Plagiat musical

Les artistes africains commencent à se défendre contre le plagiat. Mais cette attitude reste exceptionnelle : par manque de moyens ou par fatalisme, ils restent massivement victimes du phénomène.

Les Africains ne baissent plus les bras

Les artistes africains commencent à se défendre contre le plagiat. Mais cette attitude reste exceptionnelle : par manque de moyens ou par fatalisme, ils restent massivement victimes du phénomène.

La reprise est chose courante, sur le Continent comme ailleurs, mais les lois sont claires, comme le signale Manu Dibango, victime en 1984 d'un plagiat mémorable. Dans l'album Thriller, Michael Jackson lui avait en effet "emprunté" 1 minute 17 de son tube Soul Makossa. Illico, Manu Dibango attaque l'artiste américain (qui a vendu 45 millions d'exemplaires de l'album à travers le monde) et a gain de cause. Les avocats de "Bambi" s'empressèrent de trouver un arrangement rapide et conséquent pour éviter que l'affaire ne s'ébruite. Manu Dibango ne révélera jamais le montant des dédommagements. "A l'heure actuelle, confiait-il, il y a une cinquantaine de versions de Soul Makossa aussi bien en Amérique, au Brésil, au Japon. Il y a beaucoup de gens qui ont interprété mes morceaux. Moi aussi, il m'arrive d'interpréter ceux des autres ; ceux de Franklin Boukaka par exemple. J'ai même fait un disque de piano où j'ai interprété le Bûcheron, mais pourquoi je signerais pour cela Manu Dibango ? Non, je dis Bûcheron, interprétation : Manu Dibango, composition : Franklin Boukaka. C'est simple. Voler un artiste, c'est comme voler des objets d'arts africains, c'est comme voler le patrimoine africain".

Hot Koti : grand frère contre petit frère

Un autre "plagié" célèbre est Loulou Gasté, le mari et compositeur de Line Renaud. Auteur de nombreuses chansons françaises à succès comme Ma cabane au Canada ou Le petit chien dans la vitrine, c'est avec son titre Pour toi interprété par Dario Moreno dans le film Le feu aux poudres d'André Decoin qu'il connaît une "célébrité internationale". Le morceau est en effet plagié par un obscur crooner brésilien, Moris Albert. Rebaptisé Feelings, il devient un standard de la musique américaine. Après huit ans de bataille juridique menée aux Etats-Unis, Loulou Gasté obtient un demi million de dollars de dommages et intérêts et une reconnaissance de la paternité de sa chanson.

Cette décision de se battre sur le continent américain avec des avocats américains, Renaldo Cerri, l'éditeur de l'artiste camerounais André-Marie Tala la prend en 1974 quand le titre Hot Koti est plagié par le pape de la soul lui-même, James Brown. "Le procédé m'avait horrifié. James Brown était venu au Cameroun donner une série de concerts. André-Marie Tala qui venait de sortir un album chez Decca est contacté par "le grand frère" qui possède une chaîne de radios aux Etats-Unis et lui promet de s'occuper de sa promo. Quelques mois après, le titre sort sous le nom de James Brown. Faire ça à un artiste aveugle qui avait du mal à survivre, je n'ai pas supporté. J'ai pris des avocats américains car face à la loi américaine, la loi française n'était rien. Il y a ce problème des lois qui changent selon les Etats et les avocats jouent là-dessus. Si on n'a pas un spécialiste du pays, on est foutu". Après trois ans de bataille juridique, le plagiat est reconnu : André-Marie Tala obtiendra 15 % de toutes les recettes du titre.

Mais il y a ceux qui n'ont jamais lancé la moindre action en justice et dont les titres abondamment plagiés sont devenus des tubes. Ainsi, l'artiste kenyan Fundi Konde, auteur du titre Malaïka n'a obtenu aucune royaltie sur les multiples reprises qui en ont été faites. Myriam Makeba qui signalait dans ses albums à propos de Malaïka qu'il s'agissait de "folklore tanzanien", a également plagié la star zimbabwéenne Dorothy Masuka, auteur du titre Pata Pata, prétendant dans son autobiographie que la composition était l'œuvre de sa fille. Mais l'artiste la plus plagiée du continent africain reste sans nul doute Rimitti, la mamie du raï, dont le répertoire a été littéralement "pillé" par la jeune génération des chebs. "Comme je suis illettrée, que je ne parle pas le français, on me lèse ; beaucoup ont gagné des millions sur mon dos. Je suis à chaque fois surprise. Je trouve mes chants sur les cassettes des autres. Si au moins ils étaient reconnaissants, hommes ou femmes ! Ils portent des complets cravates, des bijoux en or grâce aux textes de Rimitti. Mais qui a fait le raï ? Rimitti !"

Par manque de moyens financiers ou par méconnaissance des procédures, les artistes africains sont encore légion à se résigner au plagiat sans réagit, une attitude qui pourrait peut-être changer si les exemples de procès gagnés se multipliaient !