
De Mozart à Césaria Evora… C’est le RDV des 1001 musiques de RFI présenté par Laurence Aloir, avec des portraits, des entretiens, des sessions live au grand studio de RFI à Issy les Moulineaux et la tournée des festivals en son et en images qui bougent.
#SessionLive Star Feminine Band du Bénin et Grupo Compay Segundo
Pour la sortie du 2è album « In paris », les 7 musiciennes béninoises (12 à 19 ans) du Star Feminine Band jouent 2 titres dans la #SessionLive, puis nous recevons Grupo Compay Segundo de Cuba, dignes rejetons de Compay Segundo, voix légendaire du Buena Vista Social Club qui présente le nouvel album « Vivelo ».
Star Feminine Band : un premier aller et puis le retour par Jacques Denis
Produire un disque, ça peut être une aventure. Le faire avec des jeunes filles originaires du Nord-Ouest du Bénin, cela relève de la gageure. C’est ce premier défi qu’a relevé Born Bad, pas franchement un label dans le genre world music, en publiant à la fin 2020 le premier album du Star Feminine Band. Concert de louanges, tout le toutim, et patatras : annulée pour cause de Covid la tournée qui aurait dû concrétiser en direct tous les espoirs placés par le groupe et son entourage. La pandémie n’aura néanmoins pas eu raison de leur doux désir de les voir sur les scènes européennes. Un an plus tard, le combo sera de nouveau sur l’affiche des Transmusicales, point d’orgue d’une première tournée malgré toutes les galères et péripéties.
« Cela n’a pas été facile comme c’était la première fois pour les formalités. » Auto désigné « papa du groupe » (deux de ses filles en font partie et il en fut à l’initiative dès 2016), l’auteur-compositeur André Balaguemon décrit par ce délicat euphémisme le parcours d’obstacles qu’il a fallu franchir pour atterrir en France. « Il fallait que l’on se déplace tous de Natitingou, notre ville au Nord-Ouest, à Cotonou la capitale où l’ambassade centralise les demandes de visa. Chacune avait son dossier. » Et c’est ainsi qu’a commencé le périple, plusieurs allers, tant de retours, à chaque fois trente heures de bus pour ces gamines dont la plus jeune, la batteuse Angélique, a fêté ses douze ans en mars 2022 et l’aînée a tout juste dix-huit printemps.
« Partir revenir, partir revenir… On en a fait des navettes avant que cela aboutisse. » Et ce même si JB avait fait en sorte que toutes aient des cartes d’identité et passeports en bonne et due forme et des vaccins à jour, avant même d’envisager la première tournée. « C’était la condition sine qua non pour envisager séduire un tourneur européen. Ces jeunes filles n’avaient même pas d’état civil au début de l’aventure » Lequel ajoute a posteriori, mi-lucide, mi-acide : « Tout le monde avait envie de les faire jouer. Mais une fois le dossier envoyé, quarante-huit heures après, jaugeant le parcours administratif, tout le monde se défilait. » Tous sauf Bernard et Geneviève d’Azimuth face à l’insistance de leur booker Léo Tran qui vont adhérer au projet, avec toutes les conséquences que cela supposait. C’était un pari, mais pour eux cela en valait la peine.
Faire venir des mineures africaines, forcément cela n’est pas gagné, qui plus est en période Covid. « Il leur fallait être vaccinées, sauf qu’au Bénin, les mineurs n’avaient pas accès au vaccin. Et nous ne pouvions même pas avoir recours au motif impérieux, dont la culture ne bénéficiait pas », se souvient Morgane Bois qui sera chargée chez Azimuth de ce dossier du genre épais, à l’image de ceux qu’il lui aura fallu constituer à chaque étape, avec tout un tas d’argumentaires pour rentrer dans les clous de la législation du travail des mineurs, et puis du code du travail la nuit, celle-ci commençant à 20h selon les autorités. CQFD : tout n’était pas simple dans cette histoire. « Administrativement un peu lourd », reprend Morgane. Doux euphémisme. Et une fois avoir bénéficié de laisser-passer, puis débarquées, elles devront encore respecter une période de quarantaine à Juvisy, non loin de Massy, la salle de banlieue parisienne.
