Jazz Collective, album Global
Haïti (Alain-Jean Marie)
Come Together (The Beatles)
La Chandelle (Eugène Mona)
Global (BJC) voir le clip.
Artistes
- Maher Beauroy (Piano & Chant)
- Stéphane Castry (Basse)
- Jowee Omicil (Saxophone)
- Ludovic Louis (Trompette)
- Sonny Troupé & Tilo Bertholo (Batterie)
- Ralph Lavital et Yann Negrit (Guitare).