Clay and Friends, le funk mosaïque qui séduit du Québec à l'Europe
Propulsé grâce à ses deux titres phares Going up the Coast et Bouge ton thang, le groupe québécois Clay and Friends résonne au-delà des frontières canadiennes. Mike Clay et ses comparses jouent une musique sincère et polymorphe, ancrée dans leur quartier de Montréal et à l'image de la société québécoise, pour mieux parler au monde entier.
Plus d'un an et demi après sa sortie, le tube Bouge ton thang de Clay and Friends résonne toujours dans les ruelles de Montréal, repris à la fin de l'automne dans des concerts amateurs, et se joue encore aux soirées étudiantes de ce début d'année.
Le groupe québécois n'est pas inquiet : il est bien installé dans sa province. Élu Révélation Radio-Canada en chanson 2020-2021, single d'or pour Going up the Coast, leur musique la plus connue, il a déjà réalisé des milliers de dates sur le sol canadien et rassemble plus de 300 000 auditeurs mensuels sur Spotify.
Les cinq artistes espèrent se faire connaître hors des frontières canadiennes, sans perdre leurs racines musicales québécoises. Dès l'été prochain, ils retournent sillonner la France et les pays alentours, après avoir assuré les premières parties du chanteur Naâman l'an dernier.
Un groupe du quartier
On les retrouve dans un café au cœur de Verdun, leur quartier général à Montréal. Un à un, Clément, Adel, Émile puis Mike arrivent. "Pascal est en Colombie, il ne sera pas là", s'excuse Clément, le guitariste, un bagel sous le nez. Salut au barista, grands sourires, clin d'œil, les jeunes trentenaires sont chez eux. Plusieurs fois, l'entrevue sera interrompue par des connaissances qui les saluent de loin.
Le groupe d'amis s'est constitué progressivement. À l'origine, il y a Mike Clay. Une dizaine d'années plus tôt, il est rejoint sur scène par Adel, beatmaker - "contre son gré" s'amuse ce dernier. Rapidement, les trois autres membres s'ajoutent au gré des occasions, formant une mosaïque collective qui dessinera finalement un groupe solide, à la faveur d'un voyage en Europe. "À six dans une voiture cinq places, à cinq dans un lit double, ça forge des liens" explique Mike, discret, la voix couvrant à peine les bruits du café.
De retour à Montréal, les musiciens développent leur identité de groupe, fortement liée à Verdun, où ils répètent. "On a une connexion directe avec plusieurs des commerces. Notre van vient du garage du coin, notre studio de répétition est au coin de la rue, on a inauguré la scène du Festival de jazz à Verdun. À chaque fois qu'on peut donner à ce quartier tout ce qu'il nous a donné, on le fait." La "musica popular de Verdun", credo de Clay and Friends, est née.
L'impro au cœur du processus de création
Résultat de cette longue genèse, la musique de Clay and Friends est un fourre-tout de talents variés, de réflexions profondes et de légèreté, ponctuée d'une sensibilité suffisamment aiguë pour toucher les foules et faire bouger l'individu, ou inversement, peu importe.
Des mots fusent en portugais, Mike chante beaucoup en français, mais l'anglais n'est jamais loin. Le prochain album, en préparation, sera sans doute anglophone - ou pas, rétropédale le chanteur, qui ne veut pas se contraindre : "On saisit des mots dans la foule, on réalise des impros, on réécoute ça en studio, on le reproduit, ou pas… On essaie de capter l'énergie de la foule, puis de l'endiguer et de la transmettre dans nos albums. »
Le processus de création s'inspire des ressentis de chacun, au gré des expérimentations. "Pour Bouge ton thang, c'est juste parti de Mike qui tentait de chanter la note la plus aiguë possible", s'amuse Clément. L'histoire de Going up the Coast remonte à leur premier voyage en Europe. "On était en Italie, dans un petit village, personne n'écoutait notre ballade, c'était compliqué. J'ai demandé au groupe de doubler le tempo, ça nous a donné l'inspiration pour ce morceau !"
Impossible de bien comprendre le groupe sans voir un de ses concerts. Le flegme illusoire de Mike, qui se balade rigoureusement sur ses mélodies, les improvisations des quatre autres amis s'enchaînent, dessinant des univers variés au fil des morceaux. Mélangez du funk, de la soul, du reggae et du hip hop, et vous aurez une idée de ce que produit le groupe depuis une dizaine d'années.
Une sincérité qui marque
Le groupe prône une identité ouverte sur le monde, dans la ligne droite de la culture québécoise. "On ajoute des touches de portugais, de créole, de patois, de toutes ces choses qui composent la musique qu'on écoute", détaille Mike. D'où une certaine lassitude face aux énièmes polémiques de la politique québécoise sur la place à donner au français ou à l'anglais.
Le chanteur confirme : "C'est ça la musique populaire de Verdun. C'est quelque chose de large qui englobe et qui se veut la voix de ce qui est sincère. Pour nous, ce qui est sincère, c'est de vaciller entre les langues : ma mère me parlait en français, mon père en anglais."
Cette sincérité se retrouve dans les albums de Clay and Friends : des sons de la foule qui chante, récupérés au téléphone et inclus tels quels dans un morceau ; des collaborations obtenues grâce à un message lancé sans y croire ; des improvisations de concerts conservées dans leurs albums… Une sincérité qui se ressent aussi sur scène comme le temps d'un café, et qui fait la force de ce groupe de musiciens devenus potes.