Rébellion Afrobeat avec la famille Kuti

Madé et Fémi Kuti. © Anthony Ravera

La Philharmonie de Paris et le Musée de la musique rendent hommage à Fela Anikulapo Kuti, figure du «Black President» et créateur de l’Afrobeat avec l’exposition Rébellion Afrobeat #Nigeria.

En amont de Rébellion Afrobeat, l’exposition qui démarre le 20 octobre 2022, la Philharmonie s’est mise à l’heure de l’Afrobeat, avec une 1ère soirée samedi 8 octobre 2022 intitulée «Lagos Meets London» avec Femi Kuti, Made Kuti et des invités comme Kokoroko, Obongjayar et Asa. Et c’est à l’occasion de ses concerts que nous avons rencontré la famille Kuti et avons organisé une interview croisée père-fils entre Femi et Madé.

Fils aîné de Fela, Femi Kuti a repris le flambeau de son père et, ayant formé son propre groupe (Positive Force) durant les années 1980, transmet à son tour une musique hautement énergétique à forte teneur politique, dans le prolongement naturel de l’afrobeat originel. Il convie pour l’occasion la chanteuse franco-nigériane Asa, auteure de cinq albums solo. Femi Kuti Feat. Asa sur Arte.

Fils de Femi, s’étant aguerri comme musicien au sein de Positive Force, Made Kuti a publié en 2021 son premier album, For(e)ward, qui révèle un univers très personnel, nourri de l’héritage familial pour mieux s’en affranchir. Pour ce concert, Made fait appel à l’une des plus belles révélations de la scène anglo-nigériane actuelle : Obongjayar.

Pour ouvrir la soirée, rendez-vous avec l’octet londonien Kokoroko qui poursuit son ascension fulgurante avec son mélange irrésistible de jazz et d’afrobeat. Madé Kuti Feat. Obongjayar sur Arte.

Note d’intention des concerts du 8 au 16 octobre 2022.

L’héritage de Fela Kuti est d’abord celui porté par ses enfants : Femi Kuti, l’aîné, est aux côtés de son propre fils, Made, pour la soirée Lagos Meets London, au contact de la bouillonnante scène jazz et hip-hop anglaise. Seun Kuti a, lui, pris la tête du mythique groupe Egypt 80. Tony Allen fut non seulement le génial batteur de Fela, mais aussi son directeur artistique. Une pléiade de musiciens, parmi lesquels Oumou Sangaré, Sébastien Tellier ou Cheick Tidiane Seck, s’en acquittera avec l’énergie et la générosité du maître. Et parce que tout est histoire d’allers-retours et de passages de témoins, Angélique Kidjo revisitera le Remain in Light des Talking Heads. Notre programmation propose également une pièce de Qudus Onikeku, plongée dans le Lagos d’aujourd’hui, où dix jeunes danseurs se réapproprient l’énergie de l’afrobeat. Mais l’héritage de Fela, c’est aussi une pensée politique, qui a inspiré au chorégraphe burkinabè Serge Aimé Coulibaly, la pièce Kalakuta Republik.

© Jean-Jacques Mandel
Africa Shrine 1975.

L’exposition

Trompettiste, saxophoniste, chanteur, pianiste et compositeur, le musicien nigérian Fela Kuti est aussi un penseur du panafricanisme et un activiste. L’afrobeat – le style qu’il invente mêlant rythmes yoruba, jazz, soul et funk – est une musique permettant à la fois de danser et de penser. Dans ses chansons, comme lors de ses prises de parole publiques, il dénonce sans relâche les injustices, la corruption des élites et le néocolonialisme : des combats qui n’ont rien perdu de leur actualité. Celui qui se fait appeler le «Black President» est aussi un travailleur acharné sortant jusqu’à douze albums par an et enchaînant les tournées à travers le monde tout en restant fidèle à l’Afrika Shrine, le club qu’il a créé à Lagos. Il nous laisse une œuvre majeure qui influence des générations de musiciens de tous bords, de la scène jazz au hip-hop. 

Après l’interview croisée père-fils entre Femi et Madé, Sodi Marciszewer se souvient de sa 1ère fois avec Fela. Réalisateur artistique, ingénieur du son et mixeur, Sodi a œuvré avec 3 générations de Kuti. Il a collaboré aux 6 derniers albums de Fela, produit la plupart des albums de Femi et le 1er album de Madé. Il est le fondateur du studio Zarma, réputé pour l’utilisation d’équipement audio vintage (Fela Rébellion Afrobeat chez Textuel).

© Jean-Jacques Mandel
Fela et JK Brimah, de dos, au Shrine.

Nous nous sommes ensuite rendus chez Jean-Jacques Mandel, journaliste, photographe, collectionner d’art. Il est le premier journaliste à avoir interviewé Fela au Shrine en 1975. 1è de ses photos sont dans l’exposition.

 

La République de Kalakuta vue par Jean-Jacques Mandel

En 1975, Jean-Jacques Mandel, jeune diplômé en ethnologie, décide de créer une association pour permettre aux Français de se rendre à moindres frais au Festac, initialement programmé cette année-là. Sur les conseils d’un ami qui lui signale l’existence d’un musicien extraordinaire à Lagos, Jean-Jacques Mandel se décide à entreprendre le voyage en voiture, en traversant le Sahara, comme l’avait fait le batteur britannique Ginger Baker quelques années auparavant. Parvenu dans la capitale nigériane au terme de plusieurs milliers de kilomètres éprouvants, il se rend, de nuit, au Shrine.

À la fin du concert, tard dans la soirée, Fela, intrigué par sa présence, envoie l’un de ses musiciens le chercher pour le rencontrer. À la fin de l’entrevue, il lui propose de venir l’interviewer le lendemain à la République de Kalakuta. Jean-Jacques Mandel est le premier Français à photographier le musicien. Il retournera à Lagos deux ans plus tard pour une nouvelle série de photographies et une interview publiée à son retour dans le magazine Rock&Folk.

© Jean-Jacques Mandel
Fela au Shrine.

Son portrait de Fela au saxophone, devant les grillages qui maintiennent la foule des admirateurs à distance, deviendra iconique après avoir orné la pochette du double vinyle Fela Ransome-Kuti édité par Pathé en 1977, puis en 1981 celle du disque Black President sur le label Arista, dans une déclinaison noire et jaune (Extrait du livre de l’exposition : Fela Rébellion Afrobeat chez Textuel). Portrait Jean-Jacques Mandel dans Marianne.

© Anthony Ravera
Fémi Kuti, Madé Kuti, Seun Kuti et Laurence Aloir à la Philharmonie.

- Lien RFI Vidéos 

Playlist

Fela «Water No get No Enemy»

Madé Kuti «Free Your Mind»

Fémi Kuti «Young Boy, Young Girl»

Madé Kuti «Blood»

Fela «Monday Morning in Lagos»

Fela «Lady/Shakara»