Juliette

La chanteuse et pianiste Juliette, digne héritière de la chanson réaliste (mais pas seulement) sort son cinquième album "Assassins sans couteaux". Musicienne avant tout, Juliette revendique haut et fort la maternité de ce nouvel opus, dont elle co-signe les textes et les arrangements. Véritable boîte de Pandore pour auteurs talentueux, la Juliette toute en gouaille et en formes, posera les notes de ses nouvelles chansons à l'Olympia du 9 au 14 février prochain. Un spectacle à la hauteur de son exubérance "Cinq mecs et une nana, c'est mon côté femelle dominante", avant de rouler ses bosses sur les scènes de France. Rencontre haute en couleur et en bavardage avec Juliette.

La rondeur du verbe

La chanteuse et pianiste Juliette, digne héritière de la chanson réaliste (mais pas seulement) sort son cinquième album "Assassins sans couteaux". Musicienne avant tout, Juliette revendique haut et fort la maternité de ce nouvel opus, dont elle co-signe les textes et les arrangements. Véritable boîte de Pandore pour auteurs talentueux, la Juliette toute en gouaille et en formes, posera les notes de ses nouvelles chansons à l'Olympia du 9 au 14 février prochain. Un spectacle à la hauteur de son exubérance "Cinq mecs et une nana, c'est mon côté femelle dominante", avant de rouler ses bosses sur les scènes de France. Rencontre haute en couleur et en bavardage avec Juliette.

RFI Musique : Votre quatrième album "Assassins sans couteaux" semble être plus à votre image que le précédent ?
Juliette : Je n'avais pas envie de m'enfermer dans un genre. "Assassins sans couteaux" est un album qui déconne plus que le précédent. Plus proche de moi. En grandissant, en évoluant dans mes goûts personnels littéraires ou musicaux, j'ai envie de m'éloigner de ces préoccupations assez égotistes, post-romantiques comme le beau, la laideur, l'apparence. Mon précédent album avait un côté pesant, même si pour s'imposer parfois, c'est bien. Auparavant, j'étais cataloguée comme chanteuse rigolote... après "Rimes féminines" on n'a plus rigolé du tout. Je veux aussi aller vers d'autres publics.

C'est dans cette démarche que vous avez choisi vos nouveaux auteurs ?
C'est vrai que pour ce nouvel album, au niveau des textes, j'ai volontairement été chercher dans une autre direction.
D'abord avec un auteur comme Bernard Joyet, (l'un des lurrons chantant de Joyet et Roll Mops), qui est un vieil ami à moi, et dont j'apprécie le sens de l'humour. Ensuite avec Franck Giroud qui, lui, est un jeune auteur de bande dessinée, venu me proposer des textes, à la fin d'un de mes concerts. Avec Franck notamment, nous avons beaucoup travaillé à la réécriture des textes car il n'est pas musicien. Et comme j'écris la musique et que je chante, je sais ce que je veux.

Vous mettez donc, pour le moment, votre collaboration avec le parolier Pierre Philippe, entre parenthèses ?
Oui, j'ai horreur de refaire deux fois la même chose. Ou l'on a la grâce et on fait un truc génial, soit on refait la même chose et on ronronne. C'est un choix délibéré, et d'un commun accord, de ne plus travailler avec Pierre Philippe. Moi je me sens interprète, donc je ne vais pas refaire mon précédent album "Rimes féminines", qui est l'univers de quelqu'un d'autre. On s'est seulement mis en vacances l'un de l'autre.

Musicalement, vous aviez d'autres envies, certains titres tendent vers un coté plus blues ?
Certains des thèmes qui sont traités, surtout deux peuvent le faire penser. Sur "Lucy" par exemple, qui a un style comme ça jungle des années 50, parce que lorsque j'ai vu pour la première fois le texte de Bernard Joyet, j'ai tout de suite pensé à la musique de Walt Disney. Je fonctionne beaucoup par image cinématographique. Non, tout n'est pas blues, sur "C'est l'hiver" quelques notes de guitare portugaise et un rythme un peu bossa comme ça, en contrepied. J'attends le texte et après je travaille. Même si je sais que ça arrangerait les auteurs, ils pourraient écrire les textes directement sur la musique mais ce n'est pas le cas.

La rumeur disait que vous aviez demandé à Amélie Nothomb, l'écrivain, entre autres de "L'hygiène de l'assassin" de vous écrire des textes ?
Je lui ai effectivement demandé. D'abord Amélie Nothomb possède un côté allumé et un humour dévastateur et surtout, il y a dans ses bouquins, des préoccupations extrêmement proches de la littérature décadente de la fin du 19ème siècle, sur la beauté, l'ambiguïté des sentiments un peu troubles, qui étaient source d'inspiration pour Pierre Philippe et moi même, qui avions des soucis sur la beauté, la laideur, l'apparence. Et dont on a fait des chansons. Mais elle a refusé, s'en sentant incapable, j'ai eu beau lui donner le truc...

