De Mozart à Césaria Evora… C’est le RDV des 1001 musiques de RFI présenté par Laurence Aloir, avec des portraits, des entretiens, des sessions live au grand studio de RFI à Issy les Moulineaux et la tournée des festivals en son et en images qui bougent.

Musiques du Monde, ça s’écoute et ça se regarde !
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Réalisation : Laurent Salerno.

 

Horaires

Le samedi vers toutes cibles à 21h10, le dimanche à 02h10 et 21h10 et le lundi à 02h10. (Heures de paris)

Algérie, Raï et Méhari avec Rabah Mezouane et Mohamed Lamouri

A Moi la Liberté (Born Bad Rd) et Mohamed Lamouri (Almost Musique). © Born Bad Rd / Almost Musique

Le label français Born Bad Records sort une compilation de raï oranais « À Moi La Liberté, 83-90, Early Electronic Raï ». Rabah Mezouane, auteur du livret raconte ces années folles et électriques. Puis la #SessionLive reçoit Mohamed Lamouri pour la sortie de son 2ème album Méhari.

Raï canal historique.

Fouillant au plus profond des entrailles du raï, voilà une compilation qui évoque ses folles années et s’entend comme une cure de jouvence pour le genre oranais, version sulfureuse et souterraine.

Très belle idée, donc, de puiser dans des cassettes introuvables pour confirmer que c’est dans les vieilles marmites oranaises que l’on trouve le bon raï. Il y a à peine 50 ans, personne n’aurait parié un centime sur un genre condamné à tourner en rond en Oranie, sa région d’origine, niché au fond d’une de ses nombreuses discothèques tapissant la corniche oranaise.

Dans ces lieux de vie underground, des chanteurs à orchestration minimaliste, faute d’espace, faisaient pleurer dans leur bière (ou rigoler dans leur whisky… Sec) un public toujours excité par des chansons transgressives, sonnant comme un défi à l’ordre moral et bien-pensant, sur fond de trompette, guitare électrique, accordéon et percussions diverses. Au cours de ces années pré et post-indépendance (1950-1970), le raï s’est urbanisé grâce à une génération qui aurait grandi entre bitue et béton, au son de la flûte traditionnelle, mais aussi et surtout à l’écoute du twist, de la variété française et du rock.

Ils se nommaient Boutaïba S’ghir, Messaoud Bellemou, Groupe El Azhar, Younès Benfissa ou Zergui, et ils lègueront aux Chebs (jeunes) qui ont pris la suite, leur bouquet de chants qui vont retrouver une seconde jeunesse. Oran, la capitale de l’Ouest algérien, en sera le centre névralgique.

© Banjee
Cabaret Fort Lamoune, Oran 1988.

 

Playlist

- À Moi La Liberté Cheb Hindi

- Ki Kount Ouelite Chaba Fadila

- Mohal Nahna Cheb Djalal

- Sid Houari Ya Mlah Chaba Malika Meddah.

► Album À Moi La Liberté (Born Bad Records 2023).

 

© Laurence Aloir/RFI
Mohamed Lamouri, Charlie O et Baron Rétif à RFI.

 

Puis nous recevons Mohamed Lamouri dans la #SessionLive pour la sortie de l’album Méhari.

Connu pour ses inénarrables adaptations de tubes planétaires en arabe (Billie Jean, Hotel California, Master Blaster...) et comme l'interprète numéro 1 du répertoire de Cheb Hasni, Mohamed Lamouri a une voix rauque, tendue, patinée à l'excès, graissée à l'underground algérien des années 80's. Ça n'est pas dans les codes du chanteur oriental une voix si rocailleuse: Lamouri c'est plutôt piment que miel, rapporté à la variété internationale, on pense à Paolo Conté, Tom Waits, Arno.

Mohamed Lamouri chante le raï sentimental. Parisien d'Algérie, il se produit dans les wagons de la ligne 2 du métro parisien depuis le début des années 2000. Méhari se présente comme un road-trip à demi rêvé de onze titres, dont six originaux de Mohamed Lamouri. Méhari est son deuxième album.

