Nouvelles québécoises
Marie Carmen, Isabelle Boulay et le groupe Lili Fatale ne sont pas à proprement parler des petits nouveaux de la chanson québécoise mais ils font partie de ceux qui plaisent, qui marchent et qui vendent. Penchons-nous un peu sur leur cas.
Trois petits noms dans le vent
Marie Carmen, Isabelle Boulay et le groupe Lili Fatale ne sont pas à proprement parler des petits nouveaux de la chanson québécoise mais ils font partie de ceux qui plaisent, qui marchent et qui vendent. Penchons-nous un peu sur leur cas.
ISABELLE BOULAY, LA BELLE S'EN VA CHANTER (photo)
Elle ne voulait pas être chanteuse et il lui a fallu du temps avant de se décider à faire ce métier. C'est un peu pour ça qu'en 1992, elle participe au concours de la chanson de Gramby pour que les gens décident à sa place. Belle façon de commencer une carrière quand on à le public du plus prestigieux concours aux pays derrière soi.
De fil en aiguille, et de succès en opportunités, il y eut Starmania, puis l'album de la télé-série Alys Roby en hommage à la première star planétaire du Québec et dont le fameux Tico Tico reste un must. Enfin, est sorti un premier album solo qui en dépit de ventes plus qu'honorables (33.000 exemplaires), avait été passablement et injustement écorché par la critique il y a deux ans. Chose certaine, son nouvel album, "Etats d'amour" ne peut pas se heurter à de telles déconvenues.
Avec seize chansons, qui sont autant d'histoires d'amour, Isabelle Boulay semble bien déterminée à rester dans le paysage musical et cela, même si elle caresse toujours le rêve d'ouvrir une petite librairie-café. Pour son nouveau bébé, Isabelle Boulay s'est entourée d'une nouvelle équipe québéco-américano-italo-française (!) très efficace. Elle chante à présent du Plamondon/Cocciante, duo gagnat de Notre-Dame de paris et auteurs du superbe Je t'oublierai, je t'oublierai. Le Cajun Zachary Richard n'a pas résisté à lui composer l'une des plus toune de l'album, le Banc des délaissés et la chanteuse française du moment, Zazie signe trois pièces.
A lui seul Etats d'amour vous montrera aussi ce que les gens d'ici sont capables de faire. On y retrouve la collaboration d'auteurs(res)-compositeurs(res)-interprètes parmi les plus fameux comme France D'Amour ou encore Mario Peluso, la toute dernière découverte. Le disque, produit par les Français Gérard Bikialo et Olivier Bloch-Lainé, a été enregistré à Paris, ville ou Isabelle a passé près de dix mois en 97, pour cause de Starmania. Ce qui explique la grosse participation de musiciens français, parmi lesquels on retrouve Jean-Louis Rocques, l'accordéoniste de Renaud. La belle rousse ne se cache plus derrière les personnages d'Alys Roby ou de Marie-Jeanne, elle se montre telle qu'elle est et s'engage à fond dans l'un des meilleurs albums disponibles chez les disquaires en ce moment. L'album est sorti en France le 8 novembre dernier.
LILI FATALE, LA GRANDE AVENTURE
Il y a encore trois semaines, le 1er novembre 98, Lili Fatale recevait la fameuse statuette de Révélation de l'année au dernier gala de l'ADISQ, une récompense inespérée pour ce nouveau porte-drapeau de la pop underground québécoise.
Dès la sortie de l'album éponyme en septembre 1997, les critiques annonçaient la naissance d'un groupe à surveiller. Mais la pression fut tellement soudaine pour les trois membres du groupe que deux mois après, au lendemain de la remise du Lion d'Or (Prix qui récompense les jeunes courants musicaux, ndlr), les critiques ont fait marche arrière. L'histoire aurait pu s'arrêter là mais Lili Fatale a grandi et évolué. De petit groupe de studio, le trio est devenu un monstre de scène. En 1998 ils ont foulé les planches d'une soixantaine de salles et festivals au Québec et au Canada, sans compter une tournée européenne.
L'aventure ne fait que commencer. Avec le Félix, Lili Fatale vient tout juste d'obtenir la reconnaissance d'une industrie qui s'ouvre de plus en plus aux nouvelles tendances. Quant à la France, elle est séduite par le trio. Comme d'autres avant eux, Lili Fatale débarque sur le Vieux Continent une première fois pour une émission de télévision et se retrouvent les invités de Céline Dion devant plus de dix millions de téléspectateurs. Arrive ensuite l'édition 98 du Festival du Printemps de Bourges ainsi que celle des Francofolies de La Rochelle. Tout s'enchaîne rapidement, à tel point que l'on parle déjà d'un deuxième album. Certains titres sont déjà prêts.
Le mélange du techno et du rock, influencé par les grands frères de Cure et de Joy Division, reste l'élément essentiel des chansons du groupe. Le CD Lili Fatale (Sony), sorti en France en juin dernier, démontre les transformations qui sont en train de se faire dans cette Amérique du Nord francophone, et où, il ne faut pas en douter, des noms comme Richard Binette, Uranian Valcenau ou Nathalie Courchesne savent étonner par la fraîcheur de leurs compositions et par leur son énergique et bien marqué.
MARIE CARMEN, LA PENSEUSE DE RODIN
Marie Carmen est le porte-étendard de la musique populaire d'ici et, avec son quatrième album, l'Autre, elle enfonce le clou. La France avait commencé à lui compter fleurette après la reprise de l'Aigle noir de Barbara, la première partie de Michel Sardou à l'Olympia, puis avec le rôle ingrat de la rockeuse Sadia dans la comédie musicale Starmania. Mais Miss introspection a craqué en milieu de contrat et a mis la pédale douce pendant deux ans. Un contrat résilié, Paris qui s'éloigne dans le hublot, un épuisement physique qui couvait depuis longtemps, une rupture sentimentale, une autre professionnelle et ce fut le crash. Violent et ravageur.
De cette grande tourmente, Marie Carmen nous revient avec un album intéressant et dans lequel sa voix semble plus que jamais mise en relief. Les mélodies accrochent l'oreille et comme la tactique du précédent album s'était avéré fructueuse, les stratèges des maisons de disques ont misé sur une autre reprise pour lancer l'album. Et ça marche ! La chanson du Français Jean-Paul Dréau J'veux de la tendresse, jadis rendue célèbre par Elton John, est diffusée en boucle sur toutes les radios et donne aux ventes de l'album un sacré coup de pouce. Toutefois, hormis cette excellente reprise, l'album n'apporte rien de bien original. Certains diront qu'il est interchangeable avec ses trois disques précédents. En ce qui me concerne, l'Autre sans être révolutionnaire, est un album extrêmement agréable à écouter, en partie parce que Marie semble avoir un peu laissé derrière elle son côté "penseuse perpétuelle" qu'elle traînait lors de chaque entrevue rendant ces dernières particulièrement insupportables.
A découvrir, une autre reprise plus inattendue, celle de One de U2 et la chanson "Plus d'ici" écrite par l'auteure française Martine Clémenceau. Moins de "Qui suis-je ? Où vais-je ?" font de l'Autre un album solide qui à tous les atouts pour devenir un succès qui nous donnera peut-être enfin le goût de l'écouter aussi parler ? Gardons nos "bibittes" (problèmes, ndlr) pour nous, c'est la morale de cette histoire.
Pascal Evans (correspondant au Québec)