Desert Rebel
Déjà présenté sur scène à de multiples reprises depuis plus d’un an, le projet Désert Rebel a donné naissance à un album destiné à servir la cause touarègue. Une œuvre collective dans laquelle des musiciens français de renoms se sont associés à l’un des plus brillants représentants du blues du désert.
On les imagine assis en cercle, au milieu de nulle part, en plein désert nigérien. C’est dans ces conditions que Guizmo, Daniel Jamet et Amazigh Kateb ont fait connaissance d’Abdallah Oumbadougou et qu’ils ont commencé à jouer ensemble. Musiciens respectifs de Tryo, de Mano Solo et de Gnawa Diffusion, ils ont été séduits par l’idée née dans les esprits du réalisateur François Bergeron et de Farid Merabet, manager du groupe français Bérurier Noir, à la suite de leur rencontre avec le leader du groupe touareg Takrist N’Tada : associer artistes du Nord et du Sud dans une démarche alter mondialiste, inspirée du commerce équitable en terme de répartition des revenus générés, autour d’un projet soutenant l’expression de cultures menacées et de minorités opprimées.
Sur Désert Rebel, premier volet d’une série d’expériences artistiques de ce type, la musique se met clairement au service d’un message. Cela convient parfaitement à Guizmo et Amazigh qui ont souvent fait montre de toute leur verve au sein de leurs formations, quitte à enfoncer parfois quelques portes ouvertes. Dans une veine reggae roots – genre que tous deux affectionnent – 70 litres plaide pour une consommation modérée des ressources en eau en Occident. "Oui, pour un autre mode de vie" continue le guitariste de Tryo sur Traveler, dont la thématique et les arrangements rappellent L’Hymne de nos campagnes, premier succès de son groupe.
Si les quatre principaux protagonistes occupent des rôles différents selon les morceaux et ont même invité entre autres la chanteuse Sally Nyolo et Ihmotep d’IAM, il ne faut pas pour autant chercher d’unité musicale dans cet album. Dans ce projet où le fond prime sur la forme, ce sont davantage les compositions d’Abdallah Oumbadougou qui retiennent l’attention. A l’image de ses voisins maliens de Tinariwen dont sa musique se rapproche, il est un de ces combattants artistes accueillis par la Lybie quand les Touaregs fuyaient la répression des autorités nigériennes. Ses textes, traduits dans le livret du CD, reflètent les sentiments partagés par son peuple : l’exaltation de l’identité touarègue dans Ô infortunés ("N’oubliez pas votre splendeur"), l’exil dans Yangogo – Iksenadou oussouf bastickné taha ("En grandissant, où vais-je aller ? Je me languis d’une nostalgie infinie"). Dépouillé ou au contraire enrichi d’une section de cuivres bienvenue sur Niger Blues, l’un des plus beaux moments de cet album, ce blues du désert où tout repose sur les motifs brodés par les guitares et le chant psalmodique agit comme une irrésistible invitation au voyage.
Désert Rebel (Original Dub Master/L’Autre Distribution) 2006