MUSIQUES METISSES, ANGOULEME

Cette 23e édition du plus célèbre festival français de musiques du monde est à classer parmi les très grands crus. Fréquentation record malgré averses et orages. Nombreuses révélations et découvertes. Cohérence d'un programme haut de gamme pour les quatre grandes soirées du week-end de Pentecôte, chacune représentative d'un même univers culturel. Vendredi : Maghreb-France. Samedi : reggae. Dimanche :Afrique. Lundi : Cuba.

29, 30 et 31 mai, 1er juin 1998

Cette 23e édition du plus célèbre festival français de musiques du monde est à classer parmi les très grands crus. Fréquentation record malgré averses et orages. Nombreuses révélations et découvertes. Cohérence d'un programme haut de gamme pour les quatre grandes soirées du week-end de Pentecôte, chacune représentative d'un même univers culturel. Vendredi : Maghreb-France. Samedi : reggae. Dimanche :Afrique. Lundi : Cuba.

Revue zapping par François Bensignor

o Vendredi : Maghreb-France

Entre les voix et rythmes de B'Net Houariyat, cinq maîtresses femmes chantant depuis 20 ans à Marrakech les musiques enivrantes du sud marocain, et la simplicité magistrale de leurs compatriotes, Nass El Ghiwane, héros immaculés, indémodables, une large place était réservée à la jeune génération née en France. Sawt El Atlas lançait la fête avec son "maroc-rock-funky", avant de laisser place à Faudel, le prince des séducteurs. Si vous pensez que les boys bands ont du succès auprès des filles, c'est que vous ne connaissez pas l'étoile montante du raï. Avec ses beaux yeux, sa voix sucrée-salée et ses presque vingt ans, il déclenche l'hystérie. Pour vous en convaincre, allez donc écouter l'extrait du concert enregistré pour vous sur : http://festival.musiques-metisses.com

o Samedi : reggae

On pouvait compter sur Mystic Revelation of Rastafari pour créer ces bonnes vibrations indispensables à la communication harmonieuse des êtres à travers la musique. Ne sont-ils pas, plus que les inventeurs du ska, les symboles vivants de la philosophie rasta ? Leur communauté n'a-t-elle pas initié un Bob Marley adolescent à cette esprit positif qui donne encore tant d'espoir aux jeunes déshérités ? Ils ont comblé un public enthousiaste, heureux. On ne peut malheureusement en dire autant de ceux qui se produisent sous le nom de Wailers. De la formation mythique qui accompagna Marley ne reste guère que deux musiciens. Pas une once de magie dans l'interprétation des chefs d'oeuvres du prophète reggae. Pendant que ces Messieurs gèrent sans panache leur juteux fonds de commerce, dans le public qui connaît tous les tubes, une petite bande déclenche la seule bagarre de tout le festival. Un feu bien vite éteint, quand la musique prend fin. De cette soirée, on retiendra surtout la prestation grandiose de Lucky Dube, le rastaman sud africain, qui ne cesse de nous éblouir tant et plus à chaque nouvelle tournée. Nous y revenons très prochainement.

Dimanche : Afrique

Programme en ouverture de la soirée, la création de Doudou N'Diaye Rose avec le Bagad Men Ha Tan marquait l'apothéose du festival. Debout pendant plusieurs minutes, le public exultait en un déferlement d'applaudissements ininterrompus. Il aurait voulu que jamais ne cesse l'extraordinaire démonstration de virtuosité livrée par l'ensemble de treize "sabars" dirigé par le maître tambour-major dakarois. Il ne voulait pas quitter cette seconde dimension issue de leur poignante rencontre avec la musique de l'âme celte. Une expérience de toute beauté, dont on attend impatiemment les traces discographique et vidéographique. Rivaliser avec un tel triomphe était une gageure difficile qu'Anne Marie Nzié, vieille dame débonnaire, a assumé avec courage, confiante dans sa belle voix. Le public l'accepta telle qu'elle est. Quant à Ismaël Lô, il mit tout le monde d'accord avec son charisme, sa performance vocale sans pareil et une prestation irréprochable. Décidément, il se place aujourd'hui parmi les plus grands de la scène africaine.

Lundi : Cuba

Pour finir en beauté, une dernière soirée sous le signe de la danse. On démarre en douceur avec les belles sonorités acoustiques du Septeto Habanero. Un délice de "son" et de "boléro" dans le plus pur style des années d'avant la révolution cubaine. Le charme opère des merveilles sur les corps les plus raides. Le grand chapiteau se transforme en immense parquet de bal, tourbillonnant aux rythmes irrésistibles du cha-cha-cha, du mambo ou de la rumba, servis par les sonorités impeccablement cuivrées d'un Afro Cuban All Stars passablement revitalisé. Le grand orchestre de "charanga" emmené par Candido Fabre, le vocaliste compositeur le plus décoiffant de l'actuelle scène cubaine parachève le bonheur des danseurs. Pendant que s'abattent des trombes d'eau accompagnées de coups de tonnerre, la flûte et les violons font chavirer les coeurs dans la nuit déchirée d'éclairs.

François Bensignor