Raï is beautiful

Le 26 septembre au Palais Omnisports de Bercy, Khaled, Faudel et Rachid Taha donneront un grand concert en commun, intitulé pour l'occasion "Un deux trois Soleil". D'ores et déjà complet, ce concert est un événement exceptionnel. Les quelques 14.000 spectateurs auront la chance d'applaudir les trois raïmen accompagnés d'une cinquantaine de musiciens, mis en scène et en musique par Steve Hillage, producteur et arrangeur anglais de renom.
Retour ici sur la montée en puissance du raï depuis une dizaine d'années et sur son entrée sur la scène musicale internationale.

Taha, Faudel et Khaled en concert.

Le 26 septembre au Palais Omnisports de Bercy, Khaled, Faudel et Rachid Taha donneront un grand concert en commun, intitulé pour l'occasion "Un deux trois Soleil". D'ores et déjà complet, ce concert est un événement exceptionnel. Les quelques 14.000 spectateurs auront la chance d'applaudir les trois raïmen accompagnés d'une cinquantaine de musiciens, mis en scène et en musique par Steve Hillage, producteur et arrangeur anglais de renom.
Retour ici sur la montée en puissance du raï depuis une dizaine d'années et sur son entrée sur la scène musicale internationale.

Les racines

Il faut remonter aux origines du raï pour comprendre l'itinéraire international de ce courant musical. Né dans l'ouest algérien à Oran plus précisément, ce fut au départ une musique rurale et traditionnelle. Aux alentours des années 30/40, des femmes plus ou moins marginales la firent évoluer vers un genre plus populaire, qu'elles chantaient dans les cabarets ou dans les rues. Les années 60 virent une radicalisation des textes dans lesquels venaient se bousculer les thèmes tabous du sexe, de l'alcool, et de la fête. Une décennie plus tard, une nouvelle génération de chanteurs de raï débarquait sur la scène algérienne et avec elle, une évolution technologique importante : d'un côté l'introduction d'instruments électriques ou électroniques, guitares ou synthés, de l'autre la mise sur le marché des cassettes audio qui simplifiaient l'écoute musicale.

A l'aube des années 80, le raï est l'expression évidente de la rébellion d'une certaine jeunesse algérienne qui refuse l'immobilisme de la société de leurs pères. Les cheb et cheba (jeunes) chantent leur appétit de vivre dans une langue peu conventionnelle et font revivre d'une certaine façon et à leur manière, l'esprit du rock américain, entre provocation et anticonformisme. Devant l'ampleur du mouvement, est organisé en 85 le premier festival raï de l'histoire, dans sa ville d'origine, Oran. Le passage vers l'autre rive de la Méditerranée va se faire vraiment l'année suivante, du 23 au 26 janvier avec l'organisation près de Paris, à Bobigny exactement, du premier festival de raï en France, événement dû entre autres à Martin Meissonnier, producteur français et grand découvreur de talents. Les Cheb Sahraoui et Chaba Fadela, les Cheb Mami ou Raïna Raï ainsi qu'évidemment l'incontournable Cheb Khaled figurent donc parmi les pionniers du genre sur la terre de Molière.

"Didi" explose

La communauté maghrébine en France fut la première à venir écouter cette nouvelle génération, fraîchement débarquée. Cheb Khaled, déjà star dans son pays est le premier artiste à faire un disque de raï en dehors de l'Algérie. En 88, Martin Meissonnier, encore lui, permet au cheb d'enregistrer "Kutché", avec un autre musicien algérien Safy Boutella. Les moyens investis sont nettement plus importants. Premier succès d'estime pour un genre nouveau en France. Le vrai déclic va avoir lieu avec "Didi" du même Cheb Khaled en 1992.
Ce titre est extrait de l'album "Khaled", pris en main par de grands producteurs anglo-saxons, Michael Brook à Bruxelles et Don Was à Los Angeles. "Didi" est alors le premier titre en arabe qui entre dans le hit-parade français Top 50, puis caracole en tête des hit-parades européens, israéliens, égyptiens ou saoudiens. On compte aussi une version en hindi qui marche très bien du côté de Bombay ! A ce stade on peut parler de véritable phénomène ! Un million d'exemplaires vendus.

