Dowdelin balance du côté de la Caraïbe
Lanmou Lanmou, deuxième opus de Dowdelin, marque un tournant dans la jeune histoire de ce projet né autour du producteur David Kiledjian et de la chanteuse Olivya Victorin. Désormais quartet, Dowdelin délaisse les machines au profit d’un son plus organique.
Quand en octobre 2018 parait Carnaval Odissey, premier album du projet porté le producteur lyonnais et multi-instrumentiste David Kiledjian (connu sous le nom de Dawatile), la chanteuse Olivya Victorin et le saxophoniste et percussionniste Raphaël Philibert, le combo affirme alors un son en prise directe sur la Caraïbe entre musiques traditionnelles des deux petites îles françaises, jazz actuel, r'n'b et néo-soul.
"Sur ce premier opus, on a défini notre univers, tracer les lignes directrices du projet, dessiner un cadre" se souvient le producteur qui depuis toujours multiplie les aventures sous différentes appellations (Armad & Cyme, Plaster Cats, Fowatile, Hila au côté du violoncelliste Artyom Manukian et plus récemment, deux projets en développement, l’un avec le pianiste Tigran Hamasyan et l’autre avec la chanteuse tchadienne Adama Victorine).
La genèse
"Olivya m’avait sollicité pour que je réalise un album de soul anglaise", relate David Kiledjian. Une proposition que le producteur a déclinée, "doutant", comme le précise avec délicatesse le dossier de presse : "de la pertinence d’un tel groupe avec une chanteuse non anglophone."
Par contre, quand près d’un an plus tard, il apprend qu’elle chante en créole, murit l’idée d’un répertoire qui conjugue rythmes des Antilles, patterns numériques et sa voix. Idée qu’ils fouilleront à deux avant d’être rejoints par Raphaël Philibert.
"On avait joué lui et moi dix ans plus tôt dans un groupe de jazz caribéen. Il m’avait alors ouvert aux rythmes du gwoka et aux fusions gwoka-jazz" ajoute David Kiledjian. "On s’est perdu de vue après qu’il a quitté Lyon. Là, il revenait s’installer ici. Le timing était parfait."
Dowdelin venait de naître, maquillant sous une graphie anglophone, "ce balancement, cette démarche nonchalante qui colle à tort ou à raison, façon cliché ressassé, aux Antillais." Comme une invitation à danser cadencé, ce balancement, cette onctueuse rondeur est la marque de fabrique de leurs grooves ourlés dans la capitale des Gaules.
Afro-futurisme kreyol
De séances studio en concerts, ils concrétisent et affirment un son afro-futuriste mâtiné de créolité. Un son qui inévitablement percute les autres projets du musicien, comme ces derniers entrechoquent Dowdelin. "J’ai repris le sax et la basse que je ne jouais plus sur scène. Nos méthodes de travail ont, elles aussi, évolué, d’autant que Greg Boudras, le batteur de Fowatile (mais aussi par le passé de Vaudou Game ou Bongo Hop) nous a rejoints. J’ai lâché les machines, et on a joué au feeling, posant des idées, des riffs, des idées que je finalisais ensuite. À plusieurs, forcément le spectre est plus large, plus riche".
Ainsi Somebody New flirte avec le rocksteady, le reggae d’avant le reggae, à l’inspiration soul, tout en ne se contentant pas d’en faire une pâle copie. "On n’est pas fan de reggae, mais il est sorti comme ça. Il nous a surpris et charmé. On y entend Raphaël toaster.".
Mama Wé, enregistré avec la participation de Peter Solo, le chanteur de Vaudou Game, fait la part belle à un rythme du carnaval. "Nous sommes voisins de studio depuis une quinzaine d’années. Nous nous connaissons bien et ce titre qui rend hommage à la terre, collait parfaitement à ses préoccupations, d’où l’invitation. On y entend un peu de steel drum".
Plus présent encore sur le titre suivant (Shadow on the wall), l’instrument à la sonorité métallique, installe ici le thème sur une clave traditionnelle en 6 temps. "Yo Wé est lui, le titre le plus jazzy et le plus poétique à la fois puisqu’il est question ici de vagues et d’étoiles, d’enchantement" commente celui qui n’aime pas plus les chapelles que les orthodoxies.
Il précise aussi que le dernier titre de l’album, On nous Alé, était "notre gimmick de fin de concert sur la tournée du premier album. On ne l’avait jamais enregistré. Il est très acoustique, des voix en chœur et juste des petites percussions et boucle cet album qui doit beaucoup au live."
"Quant aux textes, c’est Raphaël qui s’en charge. Il parle français, anglais et tous les créoles. C’est un fin linguiste" commente le musicien qui a placé son album sous le signe de l’amour (Lanmou Lanmou), un thème qui irrigue plusieurs titres. Ainsi l’éponyme morceau évoque les mystères de l’amour et ses aspects irraisonnés, pendant que Simé Love, lui, loue l’amour qui permet de dépasser les désaccords.
L’amour, c’est aussi l’amour de la musique qui libère. "Le travail n’est pas une valeur en soi. Je lui préfère l’idée d’otium emprunté aux Grecs qui vantaient sous ce terme l’oisiveté et le temps libre. La musique est un temps qu’on vole au travail classique. C’est une liberté. J’aime trouver de nouvelles recettes, faire sonner des idées qui sur le papier n’ont rien d’évidentes" ajoute le musicien iconoclaste aux multiples projets, donc entièrement libre.
Dowdelin Lanmou Lanmou (Underdog/Believe) 2022
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