James BKS dévoile son identité en pleine lumière
Producteur pour Akon, Puff Daddy, Snoop Dog ou Ja Rule, James BKS, l’un des fils du célèbre saxophoniste camerounais Manu Dibango, sort son premier disque, Wolves of Africa. Un album impeccable aux couleurs rap, r'n'b, qui mixe ses itinéraires multiples, entre Europe, États-Unis et Afrique.
Tout le monde l’attendait de pied ferme en novembre dernier. Son concert à la Cigale, à l’automne, lors du MaMA, grand raout des professionnels de la musique, réunissant le gratin des producteurs, diffuseurs, journalistes, avait fait l’effet d’une bombe, en prélude à son premier disque, qui devait sortir quelques jours plus tard. Et puis… silence. Volte-face. Des bruits de couloir évoquaient un changement de label.
Pour écouter sa musique, précieux mélange de rap, de musique africaine, de r'n'b, il faudrait patienter encore quelques mois. Aujourd’hui, James BKS s’explique : "J’ai voulu attendre le bon moment. J’ai accumulé de l’expérience sur scène, je me suis nourri des vibrations du public. Et puis, je reviens avec un double-album. Dans le second volet qui sort en novembre prochain, j’ose enfin chanter mes titres. Je vais ainsi me présenter de la manière la plus aboutie possible…"
C’est pourtant bien au cœur de l’hiver, en novembre 2021, que nous l’avons rencontré, dans son studio d’enregistrement flambant neuf, en sous-sol d’une rue paisible, à deux pas de la gare du Nord. Avec sa stature de géant, ses énormes baskets blanches montantes, ses lunettes noires opaques, James Edjouma, de son vrai nom, frappe d’abord par sa gentillesse timide, portée par sa voix de basse.
Souvent, dans son sourire, surgit l’enfant qu’il fut, bercé par les musiques de France Gall, Michel Berger, Balavoine, Starmania, Michael Jackson, Papa Wemba, Koffi Olomidé ou Manu Dibango… Entouré d’amour, le gosse grandit droit, avec une maman camerounaise, qui retourne régulièrement au pays, un "papa de cœur" qui s’occupe de lui pendant son absence, et un beau-père attentionné.
Le "rêve américain"
À l’adolescence, sa famille et lui-même s’exilent aux États-Unis, pour tenter de vivre le "rêve américain". Direction la Virginie, dans le Maryland puis le Delaware. Sa mère, coiffeuse, ouvre sa propre école de cosmétologie, son père, homme d’affaires dans l’import-export, développe son business. James, lui aussi, cultive son "rêve". À l’époque mythique de la NBA, il se voit "basketteur pro". Hélas, il lui manque l’étincelle : "Plutôt introverti, contrairement à 100% de mes collègues afro-américains, je manquais de confiance en moi. Aux USA, même le plus médiocre des joueurs développe des capacités mentales, supérieures aux miennes."
En parallèle, il cultive un autre amour, pour la musique et la production. Initié par un copain à l’art du sample sur sa Playstation, sur des logiciels tels Music Generator ou Fruity Loops, il bidouille des sons. À l’Université, il apprend l’audio recording, et collabore avec des artistes locaux à Washington, jusqu’à ce que l’une de ses productions tombe dans les oreilles d’Akon… La machine s’emballe. Il travaille bientôt pour Puff Daddy, Ja Rule, Snoop Dog…
Rapidement pourtant, le "rêve américain" tourne court… "J’ai signé un premier contrat officiel, mais au bout d’un an, j’ai été confronté aux réalités d’une industrie du disque en crise, dit-il. Les projets n’aboutissaient pas. On me demandait des comptes. Je me disais que, malgré ma collaboration avec des stars, je n’allais pas m’y retrouver. Qu’il s’agissait d’un miroir aux alouettes… Je suis rentré en France."
Retrouver un père
Ce choix résonne aussi avec une découverte, qui bouleverse sa vie. Alors qu’il se lance dans la musique, sa mère lui fait cet aveu : son père biologique n’est autre que le prodigieux saxophoniste camerounais Manu Dibango. "Au début, raconte James, je n’ai pas cherché à le contacter. Et j’ai mis en place un système de défense. J’avais peur de cette vérité...", dit-il.
Jusqu’à ce jour où, rentré en France, il tombe nez à nez avec lui dans un hôtel parisien, avant de le croiser à nouveau, au Midem, à Cannes. "Mon cœur battait fort, raconte-t-il. J’étais submergé d’émotions ! Ce qui était bizarre, c’était de me retrouver face à cette personne qui me ressemblait : même stature, même cambrure, même sourire… Je ne me suis pas présenté."
Dans la foulée, James appelle sa mère, pour lui demander conseil. Celle-ci fond en larmes : "Va à la rencontre de ta destinée.". En a découlé une histoire père-fils d’une grande richesse, qui a duré huit ans, jusqu’à la disparition de Dibango.
Dans cette relation, James a trouvé sa voix et sa signature : son identité musicale.
"Manu m’a raconté son histoire à travers ses morceaux, comme Douala Serenade. Grâce à lui, je me suis reconnecté à mes racines africaines", confie-t-il. Cette année, d’ailleurs, avec une grande émotion, James BKS est parti jouer au Cameroun, pour la cérémonie de clôture de la CAN. "C’était ultra symbolique, dit-il. Je ne pouvais pas sortir mon album sans ce retour au pays !"
Le premier volet de son double-disque, Wolves of Africa, les "Loups d’Afrique", comme un réveil animal, reflète finalement cette histoire multiple.
Ses pistes hip hop se mêlent aux legs de son père : bikutsi, makossa, afrobeats, chants swahilis et sud-africains, percussions… Avec, en featuring, le rappeur Q-Tip, l’Anglaise Little Simz, ou encore l’icône Will.i.am sur le titre Jungle go Dumb, James BKS sort un disque riche, aux multiples routes, un album qui frappe fort, très fort.
"Après avoir perdu Manu, mais aussi mon père de cœur, j’y raconte mon chemin, animé par ce besoin de transmettre ce que j’ai pu vivre : tout l’amour riche et complexe que j’ai reçu, par une maman et trois papas, raconte-t-il. J’ai eu un beau-père juif, une mère protestante, un père de cœur catholique… Je livre ici un album d’émancipation. Une photo de moi-même, un instantané avec cette envie de laisser ce témoignage à mon fils de quatre ans …". James BKS, "Best Kept Secret", ce "secret le mieux gardé", apparaît désormais en pleine lumière.
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