Une semaine plus tard, les voilà enfin libres. Enfin presque. Elles devront quand même se soumettre à un test Covid quotidien, et être astreintes à un suivi scolaire avec leurs profs au Bénin par visioconférence, avec certificats en bonne et due forme à l’appui. On ne rigole pas avec ces choses-là, mais toujours est-il qu’une fois remplies toutes ces obligations, le Star Féminine Band était enfin prêt à monter sur scène. Une première dans cette tournée de toutes les premières fois : quitter le Bénin, prendre l’avion, découvrir Paris. « Tout les intriguait ! », renchérit JB, jamais en panne d’une anecdote fleurie. Comme celle où face aux escalators, plusieurs peinent à mettre le pied dessus. Ou quand devant un ascenseur, elles demeurent figées. Sans parler de celle du GPS : « Une voix qui indique la direction, c’était de la science-fiction pour elles. Ma bagnole, c’était l’Enterprise, alors que c’est un pov’ Peugeot Partner. »
Chemin faisant, elles vont donc apprendre les codes de bonne conduite à l’européenne. Assurer un sound-check, affronter la scène, ce n’est finalement pas si difficile quand vous avez essentiellement joué sous le cagnard, avec une électricité défaillante et sans retour. Comme répondre aux interviews, qui s’enchaînent face au phénomène. Les journaux nationaux comme les magazines spécialisés, des radios comme des télés, Arte et TV5, et puis aussi la BBC. « Tant d’intérêt, tant d’interviews, on ne croyait pas à une telle réception. Cela n’arrêtait pas, mais malgré la fatigue elles étaient si contentes de raconter leur histoire. », reprend André Balaguemon.
« Une fois qu’elles ont joué, on a évidemment eu la sensation de la mission accomplie, que toute cette énergie déployée a servi à quelque chose ! » Morgane n’aura pas été la seule à vibrer à l’occasion de cette tournée, un mois où de Massy à Bobigny, de l’opéra de Lyon à L’Usine une salle de Genève, le Star Féminine Band aura mis tout le monde raccord. A commencer par la critique venue en rang serré aux Transmusicales jauger le phénomène sur pied. Ils en sont revenus convaincus, comme le public alpagué par leur formule live et direct. « Dès qu’elles sont montées sur le podium, c’était parti. », s’exclame « papa » André. Et ce fut tout pareil quand il s’est agi pour elles d’enregistrer en studio, encore de l’inédit, comme un ultime défi qu’elles ont relevé par le talent de la jeunesse, grâce au sens de l’écoute de Laurent de Boisgisson du studio One Two Pass It.
Justement, qu’en est-il de la suite des aventures de ces nouvelles ambassadrices de l’Unicef ? Elles persistent et signent dans la même voie, une fiévreuse et énergétique bande-son où les rythmes nabo, peulh, waama sont relevés de rythmiques, épicés de sons plus « modernes », portant un message de tolérance et de bienveillance, avec leurs mots. Simples et directs, ils parlent de leur réalité, des maux de jeunes femmes qui n’ont pas toujours le choix. Souvent déscolarisées et promises à vendre des arachides, des bananes ou du gari sur le bord de la route, la plupart des jeunes filles de la région n’ont guère d’avenir. Les mariages forcés, les grossesses précoces… « Ce sont des héroïnes ces gamines ! », reprend JB, qui en les accueillant en studio leur permet d’affûter leur formule, une forme de garage band relevé de tourneries afro. Grâce au cours d’anglais que Jérémie Verdier, leur manager, prodigue aux filles par visioconférence tous les dimanches soir depuis 2 ans, les filles s’essaient même à des titres en anglais avec « We Are Star Feminine Band » et « Woman Stand Up » In Paris, donc, c’est l’histoire aboutie de ce pari.
