The Good Ones, la terre rwandaise tout en harmonies vocales
Avec Rwanda You Should Be Loved s’écrit un nouvel épisode de la belle histoire de The Good Ones, trio multiethnique du pays des Mille Collines dont le répertoire acoustique ancré dans la terre traverse désormais les océans et les cultures, sous la houlette du producteur américain Ian Brennan.
Hasard ? Destin ? Quel que soit le nom qu’on lui donne, la rencontre de The Good Ones avec Ian Brennan appartient à ces événements qui semblent si hautement improbables qu’on s’étonne toujours de savoir qu’ils ont pu survenir, autant qu’on s’en réjouit. La planète est vaste, et les talents ignorés sont innombrables, dans les coins les plus reculés, mais aussi en ville.
Au Rwanda, The Good Ones fait de la musique depuis des décennies, pour le plaisir de chanter et de jouer ensemble, d’exprimer ses émotions, loin des considérations commerciales. Un groupe resté longtemps confidentiel, sans exposition, connu de quelques-uns et dont les membres se fréquentent depuis la fin des années 70, alors qu’ils étaient enfants. La formule ? Guitare, voix, percussions, avec des instruments sommaires, empruntés ici ou là.
Collecteur de musiques dans la tradition de l’ethnomusicologue Alan Lomax, le producteur américain Ian Brennan entreprend un premier voyage dans ce pays d’Afrique centrale en 2009. "On s’était mis en quête de musique locale pendant deux semaines, mais on n’avait rien trouvé qui soit étonnamment original. Au cours des deux derniers jours, on a été assez chanceux pour faire la connaissance de The Good Ones par l’intermédiaire d’un autre musicien que l’on avait rencontré", rappelle celui qui à cette époque, n’avait pas encore été récompensé d’un Grammy Award pour sa collaboration avec les Touaregs de Tinariwen.
Deux premiers albums
Le coup de cœur est immédiat. Ian Brennan enregistre aussitôt un premier album, fidèle à une approche du field recording la moins intrusive qui puisse être. Un second, Rwanda Is My Home, suit en 2015, un an après la première prestation du groupe (en quatuor) à l’étranger, en l’occurrence au Womad. Cette fois, ce sont les États-Unis que le trio vient de découvrir au cours des mois de septembre et octobre 2019, pour présenter son troisième album intitulé Rwanda, You Should Be Loved.
Sur les quarante chansons écrites par le quinquagénaire Adrien Kazigira, la voix du groupe et son principal protagoniste, les douze retenues in fine ont un parfum commun : ça sent la terre, ça sent aussi l’église dans le chant, ça sent la simplicité matérielle de l’existence, avec son fardeau de cicatrices qui cachent avec pudeur les pires traumatismes.
"C’est de la vraie musique roots. Adrien est toujours agriculteur. Sa musique est née de sa terre et fait partie intégrante de sa vie quotidienne. C’est quelque chose qu’il fait pour se divertir le soir, à la place de regarder la télé, puisqu’il n’y a pas d’électricité", explique le producteur expérimenté, qui a eu l’idée de donner aux chansons des titres en anglais, même si les paroles sont en kinyarwanda, pour en résumer le contenu : Life Is Hard, Despite It All I Still Love You Dear Friend, My Smartest Friend Has Lost His Mind…
Pour souligner l’universalité des rengaines du principal auteur-compositeur, Ian Brennan a proposé à quelques musiciens internationaux qu’il côtoie d’entrer dans l’univers d’Adrien Kazigira : Tunde Adebimpe du groupe de rock atypique américain TV On The radio (entendu aussi par le passé avec Tinariwen ou encore Amadou et Mariam), le guitariste Nels Cline (Wilco), Kevin Shields (My Bloody Valentine) … Juste quelques touches supplémentaires apportées avec tact au tableau.
Elles lui donnent davantage de relief, élargissent légèrement la palette sonore. Et surtout ces interventions ne dénaturent pas l’authenticité de l’inspiration originelle, l’essence même des chansons de The Good Ones qui ont cette faculté de parler à tous et sembler si familières.
The Good Ones Rwanda You Should Be Loved (Anti-records) 2019
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