Après Bach, Trio SR9 dynamite les plus grands tubes pop avec des marimbas !

Alexandre Esperet, Paul Changarnier et Nicolas Cousin forment le groupe Trio SR9. © Julien Mignot

Verres, marimbas, casseroles ou cymbales : le Trio SR9 fait feu de tout bois pour révéler l’âme de grandes œuvres. Après avoir revisité Bach, Satie ou Ravel, ce trio venu du classique invite Camille, Sandra Nkaké, Blick Bassy, Camélia Jordana et Malik Djoudi à sublimer des tubes pop… Bluffant !

Qu’est-ce qui fait qu’une chanson devient un tube ? On s’est tous posé cette question. Imaginer des hits à nus, les déshabiller de leurs artifices de production, c’est le nouveau projet du Trio SR9, composé de Paul Changarnier, Nicolas Cousin et Alexandre Espere, trois percussionnistes classiques brillants qui se sont connus au Conservatoire. En se penchant sur dix titres totémiques imparables -dont le Happy de Pharrell Williams- ils dépouillent le groove à l’os et en dessinent le squelette le plus intime : des versions acoustiques minimalistes hantées par cinq voix françaises : Sandra Nkaké, Blick Bassy, Camélia Jordana, Malik Djoudi et Camille (qui revisite justement Happy !) viennent ainsi ré-enchanter nos souvenirs pop.

Des reprises très solaires

Alors oui, il y a un air de Déjà vu dans cet album (c’est son titre !) mais cette relecture organique d’hymnes pop (signés par Billie Eilish, Ariana Grande ou Rihanna etc.) est renversante. Sans synthé, ni guitare ou basse, et bien sûr sans effet cosmétique électronique, ils basculent dans une autre dimension grâce à cet orchestre poétique minimaliste et aux arrangements du génial Clément Ducol. "On étaient étrangers à l’univers pop, mais pour nous, il n’y a ni frontière, ni limite, confie Nicolas Cousin le percussionniste de ce trio qui avait déjà revisité des œuvres de Satie ou Bach. Dans un orchestre classique, c’est toujours au percussionniste de jouer les sons étranges d’une partition, donc on aime explorer ! Au contraire des superproductions actuelles, on a cherché l'essence de chaque titre".

Pour ces musiciens hors pairs, tout ce qui se frappe peut devenir un instrument. "Au départ, on jouait surtout des marimbas (xylophone cousin du balafon), explique Paul Changarnier. Là, on est allés chercher des lames de métal dans des casses pour reproduire certaines notes de basse profonde, et on a chiné des verres, ce qui donne une couleur féérique au disque. Il faut beaucoup de recherches pour tout accorder. On n'a jamais la justesse d’un instrument, et c'est ce qui est beau ! Ça donne une certaine fragilité et un peu d'humanité à ces tubes".

Les voix sublimées

Tout ce travail expérimental d’alchimiste sensible, si rare dans la pop, reste néanmoins humble. Il laisse la lumière aux voix en leur offrant un champ libre d’interprétation, la pièce maîtresse de ce disque. Les cinq chanteurs y suspendent ainsi une grâce sincère qui transcende les partitions et les recettes de charts. Chacun a pu choisir deux morceaux dans une liste de titres proposés par le Trio SR9 et Laurent Bizot, patron du label No Format.

Le chanteur camerounais, Blick Bassy, a décidé de transformer Bad Guys de Billie Eilish et One Last Time, un hit très dancefloor d’Ariana Grande, en une magnifique méditation en bassa, sa langue natale "C’est toujours risquer de chanter une reprise, alors autant se rapproprier le morceau ! Je suis parti de la thématique, de cette quête au royaume de l’amour pour le traduire en bassa à ma manière, car je ne chante pas vraiment l’amour pop, plutôt un amour universel du vivant". Une émotion intense hante sa délicate version dépouillée. Au-delà des modes, elle laisse place aux silences et aux respirations sublimés par le groove intemporel de la voix de Blick Bassy.

Un projet réussi à découvrir sur scène

"C'était vraiment très fort en studio ! jubile Paul Changarnier. Les arrangements étaient écrits, mais on ne savait pas comment chacun allait s'emparer des chansons. Camélia Jordana nous a surpris aussi en ralentissant Malamente. Elle a d’abord créé l'ambiance avec une voix chaleureuse et sensuelle. On l’a accompagnée petit à petit avec des strates sonores, la thématique, les accords. Le morceau s’est construit en toute simplicité". Comme si aller à l’essence d’un méga-titre planétaire, c’était avant tout caresser sa force, mais aussi sa fragilité pour trouver l’équilibre, ce peu d’ingrédients si bien dosés que l'alchimie fonctionne.

Et ici "rien ne se perd, tout se transforme", aussi avec la chanteuse Sandra Nkaké qui métamorphose en une magie exquise le fameux Video Games de Lana Del Rey. Sa voix plane entre les basses profondes des lames de métal et les aigus cristallins des verres joués aux doigts mouillés : envoûtante. "J’ai voulu choisir une chanson que je ne connaissais pas, composée par une femme, et qui expose une certaine fragilité. Cette version me laissait la place d’évoluer sans effort. C’était vraiment une expérience sensible incroyable, car on a enregistré, tous ensemble, en direct ! explique Sandra Nkaké. J’ai hâte que l’on développe ce projet sur scène avec les autres interprètes de l’album : tous des artistes généreux et intenses…" La chanteuse franco-vénézuélienne La Chica rejoindra même l’équipe. Du jamais vu qui promet donc des merveilles !

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Trio SR9 Déjà Vu (No Format!) 2022

En concert : le 4 octobre au Théâtre du Chatelet à Paris et le 28 octobre à l'Opéra de Lyon