C’est aussi le début de nouvelles aventures, la promesse de lendemains qui pourraient bien dézinguer, à l’heure où s’annonce une tournée d’été éclatante: Dour, Les Eurockéennes, Roskilde ou encore Les Nuits de Fourvière. A leur retour au pays, l’accueil a été triomphal. Leurs vidéos tournaient en boucle à la télé, la radio leur a consacré des focus et la chaine nationale béninoise ORTB a même diffusé à plusieurs reprises leur concert filmé pour Arte. Ce groupe d’inconnues est devenu une référence nationale. « Alors cette fois, pour les visas, c’est plus facile. »
- Voir le clip « Le Droit de l’Enfant »
Titres interprétés au grand studio
- Igousouno, extrait de l’album « In Paris »
- We Are Star Feminine Band, extrait de l’album « In Paris »
Line Up : André Balaguemon – directeur musical, Anne – guitare, Julienne – basse, Grace - claviers et chant, Angélique – batterie, Sandrine - percussions et chant, Dorcas - percussions et chant, Urrice - percussions et chant
Son : Mathias Taylor et Jeremie Besset
► Album In Paris (Born Bad Records 2022)
► Concert 9 novembre 2022 Paris, La Maroquinerie
Puis nous recevons le groupe cubain Grupo Compay Segundo pour la sortie de l’album « Vivelo ».
Fondé en 2003, après le décès de Compay Segundo, par son fils Salvador Repilado, le Grupo Compay Segundo se veut un groupe qui perpétue la tradition de la musique Cubaine : le Son. Comme son nom l’indique, il a pour vocation de prolonger l’œuvre de Compay Segundo.
Composé à l’origine en grande partie par les musiciens qui ont accompagnés Compay Segundo au sein de « Compay Segundo y su Grupo » de 1992 à 2003 et de musiciens issus du « Buena Vista Social Club », le groupe a, au fil du temps, évolué en s’entourant de jeunes musiciens talentueux formés au conservatoire de la Havane.
Enregistré avec la fine fleur de la musique actuelle cubaine, le quatrième album du Grupo Compay Segundo sonne avec brio le retour du Son cubain. Compay Segundo nous quitte en 2003 et ses compagnons de vie et de scène décident alors de continuer ce qu’il a toujours souhaité – « Tocar Música tradicional Cubana ! »
Compay Segundo y sus Muchachos deviendra El Grupo Compay Segundo et ces infatigables compañeros vont parcourir le monde entier avec la volonté de raconter « l’histoire de leur Compay. »
Sur l’album « Vivelo » et pour la première fois dans l’histoire du Grupo, 8 titres originaux seront co-signés par Salvador Repilado, le fils, contrebassiste et directeur musical historique de Compay, et l’une des étoiles montantes cubaines Maikel Dinza. Celui-ci a collaboré avec de nombreux artistes Cubains et reçu de nombreux prix musicaux dont le prestigieux premium Cubadisco (Victoire de la musique cubaine).
Ce nouvel opus marque d’un tournant dans leur carrière. À la fois plus personnel, il a su garder le savoir-faire de la musique de Compay tout en inscrivant Vivelo au cœur de la musique actuelle cubaine. L’osmose entre tradition du son et modernité de la musique actuelle fonctionne à merveille et pour cela ils vont accueillir la fine fleur de la musique cubaine, Issac Delgado, Julio Padrón, Alexander Abreu, Joya Sory Pérez et Rolando Luna. Côté reprises, ce nouvel opus dévoile une version revisitée de San Luisera, que Compay chantait déjà dans les années 40 avec Los Compadres et une incroyable adaptation en espagnol des Mains d’Or du plus cubain des artistes français, Bernard Lavilliers.
À l’écoute, le choc des générations est une réussite et l’écriture des arrangements enveloppe le tout à merveille.
- Voir le clip « Con La Magia de Compay »
Titres interprétés au grand studio
San Luisera Live RFI
Les Mains d’Or (extrait Bernard Lavilliers)
Manos de Oro, extrait de l’album Vivelo
Sarandoga Live RFI
Chan Chan Live RFI
Line up : Rafael Fournier Navarro - percussions, Yoel Matos Rodriguez - guitare & chœurs, Alberto Rodriguez Piñeda- armónico & chœurs, Rafael Inciarte Rodriguez – clarinette, Hugo Garzón Bargalló – chant, Salvador Repilado Labrada – contrebasse & directeur musical , Nilso Arias Fernández – guitare & chœurs.
Traduction : María Margarita Santiago
Son : Mathias Taylor et Jeremie Besset
► Album Vivelo (AnZn 2022)