Flavia Coelho, de Copacabana à Paris

Flavia Coelho © Youri Lenquette

La Brésilienne Flavia Coelho, devenue Parisienne, sort son quatrième album. Avec DNA, son disque le plus personnel, elle aborde notamment la situation politique de son pays natal après l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro.

Elle est arrivée à notre rendez-vous matinal les yeux encore un peu ensommeillés, et avec un large sourire. Le vent, la pluie et la grisaille d’octobre n’ont aucune emprise sur le moral de cette Brésilienne, Parisienne depuis l’année 2006. Bien loin de son Rio de Janeiro natal.

Ce qui donne le cafard à Flavia Coelho, c’est la situation politique actuelle du Brésil depuis l’arrivée de Bolsonaro, - un nom qu’elle se refuse à prononcer -, et son gouvernement d’extrême droite. Elle l’exprime en musique.

Textes rageurs et cumbia

Enregistré avec son complice et producteur Victor Vagh-Weinmann, son quatrième album DNA brille par ses mélanges musicaux. Le baile funk y croise la trap (forme de rap) et les musiques caribéennes, la cumbia y est réinventée et le hip hop épouse le reggae. Si sa musique donne envie de se lancer sur la piste, les textes sont graves. "Quand il est arrivé (Bolsonaro, ndlr), j’ai pris une claque, j’ai vécu trois journées de deuil. J’étais vraiment mal", raconte-t-elle dans un français impeccable, teinté d’accent carioca.

Cheveux bouclés, peau métissée avec des tatouages sur les bras, Flavia Coelho dénonce les dirigeants qui ont pris le pouvoir en janvier dernier. Pour la première fois, elle s’est prêtée à l’écriture de textes basés sur l’actualité. Un exercice qu’elle jugeait "compliqué" auparavant. "Je ne peux pas fermer les yeux, même en étant loin. Dans ma famille, il y a de tout. Des métissés, des gens du Nordeste et des homosexuels. Tout ce qui est actuellement stigmatisé par le gouvernement brésilien".

Dénoncer la stigmatisation des minorités

Flavia Coelho est née à Rio il y a 40 ans dans une famille humble venue de São Luis do Maranhão, dans le Nordeste pauvre. Sa mère, militante féministe, est coiffeuse et maquilleuse, spécialisée dans la clientèle travestie. "J’ai grandi dans les cabarets, dans le milieu des transformistes et des transgenres. C’était la vie de ma mère. Lula a permis aux artistes de s’exprimer et à la communauté LGBT de ne plus se cacher. Et là, ils ne peuvent plus goûter au bonheur d’être eux-mêmes avec ce président !", s’insurge-t-elle entre deux gorgées de café.

Avec la chanson Nosso Amor (notre amour), elle dénonce la stigmatisation des minorités sexuelles du monde entier. Mais tout n’est pas sombre dans l’électro-pop de Flavia Coehlo. Menino Menina ("Garçon Fille") raconte une soirée de fête à Rio où les genres importent peu, sans jugement.

Sur des rythmes entraînants, elle garde l’espoir. Avec Billy Django, un personnage fictif (inspiré du film Django Unchained de Quentin Tarantino), en lutte contre le pouvoir brésilien, Flavia Coelho tente de faire émerger un super héros, sauveur du Brésil et de ses méandres actuels. "À chaque fois qu’il (Bolsonaro, ndlr) dit des conneries, il faut faire appel à ce Billy Django qui est en chacun de nous", avance celle qui a commencé à chanter à l’âge de 14 ans dans un groupe de samba.

Affirmer son identité

La métisse Flavia Coelho a le regard tourné vers l’Afrique, des relations historiques unissent le continent noir et le Brésil. D’où certains textes qui insistent sur les origines lointaines des Brésiliens, et ce titre DNA (traduction de "ADN" en portugais). "Le colonisateur disait que les esclaves noirs n’étaient pas beaux et n’avaient pas de droits. Il faut changer cette mentalité toujours présente au Brésil. En France, j’ai fini par comprendre que j’avais des droits. Que je pouvais affirmer mon identité."

Flavia Coelho s’indigne aussi en rap de la corruption qui gangrène sa ville de Rio, qui lui manque. "J’ai passé un temps fou à écrire les paroles de Cidade Perdida (ville perdue), je voulais trouver les mots justes. Une partie de ma famille vit encore là-bas, je ne veux pas la mettre en danger."

Même si elle se refuse à stigmatiser son pays, là-bas, Flavia Coelho a toujours ressenti le racisme. Elle a quitté le Brésil pour vivre autrement.  

Hommage à sa mère

Arrivée dans la capitale française il y a treize ans avec un sac à dos et quelques centaines d’euros en poche, elle passe d’abord ses journées au centre Pompidou à apprendre la langue de Molière et puis chante aussi dans le métro.

Son premier album Bossa Muffin sorti en 2011 est alors très bien accueilli par la critique. "Cette nuit, j’ai Paris dans la peau", chantait-elle. Elle commence à faire le tour des salles de concert en France. Avec les deux albums suivants (Mundo Meu en 2014 et Sonho real en 2016), elle fera le tour du monde.

Flavia Coelho, orpheline de sa mère à 11 ans, garde de celle qu’elle dépeint comme "une femme libre" le sens de la débrouille. "Elle me disait toujours qu’il fallait que j’apprenne des langues étrangères pour être libre. Elle voulait que je voyage, que je fasse des rencontres et que je sois à l’écoute des autres. J’espère lui rendre hommage. Peut-être que si elle n’était pas partie si tôt, je n’aurais pas eu cette vie".

Flavia Coelho DNA ([PIAS]) 2019
Flavia Coelho sera en tournée dans toute la France à partir du 14 novembre et à Paris le 29 octobre à la Cigale.
Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram