Andreia se livre à cœur ouvert
Avec sa voix chaude, sensible et envoûtante, Andreia est une nouvelle sensation cap-verdienne. L’amour, la désillusion, les tribulations du quotidien… la jeune chanteuse se livre à cœur ouvert sur son premier EP intitulé Nha Mundo. Sept titres qui mettent en lumière la personnalité de cette artiste née dans les cités tout en étant enracinée dans l’archipel lusophone. Un patrimoine musical dont elle offre une relecture soignée avec des touches urbaines et caraïbéennes. Rencontre.
RFI Musique : vous signez un premier EP intitulé Nha Mundo. Vous chantez en créole portugais. Quelle est la signification de ce titre?
Andreia : Nha Mundo signifie "mon monde". Le titre de cet EP reflète mon univers. C’est aussi une chanson, qui aborde la perte d’un être chère dont voici un extrait de la traduction avec le refrain et le premier couplet : « Ils m’ont volé mon monde. Pour moi tu étais tout, Ils m’ont volé mon monde, en une seconde tout a changé. Tu es parti loin de nous et tu as rejoint le seigneur ». Vous l’aurez compris la tristesse fait partie de mon monde.
Vous abordez différents thèmes dans vos chansons avec un axe de prédilection sur les femmes, leur courage. Mais aussi la nostalgie du Cap-Vert sur le titre Sao Vincente. Est-ce que l’on peut y voir un coté autobiographique quand on connait votre parcours de femme battante qui élève seule son enfant?
Je suis l'auteure de mes chansons. Je puise en effet toute mon inspiration dans des histoires que j'ai moi-même vécu ou constaté dans mon entourage. Je ne parle que des choses que je connais, que j'ai vu où auxquelles j'aspire. Donc oui ! D’une certaine manière on peut dire que ce mini album est en partie autobiographique. Mais pas uniquement…
Est-ce facile de concilier vie professionnelle et vie de famille dans votre quotidien?
Ce n'est effectivement pas évident tous les jours. Mais comme je le dis souvent je n'ai pas le choix ! Par conséquent, je fais ce que je dois faire sans avoir le temps de me plaindre. Vous savez avec une bonne organisation on arrive très bien à tout gérer.
Vous vouez une admiration sans relâche pour votre mère. Pourquoi?
Je pourrais lui consacrer un livre entier pour vous expliquer à quel point j'admire cette femme. Pour moi elle est le plus bel exemple de force, de courage, d’indépendance et d'amour inconditionnel pour les siens. C'est une femme combative comme j'en ai rarement vu dans ma vie. Une femme fière d'être femme, cap-verdienne. Fière de son parcours, de sa culture… J’ai un total respect pour les sacrifices constants qu'elle a fait afin que ses quatre enfants ne manquent de rien.
Musicalement vous avez construit un univers singulier. L’ancrage « sodade » est là bien sûr mais vous flirtez également avec d’autres esthétiques comme les sons urbains, le reggae ou les couleurs caraïbes. Pourquoi avoir fait le choix de ces styles multiples?
Pour moi le mélange des genres me correspond et me représente. Je suis originaire de l’archipel du Cap-Vert ce qui donne à ma musique cette langue et ses sonorités traditionnelles. Mais il ne faut pas oublier que je suis née et j’ai grandi en France près de Paris, à Bagneux. Cet environnement m'a permis de côtoyer tout le métissage culturel qu'il y a dans les banlieues. Le hip hop a été mon premier amour par le biais de la danse. Il m’a apporté énormément : la musicalité, le rythme, la maitrise de la scène, la rigueur et l'esprit d'équipe. Il y a aussi les musiques caribéennes, congolaises, ivoiriennes, la variété internationale etc. qui m’ont nourri. Sans oublier les lignes de basse qui pour moi sont essentielles. Avec ces différents univers, j'ai compris que j'étais plus sensible aux sons mélancoliques. Finalement je pense que toutes ces fusions sont en moi et donne Nha Mundo.
Vous avez été biberonnée aux chansons classiques cap-verdiennes. Quelles sont les voix qui vous ont nourris outre Cesaria Evora?
Les voix cap-verdiennes qui ont bercé mon enfance sont Bana l’ambassadeur de la morna, le groupe Livity avec son cola-danse, sorte de zouk version « Cabo Verde », Luis Murais le doyen crooner ou encore la chanteuse Gardeinha pour ne citer que quelques exemples. Le plus drôle dans tout ça, lorsque ma mère et mes tantes chantaient les morceaux de ces artistes, on ne supportait pas de les entendre ! On disait que c’était de la musique de vieux. Et paradoxalement aujourd’hui je puise dans ce répertoire.
Chaque été, enfant, vous partiez en vacances au Cap-Vert. Vous avez donc gardé une attache avec vos racines. Cette double appartenance culturelle a-t ’elle forgé en vous une identité particulière?
Complètement ! Mon pays de cœur et mon pays de naissance ont construit mon identité. Le Cap-Vert représente naturellement mes racines, savoir d'où je viens, connaître l’histoire de cette terre insulaire. C'est essentiel pour se construire quand on est enfant issu de l'immigration. La France c'est mon présent, c'est ici que j'ai grandi, c'est chez moi, ma maison en quelque sorte. J’ai le sentiment d’appartenir à deux nations.
Vous refusez que l’on vous enferme dans une case en raison de votre genre ou votre couleur de peau. Est-ce que vous vous considérez comme une rebelle?
Pas du tout ! Je ne suis pas plus rebelle que cela mais j'aspire à être le plus libre possible. Je veux juste être moi-même et faire ce qu'il me plaît. Un être humain c'est plein de chose à la fois donc pourquoi me coller une étiquette ou enfermer ma musique dans un genre. Je suis un être très complexe avec différentes facettes, à l’image de ma musique.
► À écouter aussi sur RFI : Rendez-vous culture : Musique: «Nha Mundo», d'Andreia, un premier disque multiculturel
Andreia Nha Mundo EP (Vuelta Music/Creepy Music/RFI Talent) 2022