Khaledmania

La musique arabe prend des ailes et s'envole vers les cieux étoilés du show-biz international. Le cinéma n'est pas insensible à ce décollage. C'est ainsi que des réalisateurs comme le Français Bertrand Tavernier dans "Un Deux Trois Soleil" ou l'Italien Nanni Moretti dans "Journal intime" font appel à Khaled pour leur bande son. Celui-ci est maintenant la star incontestée du genre.

Mais comme chaque fois qu'un mouvement prend de l'ampleur, certains pensent qu'il a tendance à se dénaturer. Ils n'ont peut-être pas tout à fait tort. En 96, Jean-Jacques Goldman auteur et compositeur omniprésent dans l'Hexagone lui propose "Aïcha", en français. On est loin des racines du raï mais le titre rencontre un immense succès. Le raï s'est fait une place au soleil. Khaled fait maintenant partie intégrante du paysage musical français. A tel point qu'en dehors des frontières françaises, l'amalgame est fréquent. Dans une interview donnée à l'hebdo français, le Nouvel Observateur (4/12/97), le chanteur déclare "Maintenant je suis classé en variétés françaises. J'ai représenté la France pour le 14 juillet 1992 à New York, à Central Park avec Mory Kante et les Gipsy Kings.(…) Pourtant je ne suis pas français, je suis algérien. Mais aux Etats-Unis, en Inde, au Japon, en Finlande, tous les speakers me présentent sur scène comme un chanteur français".

Et les autres alors ??

S'il ne fait pas les mêmes scores que le king Khaled, Cheb Mami porte néanmoins le titre de dauphin. Lui aussi, son parcours commence en Algérie. Lui aussi a signé dans une multinationale du disque (Virgin). Il rêve de faire connaître le raï partout dans le monde. En 94, il enregistre avec une rappeuse américaine Baby Girl, le titre "Mama". Cette incursion du rap dans le raï de Mami préfigure de ce que seront les albums du genre produits à l'extérieur de l'Algérie, histoire de toucher un public encore plus grand en mélangeant à la musique arabe des genres ou rythmes occidentaux que le jeune public apprécie.
C'est ce que fait aussi Rachid Taha, ancien leader de Carte de séjour et adepte des expériences musicales : on se souvient en 86, d'une version arabisante de "Douce France" de Charles Trenet qui fit grand bruit. En 93, deux albums solos plus loin, le titre "Voilà voilà" dans sa version remixée, mi-oriental mi-dance, fait vibrer les clubs londoniens. Il entre dans les hit-parades spécialisés de la capitale anglaise. On parle d'ethno-techno.

Mais le renouveau du raï passe maintenant par les générations suivantes. Faudel, 20 ans tout juste a bien l'intention de rivaliser avec ses aînés. Là aussi les puristes du raï sont sceptiques. Le jeune homme est né au Val-Fourré en banlieue parisienne et non à Oran. On lui reproche aussi de ne pas parler l'arabe correctement. Bref certains ne veulent pas d'un raï made in France. Or, Faudel avec "Tellement n'brick" a séduit le plus grand nombre, des grands-mères aux midinettes, au-delà même de la communauté maghrébine. Son côté bien-sous-tout-rapport rassure. C'est sans aucun doute une façon de parvenir à infiltrer le show-biz hexagonal et international à l'image d'un Tarkan, star incontestée en Turquie, qui lui aussi, propose une version occidentalisée de sa musique.

On est bien loin du raï-rebelle et des premiers festivals. Aujourd'hui, c'est en tête d'affiche que se produisent les vedettes du raï.