Tinariwen, compagnons du désert
Tinariwen, formation emblématique de la résistance touareg des années 1990, revient aux sources à Tessalit, dans le nord du Mali, avec Imidiwan, un nouvel album enregistré entre le banco, le sable et la pierre du désert.
Retour aux sources
Tinariwen, formation emblématique de la résistance touareg des années 1990, revient aux sources à Tessalit, dans le nord du Mali, avec Imidiwan, un nouvel album enregistré entre le banco, le sable et la pierre du désert.
Début septembre, les Maliens de Tinariwen passent quelques jours à Paris, dans une maison du XXe arrondissement. Allongés sur des banquettes, ils fument, esquissent quelques accords de guitare et préparent le thé, sucré et amer à la fois. Ibrahim Ag Alhabib se lève pour répondre à nos questions.
Son rocailleux
Comment se sent-il à Paris ? Bien, car il est content de retrouver des amis, mais il s’y sent rapidement "enfermé". C’est à Tessalit, au nord du Mali, ou plutôt dans la brousse environnante, seul avec le vent, sa flûte, son tabac, son thé et ses animaux, qu’il préfère passer du temps. Ibrahim rappelle qu’il est né et a grandi dans la solitude et qu’il a besoin de liberté.
Depuis l’album The Radios Tisdas Session, enregistré à Kidal en 2000 par Justin Adams et Jean-Paul Romann, le groupe a tourné aux quatre coins du monde et enregistré loin de sa terre d’inspiration. Alors, début 2009, les membres de Tinariwen ont voulu, selon les mots du même Jean Paul Romann "remettre du sable dans leur son". Pour cela, ils ont loué une maison à Tessalit – murs en banco, tapis sur la tôle du plafond, lumière diffuse - pour travailler sans contrainte de temps sur un nouveau projet. Plusieurs pistes d’Imidiwan, ont aussi été enregistrées en brousse, en pleine nuit ou au petit matin, micros posés dans des lieux magiques, avec la complicité du silence et du vent.
Ouvrir la voie
Pour que le retour aux sources soit complet, Tinariwen a puisé dans son répertoire et a procédé à des réarrangements. Imidiwan, le morceau titre de l’album a été composé par Ibrahim à la fin des années 1980, en exil. Il reste d’actualité aujourd’hui : les questions restent les mêmes et s’universalisent. Imidiwan s’adresse aux compagnons de lutte d’alors et aux amis oppressés du monde entier, notamment aux Indiens d’Amérique, desquels Tinariwen se sent proche. "Ils ont les mêmes problèmes que nous. Ils sont minoritaires, ont peu d’infrastructures, sont nomades et ont de très forts taux d’analphabétisme…"
Mais il y a aussi de nouvelles compositions qui sensibilisent les habitants de la région. Combattants de la cause touareg depuis la fin des années 1980, le groupe Tinariwen chante désormais la paix, et le combat politique est devenu social : les urgences sont sanitaires, éducatives, environnementales. Selon Ibrahim, avoir vingt ans aujourd’hui à Tessalit est plus simple qu’en son temps. "A l’époque, il y avait peu d’issue pour un jeune Touareg. Notre génération est marquée par le conflit de 1963, où à titre personnel, j’ai perdu mon père. J’ai grandi dans cette tristesse, puis dans celle de la grande sécheresse qui nous a encore plus affaiblis, rappelle Ibrahim, les yeux perdus dans le vide. Certains ont ouvert la voie : Aujourd’hui, les jeunes ont beaucoup plus de repères". Tinariwen, avec sa carrière fulgurante et son profond enracinement dans le désert, y est sans doute pour beaucoup.
Tinariwen Imidiwan (AZ/Universal) 2009
En concert à Paris à l'Alhambra le 5 octobre puis en tournée française.