Malika Tirolien, la musique et les émotions

Malika Tirolien en concert à New York, 2024. © Michaël Oliveira Da Costa / RFI

Le nom de Malika Tirolien n’est pas le plus connu dans le monde musical francophone, mais l’artiste guadeloupéenne se fait un nom de l’autre côté de l’Atlantique, entre Montréal, où elle vit, et les États-Unis, où sa carrière est établie en solo, mais aussi avec le groupe Bokanté, nommé aux prochains Grammy Awards. Pour l’ancienne membre du Cirque du Soleil, la musique est un élément central de la vie, une véritable expression de l’âme, une constante démonstration d’émotions. À 40 ans et après quasiment vingt ans de carrière, Malika veut continuer à explorer par la musique, sans limites.  

De Marie-Galante à Orlando, en passant par New York et Montréal, Malika Tirolien fait son petit bonhomme de chemin musical. Mais avant d’arriver à se faire une place au soleil dans l’ultra-compétitive industrie musicale américaine, la native de Guadeloupe a grandi et beaucoup appris sur son île caribéenne, portée par l’envie de "toucher les gens par les voix et les sons", comme elle n’a de cesse de le dire, toujours le sourire aux lèvres. 

C’est à Marie-Galante que Malika voit le jour et entame sa vie dans une famille où la musique, la poésie et les arts en général sont élevés au rang de mode de vie, d’incontournables du quotidien. "Mon grand-père, Guy, était un brillant poète, mais grand-mère jouait du piano et mon père aimait tout simplement tellement la musique qu’il a appris le chant et à jouer des instruments quasiment tout seul", précise-t-elle, "dans un tel contexte, on ne peut qu’aimer les sons et développer une envie de faire de la musique comme un moyen d’expression dans la vie de tous les jours".

La jeune Malika ne sait pas encore que son destin sera inscrit dans la musique, et démarre en apprenant le piano lorsque ses parents se rendent compte que leur fille arrive à reproduire les sons qu’elle entend sur cet instrument sans aucune difficulté. Elle apprend la musique classique et, à ses 9 ans, son père, qui est membre d’un groupe sur l’île, l’amène à un concert où… elle remplace l’un des choristes absent ! "J’avais fait belle impression, mais je faisais cela pour le plaisir, de manière spontanée et sans trop réfléchir. Ça reste l’un de mes meilleurs souvenirs sur scène !", sourit-elle.

Elle enchaine sur l’apprentissage du chant, en autodidacte, "en criant beaucoup et en faisant des sons qui ont dû vraiment énerver mes voisins" rigole-t-elle, mais aussi dans le groupe de son père, et à l’adolescence, elle réalise que sa vie sera faite de musique et qu’elle veut en faire sa carrière. Les sons de Michael Jackson, de Mary J. Blige et de Mariah Carey, mais aussi du hip-hop et du R’n’B bercent son apprentissage. Malika voit grand et veut se lancer, progresser en tant qu’artiste. Elle ressent des émotions fortes grâce à la musique, "qui m’aide à m’apaiser mais aussi à transmettre des émotions", comme elle le précise, et au lycée, prend une option "musique" dans son parcours, avant de quitter son île natale à ses 18 ans pour le Québec.

Michael League pour mentor

Malika part à Sherbrooke, puis à l’université de Montréal pour y étudier le jazz et une rencontre vient donner un premier élan à sa carrière musicale dans son pays d’accueil. "En arrivant au Canada, j’ai rencontré des membres du collectif Kalmunity Vibe, qui tournaient dans la ville et qui comptaient des musiciens, des poètes. J’ai décidé de les joindre et on a formé un groupe, Groundfood, dont le nom a commencé à tourner en ville assez rapidement", se souvient-elle. Un soir de 2012, le groupe fait la première partie de Snarky Puppy, l’ensemble de l’Américain aux 5 Grammy Awards Michael League, et la rencontre va changer la vie de la jeune artiste guadeloupéenne. 

Malika Tirolien subjugue League et les membres de son groupe, qui n’attendent pas pour l’inviter à se produire avec eux. Le courant passe immédiatement et la Guadeloupéenne passe à la vitesse supérieure. "Michael et son groupe m’ont accueilli à bras ouverts et je suis partie à New York en 2013 pour travailler avec eux et les aider sur leur album Family Dinner - Volume 1, avec les chansons Sew et I’m Not The One", rappelle-t-elle, "j’ai vite tourné avec Snarky Puppy à travers les États-Unis, puis un peu partout dans le monde, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud. C’était vraiment fou, et j’apprenais encore plus rapidement les ficelles du métier".

Entre-temps, Malika est engagée également par le Cirque du Soleil pour son spectacle La Nouba, à Orlando, en tant que chanteuse principale du show et poursuit sa carrière en solo, en sortant son premier album, Sur la voie ensoleillée, en 2014, puis Chew Before You Swallow, la même année, en collaboration avec le groupe montréalais Groundfood. "Faire partie du Cirque du Soleil, c’était aussi un rêve devenu réalité, car j’ai pu apprendre tout ce qui permet de créer, de produire un spectacle, mais aussi de vivre une expérience avec des chanteurs, danseurs, artistes et performers. J’ai beaucoup appris sur la manière d’interpréter les chants, car on avait une grande liberté, on pouvait aussi improviser" se souvient-elle, "et ma carrière de chanteuse commençait à prendre son envol, donc je ne suis pas restée plus de deux ans avec la troupe et j’ai décidé de voler de mes propres ailes avec Snarky Puppy et mes albums solos".

En course pour un Grammy Award 

La Caribéenne s’épanouit dans sa carrière et en 2015, League lui propose d’être la chanteuse du nouveau groupe Bokanté (ndlr: échange en créole). L’artiste est comblée et devient la figure incontournable du groupe, dont le premier album sort en 2017, avec Strange Circles. "Bokanté, c’est une immense fierté. Ça correspond à tout ce que je préfère dans ma carrière d’artiste, à savoir être libre, garder ma liberté pour produire des chants, des sons, des mélodies qui parlent de mes émotions, avec en toile de fond la culture créole, qui est très importante pour moi, qui fait partie de mon héritage" souligne celle qui écrit et compose une grande partie des titres du groupe.

Bokanté sort un second album en 2018, What Heat, sélectionné aux Grammy Awards dans la catégorie Musiques du monde, puis l’an dernier, un troisième opus, History, qui cartonne depuis sa sortie en juin. Cerise sur le gâteau, celui-ci permet de nouveau au groupe d’être en compétition pour deux Grammy Awards, dans les catégories Meilleur album global et Meilleur ingénieur du son pour Nick Harde, élément central du projet. "C’était une énorme surprise pour nous d’être sélectionnés" précise-t-elle, "c’est sûr que ce serait un rêve de gagner un Grammy Award ! Mais comme le dit si bien Michael League, je pense que le plus important serait que cette attention médiatique amène encore plus de gens à écouter ce que l’on fait, car on a encore beaucoup de fans à conquérir par nos chansons et plus de pays francophones où se produire, car par exemple, on n’a que très peu joué en France jusqu’à présent".

L’artiste de 40 ans n’oublie pas non plus sa carrière solo, avec la sortie de son second album Higher, en 2021, et la préparation d’un EP qui sortira dans le courant de l’année. Après quasiment deux décennies de carrière, Malika Tirolien garde toujours en tête la même philosophie : "explorer par la musique et exprimer mes émotions. La chanson, c’est un mode de vie, une expression de l’âme et quels que soient les projets dans lesquels je suis et serai impliquée, je veux toujours garder cela en ligne directrice" conclut-elle. 

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