LES DÉLITS DE BUZY
On se souvient de l'adolescente rebelle de "Dyslexique", "Adrian" ou "Body Physical". Après cinq ans d'absence discographique (hormis une compilation, en 95, chez Arcade) Buzy revient aujourd'hui sur le devant de la scène, avec "Délits", sorti le 6 novembre dernier chez Musidisc. Un album sombre et ravageur mais résolument optimiste. Décryptage avec son auteur.
Entretien
On se souvient de l'adolescente rebelle de "Dyslexique", "Adrian" ou "Body Physical". Après cinq ans d'absence discographique (hormis une compilation, en 95, chez Arcade) Buzy revient aujourd'hui sur le devant de la scène, avec "Délits", sorti le 6 novembre dernier chez Musidisc. Un album sombre et ravageur mais résolument optimiste. Décryptage avec son auteur.
RFI Musique : Avec "Délits", vous sortez votre sixième album studio, à tonalité plutôt rock ?
Buzy : Absolument. Encore et toujours plus rock. Mes derniers albums l'étaient un peu moins. Aujourd'hui, je reviens donc à mes tous débuts, à ma culture, qui reste résolument rock. C'est cette musique là que j'ai toujours écouté, et pas une autre. Celle du Velvet Underground, de Bowie, de Lou Reed, et de toute cette mouvance. Celle aussi que j'écoute actuellement, les Eels ou bien l'Anglaise P.J. Harvey, dont je suis extrêmement fan.
Vous évoquez des artistes anglo-saxons, et pourtant, vous ne chantez pas en anglais...
C'est un parti pris. Je suis avant tout un auteur et j'aime le français. C'est ma langue, j'y tiens. Je n'ai aucune envie de réécrire mes textes en anglais, car ils perdraient leur essence au niveau de la compréhension. Alors, je m'efforce de faire en sorte que les mots en français sonnent bien, et qu'ils gardent leur poésie. D'ailleurs, je travaille actuellement sur l'export, vers le Canada, la Suisse, la Belgique...
L'écriture vous vient-elle facilement, naturellement ?
J'écris d'un jet. En général, ça me prend dans la voiture... Je me presse donc comme une folle pour ne pas perdre l'idée, je me jette sur un papier, et j'écris. Je le fais de façon automatique, sans me demander si c'est bien ou pas bien. Puis je vais me coucher. Le lendemain, je reprends le texte... Et voilà.
Vous semblez avoir eu une inspiration un peu sombre pour ce nouvel album...
C'est vrai, il est sombre... mais je me vois mal écrire des chansons drôles. C'est ma nature, et puis ça colle parfaitement avec la musique que j'aime. Ce n'est pas de la pop légère. Au fond, je n'en ai jamais fait, sauf pour "Dyslexique", qui était un gag, un clin d'œil à ma propre dyslexie. Le reste de mes thèmes est plutôt poétique, assez esthétisant.
Est-ce ce souci de l'esthétique qui vous attire vers l'Asie ?
Oui, j'ai une passion pour l'Asie. J'y ai vécu dans plusieurs pays, en Thaïlande, en Corée, au Vietnam ou à Bali. J'aime la simplicité de la vie là-bas, vivre avec peu de vêtements sur moi, la nourriture, la luminosité... et puis j'ai une petite tendance mystique (je dis bien petite) qui est apaisée lorsque je m'y trouve.
Lorsqu'on écoute "Délits", on a le sentiment d'entendre une grosse formation derrière vous.
Et pourtant, c'est la magie d'un seul homme ! Dimitri Tikovoï qui, exceptionnellement, joue de tous les instruments... Enfin presque. C'est un français d'origine russe avec un énorme talent. Un vrai petit génie. Il a notamment travaillé avec le chanteur de Cock Robin (Peter Kingsberry - Ndlr). Pour le reste, je suis accompagnée par Vic Emerson aux cordes et Le Baron aux guitares.
Le Baron, compositeur de Jad Wio et qui seconde Jean-Louis Aubert sur scène, sorte de Keith Richards à la française ?
Toujours les comparaisons...Moi, j'ai toujours été fascinée par sa manière très particulière de jouer. Je l'ai contacté et je suis allé le retrouver chez lui, dans un bled, à 150 km de New York, qui s'appelle Kingston. Ensemble, nous avons essentiellement travaillé sur des compositions.
Besoin d'agrandir le cercle ?
Oui. J'avais composé 25 titres pour cet album, mais je n'étais pas contente de tout. Le Baron a signé trois autres chansons, "Up and Down", "L'an 2000" et "Terre étrangère". Nous avons le même âge, la même culture musicale, les mêmes références. Nous n'avons pas besoin de nous parler longtemps pour nous comprendre. Nous sommes de la même famille. Celle du rock.
Vous avez vous-même produit ce disque et créé un label, "Adrian", pour pouvoir le distribuer. Pourquoi ?
J'ai quitté ma maison de disques, Tréma, car je ne voulais plus me contenter de singles. J'avais beau leur présenter de quoi faire deux albums, ils estimaient qu'il n'y avait toujours pas de single potentiel. Mais tout cela en fonction de quels goûts musicaux ? Ceux des directeurs artistiques ? Il n'existe aucune commission d'écoute, aucune réflexion concertée. Ce système là, très peu pour moi. Je n'écris pas pour des D.A. Au bout d'un an, j'ai donc fini par claquer la porte. Et décidé de me produire moi-même. C'est un vrai parcours du combattant mais somme toute très excitant. J'éprouve vraiment le besoin de maîtriser ma vie. Et ce disque, je l'ai fait à l'arraché et j'en suis extrêmement fière.
Vous espérez aussi séduire le reste de l'espace francophone ?
J'espère bien. Pour cela, il faut ajuster la distribution. Musidisc ne s'occupe que de la France. Or, je me suis aperçue par exemple que mes disques avaient été très mal distribués au Canada. J'y suis donc allée et j'ai rencontré des distributeurs qui avaient l'air très ouverts. Normalement, le disque sort en janvier au Québec. J'irai certainement y vivre un petit peu. Tant mieux. J'adore les grands espaces.
Pascale Hamon
Buzy Délits (Musidisc) 1998