L'une de vos chansons "J'me tâche" fait penser à l'orchestration de "j'suis snob" de Boris Vian... Oui, c'est une parenté évidente avec Boris Vian et le jazz des années 50. Dans la droite ligne du "Blouse du dentiste" de Henri Cording (ndrl. pseudo d'Henri Salvador). J'ai demandé à Francois Raubert, qui signe la direction musicale de l'album, de faire un arrangement jazz années 50 à la Count Basie. Sauf que dans ma chanson, "Lanvin" rime avec "Carte des vins"...

Vous vous tâchez vraiment en mangeant ?
Mais c'est complètement autobiographique ! C'est une commande à Bernard Joyet. Cette chanson a une vraie histoire et je remercie Alexandre Tharaud, un grand pianiste classique, de m'en avoir soufflé l'idée. Je dinais donc avec lui un soir et comme d'habitude je m'en suis foutue partout sur mon tee-shirt... Donc je râle, je me confonds en excuses et lui me suggère d'en faire une chanson plutôt que de me plaindre. C'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde.

Sur "Francisco Alegre", vous chantez en espagnol ?
Un pur plaisir, j'apprends à chanter, je fais des progrès vocalement, et chanter dans une autre langue, ca veut dire utiliser sa voix autrement. Lors d'une soirée j'ai invité un guitariste flamenco, Salvador Paterna, à jouer avec moi. Et par déconnage, j'ai interprété la seule chanson en espagnol que je connaisse en entier, un paso doble torero qui s'appelle Francisco Alegre, une chanson des années 50, normalement chantée avec des gros orchestres. La chanson, le texte a pris un autre sens. C'est un pur plaisir, pur plaisir de la musique.

Vous vous sentez davantage musicienne ?
Si je pouvais ne faire que ça, je serai ravie. J'ai toujours dit que la chanson ça m'emmerdait (!), bon j'exagère, mais j'exagère toujours. Je ferais bien des disques symphoniques. La chanson n'est pas le mode d'expression musical que je préfère. Si la place de Jean-Michel Jarre était à prendre, je la prendrais ! Si je m'ennuie, j'arrête, pour ça je suis assez proche des paroles de Brel qui disent "le jour ou l'on triche, il faut arrêter". Ce n'est un mystère pour personne, ceux que j'aime et que j'ai écouté, ce sont Brel, Brassens, Barbara et Piaf. Hormis ça, je suis comme tout le monde, j'aime aussi les tubes de l'été !

Avec le projet d'un spectacle de reprises ?
A la fin de l'année prochaine. Un spectacle de chansons composé de reprises. Je suis en train de faire ma liste. Tout le monde m'attend sur la chanson réaliste, évidemment y'en aura une, mais pas cinquante ! Allez je vous donne des noms : Julien Clerc, Alain Souchon, Nougaro, Gotainer, Gainsbourg et Nilda Fernandez dont j'adore la chanson "Madrid, Madrid". C'est pas les années 40 tout ça ! Et puis Boby Lapointe, qui reste dans mes préférés.

Ca veut dire que la référence aux chanteurs populaires, c'était juste un malentendu ou l'on passe à autre chose ?
Pas du tout, vous l'avez dit la référence aux chanteurs populaires ! Mais pas dans le passéisme borné, c'est évident que je chanterai Damia ou Piaf et bien sûr on m'attend au tournant "elle va faire un revival des années 30". Non y'aura pas que ça. Et puisque je voudrais chanter en espagnol, je pense aussi au tango, pas forcément celui de Carlos Gardel d'ailleurs. Mais j'ai déjà chanté le tango avec "L'amour en pointillé" et "Berceuse pour Carlitos", une pure merveille, toutes deux écrites par Pierre Philippe. Deux chansons sublissimes, trés épurées.

Sur scène, vous adoptez une attitude comique ?
Je serais plus proche du déconnage. Je suis assez d'accord pour être drôle mais la déconnade me va mieux. Il y a de la vraie matière derrière. Comique, c'est Lagaffe. Je suis toujours d'accord à 99 % avec ce que je fais. Je ne me fais pas de mal. Et comme je le vis bien, peut être qu'en face cela se sent. En d'autres termes, je ne suis pas une torturée.

Vous avez la conscience d'être un peu à part dans le milieu de la chanson, depuis vos débuts en 1985 ?
Ca peut paraître prétentieux si je dis ça mais il ne faut pas seulement qu'une belle voix, qu'une belle chanson et qu'une belle musique. Mais moi l'avantage c'est que j'ai tout (rires). Objectivement, j'ai aussi la chance d'être bien entourée et d'avoir un instinct de survie assez intense. C'est ce que j'assimile à de la patience. D'une part je ne suis pas pressée, d'autre part je sais m'asseoir sur mon orgueil. J'ai toujours dit que mon heure viendrait. J'aime énormément mon métier et tant que j'ai droit de le faire, que ce soit à l'Olympia ou au cabaret de Trifouillis les Oies. A partir de là, c'est cadeau. Après on ne sait pas ce qui peut arriver mais je suis blindée. Ce ne sont que quelques chansons...

Juliette Assassins sans couteaux  (Le Rideau Bouge/Scalen) 1998