LIKEMBÉ GÉANT
Antoine Moundanda et ses deux acolytes, 'Papa' Kourand et Raphaël Mahela dit 'Zézé', forment le plus épatant des orchestres de rumba. Leurs trois grands pianos à pouces 'likembé' et leurs voix aux douces harmonies garantissent la détente et la joie. Quel est donc le secrets de ces doyens donneurs de plaisir ?
Antoine Moundanda, le guérisseur des âmes
Antoine Moundanda et ses deux acolytes, 'Papa' Kourand et Raphaël Mahela dit 'Zézé', forment le plus épatant des orchestres de rumba. Leurs trois grands pianos à pouces 'likembé' et leurs voix aux douces harmonies garantissent la détente et la joie. Quel est donc le secrets de ces doyens donneurs de plaisir ?
Rencontre avec François Bensignor
C'est presque un miracle de voir Likembé Géant au festival d'Angoulême. En décembre dernier, il n'ont jamais pu arriver à Saint-Denis où l'affiche d'Africolor les annonçait de longue date. Pris dans la guerre sans merci entre les partisans de Lissouba et ceux de Sassou-Nguesso, ils sont obligés de fuir Brazzaville pour tenter de s'envoler pour la France depuis Pointe Noire. Mais leur train est arraisonné par les soldats qui viennent de s'emparer de la province du sud. Une brutalité sauvage et sanguinaire s'abat alors sur les passagers, avec son lot de meurtres et de tortures. Par quel miracle les trois musiciens s'en sortent sains et saufs ? Sans doute le doivent-ils à leur longue expérience de musiciens "guérisseurs des âmes".
- Antoine Moundanda : " J'ai commencé l'orchestre Likembé Géant au début des années 50. Et c'est à l'âge de 17 ans, le 18 avril 1953, que j'ai fait mon premier enregistrement pour la maison de disques Ngoma, à Brazzaville. À l'époque, j'admirais Tino Rossi. Sur nos grands likembé, on jouait le cha-cha-cha, le merengué, la rumba, la polka, la patchanga, le djébola. Moi je voulais enregistrer à la guitare, mais le patron de Ngoma, Monsieur Germinedis, n'a pas voulu. "Garde ton style à toi. C'est ta richesse", disait-il ".
- 'Papa' Kourand : " Ce qu'il vous cache, c'est qu'il jouait notre guitare traditionnelle, le "nzambi". Elle est faite d'une calebasse qui sert de caisse de résonance, sur laquelle sont fixés cinq bâtonnets avec lesquels on attache des nervures de palmier que l'on accorde et que l'on joue avec l'index ".
- Antoine Moundanda : " Mon grand-père, Mawono Mambata, qui jouait du nzambi était conteur et devin. Pendant qu'il jouait, les esprits lui révélaient ce que les gens avaient au fond du c¦ur. Il savait "voir" les maladies et invoquer les bons esprits pour la guérison des malades ou la protection des villages. Mon père, Maboko Mamoulou, faisait presque le même métier. J'ai appris la musique auprès de lui, qui jouait le petit likembé, appelé "kissansi". "
- 'Papa' Kourand : " Ce qu'il vous cache, c'est que son père était un grand voyant et un grand féticheur ".
- Antoine Moundanda : " Moi, je suis un guérisseur pour ceux qui n'ont pas le moral. J'amène la joie, je fait danser. Mais je ne veux pas me mêler des affaires des esprits. Mon père voulais m'initier, mais j'ai refusé. J'aime mieux la musique moderne, animer les mariages ou jouer dans les cabarets. Plus tard peut-être j'y viendrai ".
Entretien François Bensignor