Hama Sankaré ou l'héritage d'Ali Farka Touré

Hama Sankaré, New York, juillet 2016 © Jack Vartoogian/Getty Images

Le musicien et chanteur malien Hama Sankaré a perdu la vie le 29 mars dernier dans un attentat au nord du Mali. Celui qui accompagna longtemps Ali Farka Touré participa aussi à de nombreux projets musicaux maliens et enregistra deux albums sous son nom. Retour sur un parcours artistique d'importance.

Ce 29 mars, une voiture de transport public traversait une zone dangereuse entre Mopti et Niafunké, dans le nord du Mali quand elle est montée sur une mine. L’explosion a fait plus dix morts parmi lesquels Alpha Ousmane Sankaré, dit Hama Sankaré ou Pedro.

La ville de Niafunké s’est réveillée sous le choc, surtout que c’est dans cette même zone que quelques jours plutôt, des djihadistes armés avaient kidnappé Soumaila Cissé, le chef de file de l’opposition malienne. La nouvelle de la mort de Hama Sankaré, légende du blues du désert malien dans un attentat terroriste a choqué tout le Mali et notamment les habitants de Niafunké, sa ville natale. "Nous avons perdu un grand musicien et un modèle pour les jeunes artistes de Niafunké", témoigne le maire de cette ville, Samba Lah.

En effet, Hama Sankaré, neveu d'Ali Farka Touré, 66 ans, était une grande figure de la musique malienne qui avait commencé sa carrière musicale en tant calebassiste dans le groupe de musique de feu Ali Farka Touré (bluesman aux trois Grammy Awards, décédé le 6 mars 2006, avec qui il avait fait le tour du monde au moins deux fois).

Mais en réalité, Pedro était un artiste multitâche dans l’orchestre du maître. "Hama Sankaré ne faisait pas que de la calebasse, il chantait aussi, toutes les voix grave dans les albums d'Ali Farka, c’était lui. Lors des concerts, les chants étaient repartis entre Hama Sankaré et Afel Bocoum, l’autre chanteur du groupe", explique Barou Diallo, manager du Ali Farka Band, une association des musiciens d'Ali Farka Touré.

Nouvelle carrière

Après le décès d'Ali Farka Touré, Hama Sankaré a accompli les vœux de son oncle en accompagnant son cousin, Afel Bocoum sur tous ses albums puisqu’il était désigné par Ali Farka Touré comme son héritier. Connu pour son franc parlé, Hama Sankaré était qualifié, par ses amis, de gros travailleur sans histoire. Très ouvert et jovial, Hama Sankaré, tout en gardant ses liens avec le Ali Farka Band, s’était mis depuis quelques années à son propre compte comme la plupart des artistes qui étaient avec Ali Farka Touré.

Riche de ses expériences passées, non seulement avec le groupe d'Ali Farka, mais aussi avec l’orchestre de Gao, Songhoy All stars et Mamadou Kelly, Hama Sankaré avait enregistré deux albums. Avec ses complices de longue date comme Afel Bocoum, Yoro Cissé et Kandé Sissoko, il y poursuivait l’exploration des traditions de Niafunké afin de perpétuer l’œuvre commencé avec Ali Farka Touré, avec Oumar Konaté, Dramane Touré, Makan Camara, Ali Baba Traoré et Sékou Touré. Il venait de sortir notamment Niafunké en 2019, hommage à sa ville.

Malgré l’insécurité au nord du Mali et la menace des groupes radicaux opposés à la musique, Hama Sankaré n’avait jamais quitté sa ville, située le long du fleuve Niger, près de Tombouctou. "C’est à Niafunké que Hama Sankaré vivait avec sa femme et ses enfants. Il venait à Bamako uniquement pour le travail et quand il y venait, il logeait chez son cousin Afel Bocoum, lui-même membre du Ali Farka Band", dit Barou Diallo.

Virtuose de la calebasse à la voix d’or, Hama Sankaré est une gloire de la musique malienne qu’un destin tragique vient d’arracher à l’affection des mélomanes du blues du désert et si Niafunké perd en lui un digne fils, la Ali Farka Band est désormais orphelin d’un de ses ténors.

Bertrand Diarra