Reinette l'Oranaise

Sultana Daoud, alias Reinette l'Oranaise, est morte mardi aux Lilas, près de Paris. La chanteuse qui avait publié son dernier album "Mémoires" en 1994, se produisait régulièrement sur scène. L'engouement pour le raï et l'avènement de nouveaux chanteurs algériens avaient relancé la carrière de cette artiste auprès d'un public féru de "world music".

Disparition de la diva de la chanson judéo-arabe.

Sultana Daoud, alias Reinette l'Oranaise, est morte mardi aux Lilas, près de Paris. La chanteuse qui avait publié son dernier album "Mémoires" en 1994, se produisait régulièrement sur scène. L'engouement pour le raï et l'avènement de nouveaux chanteurs algériens avaient relancé la carrière de cette artiste auprès d'un public féru de "world music".

Très coquette sur son âge ("Qu'est-ce que ça peut faire?", avait-elle coutume de rétorquer aux indiscrets), Reinette l'Oranaise avait au moins 80 ans.
Aveugle depuis l'âge de deux ans, elle était originaire de Tiaret, dans l'Ouest algérien. En raison de sa cécité, sa mère lui avait fait apprendre la musique. L'oud (le luth) était son instrument de prédilection. Elle sera une des premières femmes à être une musicienne professionnelle, jusqu'alors apanage exclusif des hommes.

Une des premières chanteuses algériennes

Reinette l'Oranaise fait son apprentissage musical sous la houlette de Saoud Medioni, l'un des chanteurs de musique arabo-andalouse les plus cotés de l'entre-deux-guerres. Sous l'égide de Saoud, Reinette apprend les chants de la tradition classique arabo-andalouse (le diwan). Elle gagne d'abord sa vie en chantant le "chaabi", chant populaire, dans les fêtes et les mariages. Juive, elle s'impose auprès d'un public de musulmans: elle a en effet appris l'arabe littéraire. Elle collecte les poèmes issus de la tradition arabo-andalouse et les restitue avec une diction parfaite qui lui vaut le respect des spectateurs musulmans les plus sourcilleux. A la mort de Saoud en déportation, Reinette part à Alger, où elle suit l'enseignement de Mohamed Belhocine, un des maîtres de l'école algéroise. C'est au début des années 50, en particulier grâce à des apparitions régulières à Radio Alger, qu'elle est enfin reconnue. Mais en 1962, elle est contrainte à l'exil et s'installe en France où elle continue à se produire dans des fêtes et des mariages, mais se fait plus rare.

Deuxième carrière

Sa carrière connaît un regain d'activité au début des années 80, grâce à l'intérêt des jeunes générations pour la "world music". Reinette trouve un nouveau public, composé de jeunes curieux ou branchés. "Je me demande ce qu'ils comprennent à tout cela", ironisait cette femme de tête connue pour son franc-parler.

A partir du milieu des années 80, Reinette enregistre à nouveau : "Reinette l'Oranaise" en 1988 pour Sonodisc, "Les trésors de la chanson judéo-arabe" pour Mélodie en 1991, "Mémoires" en 1994 chez Blue Silver, qui sera couronné par un Grand Prix de l'Académie Charles Cros. En janvier 98, elle avait participé à Paris aux Nuits du Ramadan. Affaiblie par des problèmes de santé, elle avait dû alléger ses activités, dans la perspective de faire ses adieux à l'Olympia courant 99.

Avec Reinette se tourne une page de la culture algérienne et de sa reconnaissance en France.