Les mémoires de Barbara

La longue dame brune a quitté le devant de la scène une première fois en 1994 après un ultime concert, puis de façon définitive en novembre 1997, terrassée par la maladie. Avant la fin qu'elle sentait imminente, Barbara voulut une dernière fois se livrer à son public si fidèle. Les éditions Fayard sortent aujourd'hui ces "Mémoires interrompus" intitulés "Il était un piano noir…".

L'ultime histoire.

La longue dame brune a quitté le devant de la scène une première fois en 1994 après un ultime concert, puis de façon définitive en novembre 1997, terrassée par la maladie. Avant la fin qu'elle sentait imminente, Barbara voulut une dernière fois se livrer à son public si fidèle. Les éditions Fayard sortent aujourd'hui ces "Mémoires interrompus" intitulés "Il était un piano noir…".

Celle qui s'adressa au public en chantant "Ma plus belle histoire d'amour c'est vous" se livre ici, pour une dernière confession. Cette femme mystérieuse mena une vie riche en émotions artistiques. Elle raconte ses premiers pas dans les cabarets parisiens, les figures qu'elles y rencontra, ses peurs et ses angoisses avant de rentrer en scène. Elle évoque l'instrument privilégié, compagnon de toujours, le piano : "piano-casserole", piano droit ou à queue, piano accordé à 440 au lieu de 442, piano toujours noir comme ses cheveux, ses yeux et les vêtements qu'elle porte.

Mais la lumière de la scène contraste avec l'ombre de la misère et du désespoir. Ses débuts furent difficiles. Ses errances la menèrent jusqu'en Belgique. Il fallut un certain temps pour qu'elle emprunte la voie qu'elle pensait être la sienne. Solitaire, en marge de sa famille, elle dut lutter avec ses failles intérieures, ses déchirures intimes, évoquées de manière très pudique (elle ne peut ou n'ose écrire le mot inceste) "Un soir à Tarbes, mon univers bascule dans l'horreur et j'ai dix ans et demi." Elle déteste donc ce père qui abandonnera plus tard sa famille. Il ira mourir seul à Nantes sans qu'elle ait le temps de lui pardonner le mal qu'il lui a fait. Quelques années plus tard, la chanteuse lui rendra finalement hommage avec "Nantes", une des plus belles chansons de son répertoire.

Mais elle raconte aussi avec tendresse sa grand-mère Granny, originaire de Moldavie et spécialiste des strudels aux pommes, sa mère qu'elle aima tant, qui eut du mal à lui rendre, son frère aîné Jean à qui l'on donnait tout et pour qui elle eut finalement tant d'estime, son frère cadet Claude et sa jeune sœur Régine. Ce portrait de famille lève en partie le voile sur son enfance et son adolescence. Trimbalée de maisons en appartements, ce fut aussi la fuite d'une petite fille juive pendant la guerre. De ces années peu paisibles, elle écrit : "J'ai gardé de cette époque le goût du voyage, de la clandestinité, du précaire (...) et une certaine tendance à la provocation parfois inspirée par la peur".

Finalement, c'est dans sa demeure si tranquille de Précy en région parisienne, qu'elle s'est éteinte avant d'avoir achevé ses mémoires. "Plus jamais je ne rentrerai en scène, je ne chanterai jamais plus". Mais on l'écoute toujours.

Barbara Il était un piano noir… Editions Fayard 1998