Etran de L’Aïr, des étoiles dans le ciel nigérien
Dans la grande famille du blues du désert, Etran de L’Aïr n’est pas tout à fait un nouveau venu. Formé il y a plus de 25 ans, le groupe nigérien joue dans les mariages et les cérémonies. Guitares en bandoulière, ces "étoiles" débarquent à la faveur d'un second album, Agadez, en Europe et aux États-Unis avec des vibrations résolument communicatives.
La première chose qui saute aux oreilles quand on écoute Etran de L’Aïr, c’est leur énergie. Une sorte de mouvement qui pousse immanquablement à la danse et pourrait volontiers nous accompagner jusqu’aux dernières heures de la nuit. Dignes représentants de la guitare touarègue, les "stars" de l’Aïr sont parmi ces groupes de blues du désert qui ont essaimé un peu partout dans le Sahara et s’invitent régulièrement dans les salles de concerts occidentales.
Originaire d’Agadez, au Niger et ayant son QG non loin de la grande mosquée de la ville, ce groupe familial est né en 1995. Son leader actuel, Moussa Ibra, alias Abindi, avait alors tout juste cinq ans. Il n’a commencé à apprendre la guitare qu’à 9 ans, sous le regard d’un grand frère qui aurait préféré le voir aller à l’école.
Mais au fil du temps, l’orchestre familial qui tourne autour de 6-7 musiciens a évolué et changé de membres. Ayant débuté avec une guitare acoustique et une calebasse sur laquelle on tape avec une sandale, il a progressivement acquis des instruments électriques.
Animation des mariages et des baptêmes
La musique d’Etran de L’Aïr est destinée à la fête et le groupe vit de l’animation des mariages et des cérémonies. "Dans les mariages, les gens se sont habitués à la guitare. Si tu fais un mariage ou un baptême et qu’il n’y a pas d’animation, tu n’auras pas beaucoup de monde", constate Abindi. Le jour où on l’appelle via l’application WhatsApp, lui et les siens sont en train de charger un 4X4 de matériel pour aller jouer "en brousse". Ils nous enverront plus tard dans la soirée une petite vidéo de la prestation. On verra alors deux guitaristes jouer ensemble devant un public ceint de turbans et assis par terre, dans une lumière diffuse.
À l’opposé d’une pochette futuriste, ce deuxième album se révèle assez brut de décoffrage. Agadez est un enregistrement live fait à la maison d’Abindi. Le tendé, le tambour touareg, marque le rythme. Les guitares s’entrelacent au fil de longs solos et de morceaux hypnotiques, réduits à 5 ou 6 minutes. "La guitare, c’est un instrument vraiment très important ici ! Même si tu as quelque chose à quoi tu penses ou un souci, quand tu joues, ça va te soulager", constate Abindi. Influencés par le bluesman malien Ali Farka Touré, les pionniers de Tinariwen ou le musicien local, Kader Balla, les Etran de L’Aïr disent privilégier une approche "panafricaine".
Les dix morceaux en langue tamasheq chantent "l’amitié, la paix et l’amour" ; ils sont souvent une ode à la femme aimée. Ils racontent la vie des populations nomades comme des migrants suivant les chameaux, "de l’Algérie jusqu’en Libye". Les mots sont comme des incantations, notamment à Allah, les musiciens baignant dans la religion musulmane. Etran de L’Aïr n’est pas exactement un groupe politique, mais le groupe peut jouer pour "faire de la propagande", explique Abindi.
Agadez, scène musicale aux portes du désert
Aux portes du Sahara, Agadez est une plaque tournante des trafics : migrants, drogues, armes... La grande ville du Nord Niger est aussi un carrefour pour d’excellents musiciens et guitaristes. La concurrence est rude sur cette scène où chacun se connaît et vibre au son de sonos branchées sur des groupes électrogènes, faute d’électricité. "La musique, c’est presque chaque jour. Il y a plusieurs groupes de musique touarègue qui jouent chaque soir dans les bars. Mais c’est surtout le week-end que ça se passe", explique Abindi. Les groupes jouent aussi et surtout dans le désert où "le son des guitares est plus pur qu’en ville".
Alors qu’on annonce la réédition pour ses 20 ans de The Radio Tisdas Sessions de Tinariwen, pierre angulaire de la guitare touarègue, le style voit toujours émerger de nouveaux groupes. Imarhan, basé à Tamanrasset, en Algérie, vient quant à lui de faire paraître Aboogi, un troisième album éclatant plus axé sur la fusion. Protégé du label américain, Sahel Sounds, Etran de l’Aïr tournera partout en Europe et aux Etats-Unis. La dernière tournée du groupe a été marquée par les problèmes de visa du frère d’Abindi, ce qui l’a "beaucoup choqué". Mais le groupe promet un retour gracieux pour les prochaines saisons.
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Etran de L’Aïr Agadez (Sahel Sounds) 2022