
De Mozart à Césaria Evora… C’est le RDV des 1001 musiques de RFI présenté par Laurence Aloir, avec des portraits, des entretiens, des sessions live au grand studio de RFI à Issy les Moulineaux et la tournée des festivals en son et en images qui bougent.
Musiques du Monde, ça s’écoute et ça se regarde !
Si voulez voir nos vidéos, cliquez sur ce lien.
Réalisation : Laurent Salerno.
Le samedi vers toutes cibles à 21h10, le dimanche à 02h10 et 21h10 et le lundi à 02h10. (Heures de paris)
Ukandanz et Denis Cuniot, de l’éthio-groove au klezmer arrangé #SessionLive
Ukandanz, nouvel album Kemekem
Les esthètes le savent. Que ce soit en matière de musiques ou d’alcools, les mélanges les plus invraisemblables débouchent parfois sur les émotions les plus fortes. Le cocktail Ukandanz a déjà fait ses preuves, mais il revient frapper à nouveau avec une formule explosive. Les pulsations anciennes d’Éthiopie sont toujours autant secouées par le rock garage et le jazz libertaire… Si l’on se demandait si le cœur de la scène du swinging Addis des années 1960 battait encore, on sait bien aujourd’hui qui manie les électrochocs ! En plus de douze années de bourlingues et cinq albums, Ukandanz s’est bâti une solide réputation dans le monde des musiques mondialisées. Le groupe est de retour pour une nouvelle épopée vers les sources de sa musique. Le chantre moderne, le griot électrique Asnake Gebreyes pointe la direction à une meute de musiciens en ordre de marche pour agiter un peu plus le voyage entre la France et l’Éthiopie. Ceux-là adorent autant se perdre dans les carrefours que se retrouver dans les détours… À défaut d’orientation, ils ont le sens de l’épique ! L’essence de cette machine de transe moderne réside toujours dans l’âme éthiopique, aux deux éléments fondamentaux : la voix élastique d’une des plus grandes figures de la scène actuelle d’Addis Adeba (Asnake Gebreyes) et les compositions du fondateur Damien Cluzel, électron libéré jamais tant à son aise que dans des crossovers musicaux ou culturels. Quant à ce qui touche à l’existence physique du groupe, les corps y exultent dans l’énergie du rock et la catharsis de l’improvisation (ou l’inverse).
Damien Cluzel passe de la guitare à la basse sans rien perdre de son électricité, et s’ouvre ainsi un tout nouveau champ des possibles en terme d’écriture. Le complice de toujours Lionel Martin souffle le chaud et le froid avec une empreinte sonore qui irradie jusqu’aux silences qui l’accompagnent. Fred Escoffier, claviériste ayant éprouvé sa solidité rythmique avec une fine fleur du jazz hexagonal, revient dans le groupe pour apporter sa virtuosité et son appétit pour l’improvisation débridée. Charge au petit nouveau Thomas Pierre, excellent batteur à la large palette sonore, de venir compléter l’édifice polyrythmique au service d’une musique foisonnante, entre structures d’inspiration traditionnelle et dérapages contrôlés issus de la modernité. Amaury Rullière.
Avec Kemekem, Ukandanz est de retour après un album instrumental paru en juin 2022. Le combo azimuté a retrouvé sa voix avec son chanteur emblématique Asnake Gebreyes, toujours aussi bouillonnant des forces millénaires de son Éthiopie natale. Mariant l’insondable tradition musicale éthiopienne avec une relecture contemporaine et libertaire, Ukandanz poursuit son ouvrage d’utilité publique avec ce nouvel opus. Avec autant de subtilité que de sauvagerie, le groupe transmet une nouvelle version d’un ethiopian crunch dont il est un inestimable pionnier. Les polyrythmies fondamentales explosent au contact du rock progressif, du punk et des expérimentations sonores de cette meute soudée par des années de live. Les textures instrumentales gardent le nouveau relief imprimé lors du dernier album enregistré sans Asnake Gebreyes. Son retour fait encore monter la température d’un cran... Prophète incandescent d’une célébration débridée et puissante !
Titres interprétés au grand studio
- Kemekem Live RFI
- Endihe new Fiker, extrait de l’album Kemekem
- Ajebesh lideresh new Live RFI.
Line Up : Lionel Martin, sax, Fred Escoffier, claviers, Asnake Gebreyes, chant, Thomas Pierre, batterie et Damien Cluzel, guitare, basse.
Son : Mathias Taylor, Laurie Plisson.
Album Kemekem (La Companie 4000).
Puis nous recevons le pianiste Denis Cuniot pour Denis Cuniot Plays Nano Peylet.
Dans les années 80, quand on était musicien et qu’on voulait faire partie de l’avant-garde, il fallait sonner « jazz ». Un pianiste avec qui je causais beaucoup, m’a conforté dans l’idée qu’il y avait d’autres modes d’expression non encore explorés.
Un de ces modes en particulier déclenchait chez moi de grosses émotions par la simplicité et la beauté de ses mélodies, c’était la musique juive qui depuis a trouvé le nom de musique Klezmer. À l’époque, (les années 80) je faisais du free-jazz dans le groupe ARCANE V. Nous mettions toujours dans le programme de nos concerts un, souvent deux morceaux de musique traditionnelle juive. Il y avait deux raisons à cela : la première était d’ordre esthétique : passer du free au trad, retourner au free, revenir au trad, était un plaisir on pourrait dire un ravissement, sans cesse renouvelé. La deuxième était beaucoup plus intime. La moitié du groupe était d’origine juive, et restait très présente l’idée qu’il ne fallait pas que la Shoah tombe dans l’oubli un jour.