 

© Laurence Aloir/RFI
Mohamed Lamouri à RFI.

 

Mohamed Lamouri chante beaucoup plus qu'il ne parle. Dans son quotidien de rame, on passe et on l'écoute, et lorsqu'enfin on l'enregistre, on est époustouflé par la justesse de ses prises, les émotions qu'il procure aux mélodies, et même son groove aux percussions : le flux de musique qui s'échappe de cette personne est tout simplement extraordinaire: un être à part haut perché sur son paradigme raï franco-algérien. Dans la rue à Paris comme à Marseille, on le helle 'oh Hasni ! viens boire le thé !', et on se remémore le dernier concert de la légende au stade d'Alger en 1993 : Mohamed Lamouri, en tant que juke-box vivant de Cheb Hasni, est comme un marqueur culturel à lui tout seul, gardien du son d'une génération. Son histoire est longue : 'sans papiers', mal voyant autonome, la vie dure et l'optimisme sans faille, les chansons composées et sans cesse affinées à l'épreuve d'un public urbain sans cesse renouvelé. Son premier album Underground Raï Love sort au printemps 2019, et certains de ses titres se jouent en boucle à la radio (Nova en tête), ses reprises de Cheb Hasni et ses propres compositions aux confluents du raï des 80's et de la pop occidentale font mouche. Il enchaîne les concerts désormais également sur scène avec ses musiciens. Nous voici en 2022, le cheb du métro se retrouve à préparer un nouvel enregistrement avec Charlie O. (orgue Hammond, Fender rhodes), Mocke (saz, guitare) et Baron Rétif qui réalise ses albums en approchant ce raï par le funk, la synth-wave, le reggae, musiques dont Lamouri s'est longuement imprégné via les ondes FM pour nous concocter son blues, clavier à l'épaule dans le tunnel, jamais bien loin des influences occidentales que l'on retrouve souvent sur les multiples K7 de Cheb Hasni, Cheb Nasro... Les répétitions ont lieu dans le sud, à la campagne, au début de l'été, on mange du fromage de chèvre avec de l'huile d'olive, il y a des pins d'Alep et des chênes lièges, c'est le Midi ça sent le maquis - quelque part ça ressemble à l'Algérie de l'autre côté de la mer - et on se déplace en Méhari.

Mohamed adore ça, 'c'est la liberté', dit-il, parce qu'il n'y a pas mieux que la liberté. On commence à lui apprendre à conduire dans les collines et il y arrive plutôt bien même s’il faut faire attention. Les chansons de 'la session Méhari' seront enregistrées à Marseille un peu plus tard, Mohamed garde le nom pour son album, pour le souvenir et parce que c'est cool. Méhari c'est une sorte de chameau de course, prince du désert, avant d'être une 2cv de plage en plastique, tout ça sonne finalement assez bien avec son raï made in France.

© Laurence Aloir/RFI
Mohamed Lamouri et Charlie O à RFI.

 

Titres interprétés au grand studio :

- Jamais la Netferko Live RFI voir le clip 

Une des toutes premières chansons de Lamouri, mais la clef pour la réaliser était cachée sous une pile de disques de R'NB et de boogie. Dans les paroles, on ne se sépare jamais, on s'aime encore encore, mazel mazel, tout ça pendant que la guitare et le rhodes dialoguent au milieu des trompettes.

- Marboun, extrait de l’album Méhari

La première pierre de ce nouvel album, Lamouri la jouait en concert depuis quelques années, on en trouve une version live sur la version K7 de son EP 'Pas de problèmes' (2022), elle a toujours entretenu ce mood Portishead 'Roseland' avec des cordes et un beat trap joué sur le fil.

- Brite la Liberté Live RFI

Il n'y a pas mieux que la Liberté, celle de Lamouri pourrait sembler précaire mais elle est en réalité profonde et inaltérable, alors on la fête dans un empressement bollywood.

 

Line Up : Mohamed Lamouri, voix, bongos ; Charlie O, claviers, machines ; Baron Rétif, timbales.

Son : Benoît Letirant et Mathias Taylor.

► Album Méhari (Almost musique/Autre distribution 2023).