Tcheka, Prix RFI Musiques du monde 2005

En concert à Paris pour trois dates, le Cap-verdien Tcheka, récent lauréat du prix RFI Musiques du Monde a proposé à la guitare percussive, sa vision des rythmes cap-verdiens, enracinés dans le terroir de l’archipel et ouverts sur le reste du monde. On le retrouve sur la scène du Tryptique à Paris le 8 décembre pour une soirée organisée par RFI.

 

 
  

 

À l’extérieur, un froid polaire. À l’intérieur, la chaleur tropicale de l’île de Saô Tiago, dans l’archipel du Cap-Vert. Et l’atmosphère chaleureuse, l’ambiance feutrée et les rythmes généreux et chaloupés. Au Zèbre de Belleville, Lusophones, curieux ou membres de la communauté cap-verdienne de Paris, se sont donnés le mot pour venir écouter Tcheka. Beaucoup plus à l’aise sur scène qu’en interview, il démarre par les titres les plus calmes de son deuxième album. Nu Monda, signifie "enlever les mauvaises herbes", un débroussaillage qu’il opère depuis des années dans sa musique, pour n’en obtenir que le meilleur. Ainsi, dès le troisième morceau, le thermomètre grimpe, tandis que l’excellente formation –deux guitares, une guitare basse, une batterie/percussions donne le ton. Les paroles semblent l’habiter et jaillir de lui. Et l’on découvre des sonorités à la croisée des chemins, prenant racine dans la terre aride de Saô Tiago et fructifiant au contact avec le monde.

Mettre en musique le quotidien

Tcheka chante des rythmes traditionnels, joués à la percussion en les transposant sur sa guitare, avec comme projet de "mettre en musique le quotidien des campagnes de Saô Tiago, très différent de la vie à Praia. Certaines choses tombent dans l’oubli, et ce que j’essaie de faire - et j’y tiens ! - c’est de parler de la vie la plus banale qui soit, les champs, la nature, la vraie vie, en fait". Il commence par le batuque, une musique-danse pratiquée traditionnellement par les femmes des campagnes, qui frappent en polyrythmie des pagnes pliés et serrés entre les jambes, pagnes qui sont devenus avec le temps des sacs plastiques savamment agencés. Mais Tcheka explore aussi les finaçons, des chants improvisés en fonction de l’auditoire, la tabanka, un rythme qui désigne les sociétés secrètes ou le talulu, joué pour la fête de Toussaint dans l’île de Fogo. Il y mêle aussi parfois la morna ce genre rendu si populaire par Cesária Évora, la "diva aux pieds nus". Travailler le batuque à la guitare s’est imposé comme une évidence à l’âge de quinze ans : "je n’avais pas l’ambition de faire ce que tout le monde faisait, car les autres le faisaient déjà très bien. Je me suis donc attaqué à sortir ce que j’avais dans les veines. Le batuque et d’autres influences comme la coladeira, ou le finaçon...". Une ambition qu’il n’a pas abandonnée depuis et qu’il qualifie de véritable projet musical.

Influences à la croisée des continents

Tout juste lauréat du prix RFI Musiques du monde, et auteur d’un second album remarqué, Nu Monda, Tcheka, malgré ses 32 ans, n’a rien d’un novice, il a 23 ans de carrière derrière lui ! Son père, Nho Raul Andrade, un violoniste très populaire dans les bals et les fêtes de villages de l’île, avait besoin d’un guitariste pour l’accompagner. Ainsi, dès neuf ans, Tcheka jouait de la guitare et se produisait sur scène, davantage par obligation que par choix. S'ensuit des années plus tard, une fine complicité, une communion intimiste, et une très bonne connaissance du public. Dans la salle, l’ambiance, monte graduellement. Les morceaux s’enchaînent, les influences s’énumèrent et l’oreille se laisse surprendre. D’un morceau à l’autre, on rencontre un rythme de mbalax sénégalais, une percussion de bossa brésilienne ou une basse funky... En effet, la musique de Tcheka, n’est pas uniquement cap-verdienne, tout en étant complètement insulaire. À la fois totalement repliée sur elle-même, et ouverte sur l’ailleurs. L’Afrique, le Nouveau Monde. Le Sénégal et le Brésil. Deux influences majeures qui donnent corps aux rythmes de Saô Tiago et à la guitare percussive de Tcheka.

Encadré par le prodigieux Hernani Almeida à la guitare, le très fin N’Du aux percussions et Zé Paris, neveu de Tito Paris à la guitare basse, Tcheka se fait rappeler à deux reprises par un public conquis. "A travers ce batuque, il y a plein de choses universelles à partager et à faire connaître, souligne-t-il, et moi aussi avec ce batuque, je vais vers de nouvelles découvertes, vers de nouvelles aventures...". Il ne nous reste plus qu’à lui souhaiter bonne route.

Tcheka Nu Monda (Lusafrica) 2005
En concert au Tryptique à Paris le 8 décembre avec RFI