Jean-Benoît Dunckel, la tête dans les étoiles

Le musicien français Jean-Benoît Dunckel. © Akatre

Jean-Benoît Dunckel, moitié du duo Air, poursuit sa carrière solo avec un nouvel album, Carbon, qui ne devrait pas décevoir les fans du groupe. Rencontre. 

RFI Musique : Pourquoi le carbone ? 
J-B. Dunckel : Je voulais évoquer un plongeon dans le noir, dans l’immensité obscure. Comme si l’on pouvait voyager dans les étoiles mais aussi dans l’immensément petit. J’avais en tête de publier un disque vinyle, noir. Le carbone est un élément universel et stable, qui ne se transforme pas, qui ne disparaît jamais. Il est présent dans les molécules de notre corps. C’est aussi le défi du XXIe siècle : il faut décarboner notre énergie. 

L’espace semble toujours vous avoir fasciné, de Moon Safari au Voyage dans la Lune… 
Cela va bien à ma musique, très atmosphérique, cela rend les morceaux très légers. J’ai participé à une projection au Planétarium de la Villette à Paris, c’était troublant de constater comme les images des étoiles et des planètes allaient bien avec la musique de cet album ! 

Quelle serait la meilleure façon d’écouter Carbon ? Dans un planétarium ? 
Au casque, en Dolby Atmos, pas trop fort, en position allongée, les jambes légèrement en l’air, un dimanche après-midi sur un canapé (rires). 

Cet album est-il issu des périodes de pandémie et de confinements ? 
Pas mal de titres avaient été initiés avant, c’est un recueil de morceaux créés ces cinq dernières années, le plus récent est Zombie Park. Les musiciens adorent être confinés dans leur studio ! (rires) Le manque de liberté m’a stressé, mais n’a pas détruit ma créativité. Cette période ne m’a pas inspiré mais m’a donné plus de temps, car les films pour lesquels je composais ont tous été retardés. Je suis resté dans l’ambiance du cinéma. Le premier confinement a été plutôt agréable, je l’ai passé en famille, à Paris. La musique te libère et la réalité ne s’immisce pas souvent dans la musique.  

En quoi cet album est-il différent des précédents ? 
Sur chaque album doit figurer un single, LE titre qui passera à la radio. Cela n’est pas le cas avec cet album, je me retrouve dans la profondeur du son. Je souhaite toucher un public un peu arty, fan de musique ambient

Vous chantez sur deux titres totalement opposés, Zombie Park et Sex Ufo
Sex Ufo est parti d’un jeu de mot sur porn star (étoile du porno, NDLR). J’avais vu un documentaire sur un Ovni géant aperçu en 1998 au-dessus de Phoenix, aux États-Unis. Mon idée absurde est d’imaginer des extraterrestres débarquant à Los Angeles, ville où le culte du corps et les maillots de bain sont partout, s’unissant sexuellement avec des humains. 

 

Retour à Paris, quartier Jaurès, avec les fumeurs de crack sur Zombie Park
J’y passe souvent. Cela m’a choqué, perturbé, ému. C’est une chanson triste car j’ai l’impression que ces drogués errent tels des zombies aux portes de l’enfer. À côté d’eux se promènent les familles et les bobos. J’ai réalisé que le passage d’un monde à l’autre n’est pas si difficile, que je pourrais être l’un de ces drogués… 

Dare interroge l’humain comme pollueur.  
C’est un titre plutôt humoristique, post dystopique. Le confinement a été assez dystopique : c’est un constat d’échec, l’humanité incapable de stopper ce fléau, qui ne peut pas faire autrement que de s’arrêter totalement. Il vaut mieux en rire après coup. Je pense que les dieux des religions sont en fait les forces de la nature. Les deux sont très mystérieux. L’Homme ne tuera pas la planète Terre, il va se tuer lui-même. Nous ne sommes qu’une expérience perdue dans l’immensité du temps et de l’espace. Si nous échouons, par suicide, et que l’Humanité disparaît, cela ne posera aucun problème à la Nature. Nous ne sommes qu’une fraction de seconde à l’échelle de l’histoire de la Terre. Nous croyons être évolués grâce à nos progrès technologiques, mais nous ne sommes que des barbares incultes, comme au Moyen-Âge.  

Quelles sont vos relations avec votre compère Nicolas Godin de Air ? 
La musique de Air est toujours très écoutée et souvent synchronisée dans des films ou des séries, comme "Euphoria". Nous avons des liens de travail pour gérer notre musique, on communique par mails et managers interposés. Par exemple, nous travaillons à la réédition de Moon Safari pour les 25 ans de cet album en 2023. Contrairement aux Daft Punk, qui se sont séparés, nous avons toujours l’option de nous réunir à nouveau. 

Jean-Benoît Dunckel, Carbon (Prototyp Recordings) 2022

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