Zebda

Essence ordinaire et concerts pas chers.

Zebda sera probablement l'un des groupes les plus entendus de cette rentrée avec " Je Crois que ça va pas être possible ", le single qui met en musique le comique Dieudonné incarnant successivement un banquier, un videur de boîte et un agent immobilier. Chacun, parfaitement et hypocritement, raciste à l'encontre des étrangers.
Et puis, il y a aussi ce titre surgit de nulle part et qui fit un mini-carton, cet été : " Motivés ". Version groove, mais respectueuse, du Chant des Partisans de Joseph Kessel et Maurice Druon. Les auteurs ? La Tactikollectif, derrière ce concept curieux se cache en fait l'aimable et motivante bande toulousaine des Zebda.

Zebda, fils spirituels de Nougaro et de Matoub Lounès, émigrés kabyles égarés dans la ville rose de Toulouse. Ils s'amusent de nos a priori sur les étrangers, les beurs et tous ceux qui ne répondent pas aux "normes" hexagonales. Plutôt que de répondre à la haine, au racisme ordinaire par la violence, les frères Amokrane (Hakim, le chauve et Mustapha, le rasé, à moins que ce ne soit l'inverse ? ! ?) et Magyd Cherfi excellent dans l'humour et la dérision. Tout le monde se souvient d'un discours du candidat Chirac en 1995 sur le bruit et l'odeur des familles étrangères qui indisposent le " travailleur français ". A l'époque, plutôt que de hurler avec la meute, les Zebda reprenaient et détournaient le fameux discours pour en faire l'un de leur premier tube :  Le Bruit et l'Odeur .
Aujourd'hui, leur troisième album Essence Ordinaire, est de la même veine. Mélange savoureux de rap, de rock et de chaâbi (musique qu'affectionne particulièrement ces enfants de Tizi Ouzou). L'album est un pamphlet plein d'ironie contre la xénophobie et la ségrégation au faciès que subit, comme les précédentes, cette troisième génération d'immigrés. " Quand tu envoies ta copine pour qu'elle te cherche un appart' ou visite un studio à ta place, parce que si tu y vas avec ton teint basané ou ton nom bizarre : on te répond "Laissez-nous votre téléphone Monsieur, on vous rappellera..." ça nous fout les boules" déplore Mustapha.
"Je crois que ça va pas être possible", un refrain que ces joyeux lurons ne se lassent pas d'entendre avec un certain sourire au coin des lèvres. Un sourire qui traduit bien leur calme face à la connerie ambiante et l'hypocrisie quotidienne. De cette fin de non-recevoir, les Zebda on fait un nouveau tube où apparaît un autre " basané " le comique Dieudonné. Plutôt que de laisser parler leur colère, les Zebda préfèrent répondre par la générosité et leur sens du partage. Par exemple, cette idée lumineuse consistant à associer les magasins Tati à leurs concerts. Ainsi, grâce à l'aide des magasins blancs et roses, célèbres du côté de Barbès-Rochechouart et de la rue de Rennes à Paris, les fans de Zebda pourront aller les voir en concert pour la modique somme de 9.90f ! ! !
Après les petites culottes et les robes de mariées pas chères, Fabien Ouaki le patron de Tati (d'une mère hongroise, d'un père tunisien) se lance donc dans le concert bon marché. "On est pour cette idée d'accessibilité aux concerts et à la culture en général." se félicite Magyd. "Ca nous va bien. Ca colle bien à notre identité. Quand les idées sont bonnes, on est content". Leur identité passe aussi par la résistance, le souvenir... D'où cet autre album paru pendant l'été et intitulé " Motivés ". Il s'agit d'un recueil de chants révolutionnaires ou de résistance que la Tactikollectif toulousaine a adapté en raï, en rap ou repris tels quels. On y trouve aussi bien le Bella Ciao chanté par les femmes italiennes des rizières du Pô que la Cucarracha mexicaine de 1917. Zebda s'impose avec ces deux nouveaux opus comme un groupe à la forte personnalité, au discours pertinent servi par une musique séduisante. Un combo dynamique et authentique, Hasta Siempre, pour toujours...

ZEBDA Essence Ordinaire / Barclay
Tactikollectif Motivés / Autoprod