Jacques Higelin

Nouvel album pour le païen chantant, Jacques Higelin. Fidèle à son image de bon apôtre prompt à se mobiliser pour de justes causes (les sans-papiers, les s.d.f.), iconoclaste de la chanson, il nous livre sa version musicale du bonheur terrestre sur ce "Paradis Païen".

Le mécréant chantant.

Nouvel album pour le païen chantant, Jacques Higelin. Fidèle à son image de bon apôtre prompt à se mobiliser pour de justes causes (les sans-papiers, les s.d.f.), iconoclaste de la chanson, il nous livre sa version musicale du bonheur terrestre sur ce "Paradis Païen".

 

 

 

 

 

 

On l'imagine assez bien, trônant au milieu de son paradis païen. Avec à sa droite le fils Arthur et à sa gauche le Saint Esprit Areski Belkacem. Non loin, il y aurait la mère supérieure, tout de noir vêtue, Sainte Brigitte Fontaine. Et, disséminées tout autour, ses ouailles qui se précipiteraient à vêpres, leur hostie argentée entre les doigts. Impatients et fébriles d'écouter la sainte parole sur l'autel de leur platine disque. La messe est donc dite... Saint Jacques Higelin vient de sortir son nouvel album.

Le thème du sermon est classique : amour et nostalgie, encore une fois, mais on ne s'en lasse pas. "Paradis Païen", un album tout en laïcité et ferveur bien tempérés. L'atmosphère est un savant mélange de musique profane et d'airs populaires. Le démon méphistophélique de "Champagne" revient par la grande porte du bonheur terrestre. Celle des rencontres, des échanges, de la fraternité...

Une fraternité dont son prénom même est le synonyme chanté. Frère Jacques a fini d'hiberner en ce début d'automne. Tout frais émoustillé d'un tour du monde qui l'a mené de Cuba au Canada, en passant par le Vietnam, le Cambodge, l'Australie, la Nouvelle-Calédonie ou encore la Nouvelle-Zélande. Higelin a repris sa plume et nous livre ses pieuses écritures.

Après avoir retrouvé ses compagnons de route des années 70 Brigitte Fontaine et Areski Belkacem sur l'album "Genre Humain", Higelin a convié son frère de chant à réaliser et à arranger ces nouvelles chansons. A coeur et à cordes, Higelin aborde les thèmes qui lui sont chers, l'amour indicible "Y a pas de mots", la passion sans borne "Paradis Païen" ou la séparation inévitable "Une Tranche de Vie". On se délecte de l'omniprésence des violons qui, du tzigane "Chambre Sous les Toits" au symphonique "Paradis Païen", laissent vagabonder notre imaginaire sur la voix unique de ce mécréant chantant.

De ses voyages au long cours, Higelin a ramené les tonalités africaines de "Broyer du Noir" où une kora et les choeurs de ses vestales Sally Nyolo (ex-Zap Mama), Sabine Kabomgo et Sylvie Nawasadio font merveille. A peine passé par Yaoundé, voilà que l'on retourne illico du côté de Barbès-Rochechouart et la Bastille. Dans ce coin, on y fredonne désormais une java inattendue de "L'Accordéon Désaccordé" avec au piano à bretelles Daniel Mille, fils spirituel de Richard Galliano. Il accompagne Higelin dans une ode à la capitale avec cette lancinante douleur des vieux quartiers qui ne pèsent pas bien lourd face à l'insatiable appétit des promoteurs immobiliers. Autant prêcher dans le désert ou dans le trou des Halles...

Nostalgie et amour, du haut de sa chaire, le père Higelin décrit aujourd'hui des heures sombres mais prédit pour demain le bonheur sur cette terre de misère, aux hommes de bonne volonté. Et nous avec l'innocence du premier communiant, on croit à ses chansons dur comme fer.

Jacques Higelin Paradis Païen (Tôt ou Tard / Warner) 1998