Arthur H aux Etats-Unis

De Porto Rico le 14 avril à San Francisco le 29, Arthur H s'est dernièrement fendu d'une exceptionnelle tournée américaine. Exceptionnelle par la qualité (qui en douterait), mais surtout par le fait que la présence musicale française outre-Atlantique n'est en général pas des plus envahissantes...
Le 24 avril, Arthur était à Washington, capitale d'où vous savez. Un musicien américain, C.R.Tolf, s'est pour nous rendu au concert, à la Maison Française, sans savoir vraiment ce qui l'attendait. Il nous raconte sa soirée :

Le Baron noir en Amérique

De Porto Rico le 14 avril à San Francisco le 29, Arthur H s'est dernièrement fendu d'une exceptionnelle tournée américaine. Exceptionnelle par la qualité (qui en douterait), mais surtout par le fait que la présence musicale française outre-Atlantique n'est en général pas des plus envahissantes...
Le 24 avril, Arthur était à Washington, capitale d'où vous savez. Un musicien américain, C.R.Tolf, s'est pour nous rendu au concert, à la Maison Française, sans savoir vraiment ce qui l'attendait. Il nous raconte sa soirée :

Faites que la vie n'imite jamais l'art. La force créatrice de l'artiste ne peut surgir que de sa propre vérité. Le public peut ainsi percevoir le message de l'artiste, et l'apprécier; mais il ne peut pas se l'approprier trop longtemps, car c'est sa propre âme qu'il perdrait. Et ça, c'est le domaine réservé des amoureux et des fous.

Mais en quoi tout ceci concerne-t-il la visite récente d'Arthur H à la Maison Française de Washington ?
Lorsqu'un chanteur peut rendre le public passagèrement fou, c'est peut-être qu'il a réussi à leur livrer sa vérité. C'est comme si (oserais-je le dire à des Français ?) il nous avait invité à dîner, et on peut dire qu'Arthur H sait admirablement cuisiner.

Avant le concert, je lisais qu'Arthur H avait été inspiré par Joséphine Baker. J'avais entendu parler de lui comme étant le Tom Waits français. Oui, peut-être... Je comprend pourquoi il est décrit comme un compositeur inclassable, sans doute à cause d'une certaine subtilité. Les chansons et la mise en scène d'Arthur H bouillonnent d'une vie intérieure, valorisées par la raffinée Alexandra Mikhailkova, sa captivante et talentueuse bassiste. Un phrasé délicat et économe ponctue chaque titre, distillé par le vigoureux Brad Scott, son autre contrebassiste, bilingue celui-là. Dans l'ensemble, la mise en scène est soignée. Le seul inconvénient étant que le public n'était pas autorisé à fumer une cigarette en compagnie de Mikhailkova à la fin du concert. La prochaine fois, Monsieur H, Washington vous invitera dans un endroit où nous pourrons savourer un bon verre et fumer en votre compagnie.

Le concert de Monsieur H commençe presque comme du théâtre. Arthur entre en scène seul, vêtu d'un costume mi-deuil mi-carnaval. Suivent ses musiciens, qui s'installent pendant qu'Arthur, seul, joue "Andorra" sur son grand piano. Mikhailkova, assise à gauche dans un fauteuil, les jambes croisées, semble dire : "attendez un peu que je m'installe", tandis que Scott se pose sur un canapé, sa basse posée à ses côtés, jetant des regards sous son chapeau mou. J'écoute tout ça, me demandant dans quoi je m'embarque.

Deux autres morceaux suivent, "Un Fantôme" et "Quai n° 3", chacun joué plutôt minimaliste comme la grande partie du show... et toujours rien du côté de Mikhailkova. La qualité de ce concert, c'est ça : vous vous régalez, vous en voulez plus, mais au bout du compte, vous êtes satisfait de ce qu'on vous offre.

Comme promis, Monsieur H rend hommage à la personnalité et à la beauté de Joséphine Baker avec "C'est lui". Il joue aussi quelques sublimes morceaux d'un auteur français jusque là inconnu de mes ignorantes oreilles américaines, Serge Gainsbourg. Et le timing des chansons de Gainsbourg me paraît parfait. Vers la fin, avec "L'alcool", la passion monte, la musique valse, Arthur ronronne en français*, et vous atteignez le moment du spectacle où tout fusionne. La contrebasse de Scott est parfaite, la voix d'Arthur pénétrante. Vous avez le sentiment que "l'amour"* vous enveloppe. Vous êtes transporté.

Il y a beaucoup d'humour aussi dans toute cette passion et ce raffinement. Arthur et son contrebassiste-interprète, Brad Scott, s'éclatent bien avec "La femme idéale", dans laquelle Arthur chante une mesure en français, immédiatement traduit en anglais par Brad. Un présage pour ce qui va suivre...?

La soirée se termine avec "Goodbye my friend", chantée en anglais. Et tout comme il a commencé son spectacle avec un soupçon de théâtre, il le termine sur une touche de carnaval. Le public n'est pas abasourdi. Il a juste voyagé un peu dans le monde d'Arthur.

Merci, Monsieur H. A bientôt.*

C.R. Tolf
Washington, DC.
(Avec la précieuse collaboration de Bop Tweedie)

*en français dans le texte