Le pianiste dont je parlais plus haut s’appelle Denis Cuniot, et nous avons fondé un duo de musique exclusivement juive, pour lequel il a fallu assez vite étant donné le peu de traces écrites du répertoire, (tradition orale oblige), composer de la musique de concert puisqu’il n’existait plus de traditions de musiciens qui allaient de village en village avec une centaine de mélodies glanées à droite à gauche, au hasard des rencontres.
Jouer devant un public assis et silencieux, ils ne connaissaient pas. On vivait avec la musique, éventuellement on dansait, presque toujours on mangeait, on faisait du bruit, ça ne les empêchait pas de jouer. Et comme les musiciens trouvent toujours à s’adapter à de nouvelles mœurs, le monde a vu arriver la musique dans les cinémas et les brasseries puis à la télévision, dans les MJC, les centres culturels, les festivals et tout ce brassage lui a permis de se structurer autour de genres nouveaux qui ont abouti à l’éclosion de nombreuses compositions parmi lesquelles le public a pu découvrir la musique klezmer pour piano, se trouvant ainsi devant un infini de possibles qu’on aurait eu peine à imaginer vingt ou trente ans plus tôt. J’aime le piano autant que j’aime la clarinette : j’ai eu la chance de pouvoir développer sur cette dernière un phrasé issu de l’aspect oriental de la musique klezmer. À présent je poursuis cette recherche sur le piano, qui offre une palette de couleurs extraordinaire, qui me permet de développer mes idées et aussi, bien sûr, m’offre en la personne de Denis Cuniot l’interprète idéal, pionnier de cet art et ami de toujours, qui est prêt à se lancer dans un travail extrêmement ardu pour coller au mieux à des partitions qui peuvent être parfois très complexes. Nano Peylet.
À partir de 1983, j’ai été l’un des principaux initiateurs du renouveau et de la reconnaissance de la musique klezmer en France en co-fondant un duo avec Nano Peylet, à l’époque clarinettiste et saxophoniste du groupe de jazz ARCANE V, puis clarinettiste de Bratsch. Dans mes «années jazz», j’avais rencontré Nano.
Dans son histoire familiale, il n’avait aucun lien avec le judaïsme, mais il avait rencontré au cours de ses études et dès les débuts de sa carrière tous les musiciens et chanteurs qui avaient, dans les années 70 en France, une authentique connaissance des musiques yiddish et klezmer : Eddy Shaff, Teddy Lasry, Maurice Delaistier, Youval Micenmacher, Ezra Bouzkela, Talila, Jacinta, Ben Zimet... Et il jouait dans les deux grandes formations de cette époque : Kol-Aviv et Adama.
Il avait eu comme professeur de jazz, Philippe Gumplowicz (guitariste d’ARCANE V), devenu ensuite professeur des universités, grand connaisseur de la culture juive ashkénaze. Nano connaissait aussi très bien Giora Feidmann et sa production discographique. Il aimait cette culture ashkénaze.
Ses amis et confrères qui venaient de cet univers lui racontaient, lui en expliquaient les logiques illogiques. Auprès d’eux, il s’était constitué déjà un large répertoire de chansons et de niguns yiddish et hébraïques, de mélodies klezmer, de musiques de théâtre et de danses. Cette rencontre aux sons du Free Jazz, rencontre amicale et musicale allait avoir la plus grande influence sur ma vie artistique puisque c’est par et grâce à Nano Peylet que me vint la révélation du klezmer. Ce coup de foudre musical et amical m’est arrivé lorsque, sur une proposition de Nano de monter un répertoire klezmer (hassidique, disions-nous à l’époque), je fis mes premières répétitions. Je compris alors au plus fort de moi que j’avais trouvé ma voie artistique, mon lieu d’inspiration et de travail permanent, ma matière quotidienne. Ce fut donc le début de mon engagement musical et militant. Militant car en ce temps-là, personne en France ne connaissait cette musique (y compris dans la communauté juive). J’avais conscience qu’elle avait été anéantie dans les pays dont elle était issue et que nous avions la tâche et le devoir de la faire ré-entendre, revivre, de la re-créer : un devoir de mémoire, un devoir d’aujourd’hui. Mémoire d’un répertoire, d’un genre musical. Mémoire de musiciens et de poètes disparus. Musical puisque depuis lors, près de quarante ans après, j’ai réalisé une dizaine de disques, tous édités chez Buda Musique, des musiques de films, de spectacles de théâtre, plusieurs centaines de concerts, ainsi que des conférences, exprimant sous des formes et formats divers, mon attachement et ma créativité dans l’univers klezmer et yiddish.
Aujourd’hui, je suis heureux et ému d’apporter ma contribution aux questions que Nano Peylet nous posait au début des années 1990 :
Qu’avait été la musique traditionnelle avant de l’être devenue ? Comment faire du neuf avec du vieux ?
Les musiques traditionnelles sont-elles condamnées à être anciennes ?
Ne pourrait-on pas composer de la musique vieille tout de suite ?
Faire du neuf avec du vieux, du neuf avec du neuf mais aussi du vieux avec du neuf ?
Il avait ainsi mis au jour le concept de « musique pré-traditionnelle ».
Aujourd’hui, je lui ai demandé de nouveau de me composer des œuvres et de m’offrir quelques arrangements. Ce disque. Mes interprétations des dédicaces de Nano Peylet sont toutes dédiées à Perrette Salon. Denis Cuniot.
Titres interprétés au grand studio
- Ballade pou Jeanne + Alon’s Doïna Live RFI
- Lomir Zikh Iberbeten, extrait de l’album Denis Cuniot Plays Nano Peylet
- Doïna + Sirba de Leuville Live RFI.
Line Up : Denis Cuniot, piano.
Son : Mathias Taylor, Jérémie Besset.
Album Denis Cuniot Plays Nano Peylet (Buda Musique 2023).