Vesko, le son électro de Bamako

Vesko en live session à RFI avec Salif Kone, Manu Sissoko, Vincent Lassalle (de gauche à droite) © RFI Vidéos

Avec son premier album De bamako, Vesko propose un carnet de voyage en terre malienne agrémenté de machines électroniques (sampleurs, boîte à rythmes). Pour ce périple sonore, le producteur a convié de belles voix du cru. Comme Manu Sissoko qui reprend une chanson d’Oumou Sangaré. Rencontre croisée avec ces deux français à la veille de leur concert au Pan Piper à Paris ce vendredi à 20 heures.

RFI Musique : après avoir été percussionniste pendant de longues années, vous vous êtes intéressé aux machines pour vos compositions avec ce premier album De Bamako. Comment avez-vous travaillé pour arriver à obtenir cette esthétique que vous intitulé l’African électro sound ?

Vincent Lassalle alias Vesko : il s’agit d’un travail qui a mûri en moi depuis plus d’une dizaine d’années. Mais je me suis réellement impliqué dans cette recherche il y a seulement quatre ans. Cela représente des heures de travail et de réflexions pour pouvoir allier traditions et modernité, culture malienne et culture française sans dénaturer l'une ou l'autre. J'ai vraiment pris mon temps pour arriver à obtenir cette fusion que j’avais imaginé. Avec ce premier album je pense être arrivé à l'objectif que je m'étais fixé.

 

Cet album est un carnet de voyage qui résume les vingt années d’aller-retour entre Paris et Bamako. Comment s’est passé cette initiation aux traditions maliennes?

V.L : cette initiation a été très longue et très dure ! Quand je suis parti vivre à Bamako à l’âge de dix-sept ans, j’ai compris qu’au Mali on n’apprend pas la musique en prenant des cours, on va sur le terrain. L'apprentissage ne se fait pas dans la bienveillance avec de la pédagogique et on doit surmonter des obstacles. Si vous réussissez vous êtes accepté. Sinon vous êtes mis de côté !

 

Dans cet apprentissage, vous avez accompagné de nombreuses cérémonies de mariages coutumiers avec votre djembé. Etiez-vous considéré comme un djembéfola par la communauté malienne?

V. L. : le djembé est un instrument très physique qui demande également beaucoup de précisions dans la frappe. A partir du moment où vous connaissez votre métier vous êtes considéré comme un djembéfola comme les autres. La seule surprise au début était liée à ma couleur de peau. Une fois passé ce constat, j’étais totalement intégré. Quand je suis revenu vivre en France, je négociais directement mes contrats avec les femmes maliennes, guinéennes ou ivoiriennes… 

 

Parmi les titres cet album il y a la chanson Saa Magni interprétée en bambara. Pourquoi avoir choisi cette reprise d’Oumou Sangaré?

 

Manu Sissoko: cette chanson parle de la mort et de son côté inéluctable. Mon beau père est décédé brutalement en 2011, il était un des piliers artistiques les plus importants de ma belle-famille. Ils sont griots et portent les répertoires khassonkés (un peuple de la région de Kayes) depuis des générations. Il adorait m'expliquer la culture khassonké et malienne plus généralement, il me poussait dans toutes mes recherches et a toujours soutenu mon travail d'artiste. On était proche et sa mort nous a tous bouleversé... Je voulais que son nom soit chanté, alors je me suis dit que rien ne valait la merveilleuse chanson d'Oumou Sangare pour l'honorer et rendre son nom inoubliable. Il s’appelait Siriman Sissoko.

 

Comme Vincent vous avez fait vos classes au Mali. Comment est née cette passion pour les cultures mandingues?

M. S. : durant mon adolescence, j’écoutai les grandes voix maliennes comme Oumou Sangare, Salif Keïta, Nahawa Doumbia, Sali Sidibe ou encore les griottes Amy Koïta, Kandia Kouyate. C’est comme cela que je suis tombée en amour pour la culture mandingue. Cette musique me touchait au plus profond et je ne savais pas comment l’expliquer... J'aimai l'énergie de la danse, le rapport à l'improvisation inhérente à ces musiques. Ça me passionnait ! J'ai donc suivi un cursus en ethnologie et ethnomusicologie sur la culture du peuple khassonké. Puis la danse a pris de plus en plus de place dans ma vie et j'ai donc décidé de me professionnaliser en intégrant la troupe du District de Bamako. En parallèle je participai aux fêtes organisées par Dèdè Kouyaté qui était la maman de Siriman Sissoko. À mon retour en France, j'ai eu envie de transmettre l'énergie des fêtes et la beauté de cette culture. J'ai monté ma compagnie de danses et de musiques Kellèbellavi. Nous avons ainsi développé notre réseau de passionnés. Cela fait près de vingt ans aujourd'hui...

© Artwork Vesko
Pochette de l'album faisant référence à Bamako

 

Sur la pochette de l’album figure un hippopotame. Cet animal nous renvoie à l’étymologie du Mali à l’époque de l’empire mandingue. D’où vient cette référence ?

 

V. L. : en bambara Mali veut dire hippopotame. C’est un animal surprenant : il paraît lourd et paresseux mais en fait il est très rapide et puissant sur terre comme dans l'eau. Il est emblématique du Mali également au travers de l'histoire de Mali Sadio (légende sur un hippopotame qui se serait lié d’amitié avec une petite fille, NDLR). Ce mammifère est donc devenu mon animal totem car quelque part je ne ressemble pas forcément à ce que je suis, tout comme lui (rire).

 

CD De Bamako (VL Prod/Absilone/RFI Talent)