"Mama Africa", l’union musicale de la Colombie et du Ghana

L'artiste ghanéen Zongo Abongo dans le clip "Mama Africa". © Palenque Records

Mama Africa, la chanson a nécessité l'implication de 4 pays : la Colombie, l'Angleterre, la France et le Ghana. Les artistes se sont retrouvés sur un titre aux rythmes et aux couleurs de l'Afrique pour rappeler les origines africaines dans la musique colombienne. C'est depuis Bogota que le label Palenque Records et Galletas Calientes ont imaginé cette nouvelle version, jusqu'à lui donner vie avec le tournage du clip vidéo au Ghana, à Accra.

Les rythmes, les couleurs ainsi que le dialecte dagbani du Ghana se mélangent aux rythmes afro-colombiens avec des paroles en anglais. L'artiste ghanéen Zongo Abongo chante Mama Africa is calling! ("La mère Afrique appelle"). Ce projet musical est né à Bogota, mais l'aventure a réellement débuté à Paris lorsqu'en 2005, Lucas Silva se connecte à la diaspora africaine pour enregistrer l'album : Colombia Africa-the mystic orchestra avec des artistes congolais comme Diblo Dibala, Caien Madoka, Dally Kimoko et Rigo Star. Le disque contient la première version de la chanson.

Ce Colombien d'une quarantaine d'années, aux cheveux poivre et sel, polyglotte, est un fervent défenseur de la culture afro-colombienne. Son nom d'artiste "ChampetaMan" rappelle les racines afros, la champeta étant un genre musical représentant l'héritage de l'Afrique en Colombie. C'est en français que Lucas Silva explique ses choix : "Ma passion, c'est la musique africaine arrivée en Colombie dans les années 1970 et celle d'aujourd'hui. Mon principal intérêt est de faire des échanges entre l'Afrique et les Afro-colombiens."

L'héritage Palenque

En 1997, il décide de fonder un label, Palenque Records. "Il est exclusivement dédié à la musique afro-colombienne. Mon premier disque a été enregistré à San Basilio de Palenque (ndlr, premier village des esclaves colombiens libres). Mon label est un hommage à cette ville et aux Palenques, à tous ceux qui ont fui l’esclavage durant la colonisation espagnole. C'est un message contre la mentalité colonialiste qui existe encore en Colombie.

Avec plus de 10 millions d'individus, la population afro-colombienne représente 10% des Colombiens. Les régions des côtes du Pacifique et de l'Atlantique sont celles qui concentrent le plus d'afro-descendants. "La Colombie est le pays qui compte le plus d'afro-descendants, après le Brésil. Il y a toujours ces racines africaines."

Quatre pays pour un titre

Lucas Silva produit plusieurs types de musique : champeta, currulao, cumbia, musique traditionnelle ou électronique. Le tout est modernisé grâce à des collaborations hors du commun, telle celle qu'il a imaginées pour Mama Africa, nouvelle version, avec Zongo Abongo. "Je connaissais la chanson. Je l'adorais. C'était une opportunité pour moi. Je l'ai tout de suite saisie. L'idée de construire un pont entre le Ghana et la Colombie veut dire beaucoup moi."

Pour cette production, les intermédiaires entre les deux pays ont été le producteur français Galletas Calientes et le producteur anglais The Busy Twist. Ce dernier est un explorateur qui passe son temps entre la Colombie et l'Afrique à la recherche de nouveaux rythmes afro. "J'ai été contacté par mon ami the Busy Twist. On avait déjà collaboré en 2018. Il vient souvent au Ghana. On a fait plusieurs titres comme The Sunny Side et Dagbani Dance. Un jour, il est revenu de Colombie avec ce son dont il voulait faire un remix. Je me suis dit : 'ce rythme peut secouer le Ghana.'"

Ce remix Mama Africa fait partie de la nouvelle vague dite afrobeat, une tendance née au Nigeria. Zongo Abongo, un habitué de la musique traditionnelle ghanéenne, étend ses horizons. "C'est un nouveau type de musique. Highlife, afro-pop, ou afrobeat, on cherche à mélanger les sons traditionnels avec les rythmes nouveaux. En écoutant Mama Africa, je voyais ce potentiel. Une fusion de musique champeta, dancehall et plus."

La musique contre le racisme

Ces collaborations internationales ont pour but de modifier les préjugés tant artistiques que culturels. Un projet ambitieux signé Lucas Silva : "Quand j'ai créé mon label, personne ne parlait de cette musique afro-colombienne. On n'utilisait pas le terme "afro-colombien" pour parler de la musique noire colombienne. C'était invisible. Il y avait beaucoup de discrimination, de racisme et encore aujourd'hui. La musique a un rôle à jouer dans le changement. La Colombie peut changer. Un disque sort à Kinshasa et ici, on est les premiers à l'acheter. On est à l'heure de l'Afrique. C'est une exception culturelle."

Palenque Records produit une dizaine d'artistes afro-colombiens. De nouvelles collaborations internationales, dont une avec le Congolais Lucien Bokilo, sont en préparation et Zongo Abongo présentera bientôt un nouvel EP.

Site officiel de Palenque Records / FacebookYouTube 

© Palenque Records
La pochette de l'album "Afrocolombia remix Vol.2".