Youssou N'Dour

Le pouvoir de la culture

Le week-end dernier se tenait à la gigantesque Foire Expo de Dakar la toute première édition du Festival DK/24, soit 24H à Dakar, pour baptiser cet événement musical marathon de deux nuits allumées aux rythmes éclectiques de la musique sénégalaise.

Car parallèlement à cet événement, Youssou fait feu de tous bois avec "Finally ! " son album international attendu depuis quatre ans et enfin annoncé début 99, Xippi le studio high-tech édifié à la périphérie de Dakar, Jololi son nouveau label-tremplin distribué à l' international par Delabel/Virgin pour propulser les nouveaux sons du Sénégal et même une station de radio, "Radio 7", pour propager toute la richesse de cette musique. Et au nom de l'indépendance artistique Youssou s'est même offert une usine/ studio de recopies K7 pour la diffuser ici en toute liberté.

Car du traditionnel mbalax au rap énervé, cette scène neuve foisonne de vigueur et d'imagination.
A la Foire Expo le "look" du public jeune, majoritairement hip-hop: pantalons larges, T Shirts de stylistes américains et baskets géantes est assez éloquent tandis que les 4 rappers de WA BMG 44 scandent sur la petite scène leurs rimes wolof avec la hargne et la conviction d'un Wu Tang Clan. L'un d'eux et malgré les 25°C porte même un masque de ski qui lui couvre le visage comme pour l'aider à mieux asséner son rap musclé.

Sur la seconde scène, Babacar Faye, le fidèle percu de Youssou depuis leur adolescence, et toute première sortie de son label, attaque son set en rythmes aussi syncopés qu'ensoleillés. Parfaite et chaleureuse fusion entre ses racines ancestrales, la world-music et le trip-hop technoïde, Babacar et sa voix haut perchée projettent un futur neuf pour cette culture africaine. Son tout premier album "Sing Sing" d'un afro-beat aussi frais qu'invincible sera la première sortie sur Jololi en Fèvrier 99.

Trois jeunes rappers de vingt ans, les Bidew Bou Bes, succédent à Babacar. Leur sublimes harmonies à la Boyz II Men entonnées en wolof alliées à la force du rap et à leur énergie africaine font ici des étincelles. Après les Positive Black Soul et Daara J, ces gamins incarnent incontestablement l'espoir de cette scène bouillonnante de Dakar. Jololi publiera d'ailleurs au printemps prochain sa compilation des nouveaux rappers de Dakar où l'on retrouvera naturellement une composition de nos Bidew Bou Bes.

Il est près de trois heures du matin lorsque Youssou parait enfin sur scène. Travailleur acharné, cette super-étoile de Dakar propage sans relâche ses vibrations positives. Deux jours auparavant, il clôturait à Paris la tournée Amnesty International avec Peter Gabriel et Bruce Springsteen et depuis son retour au pays c'est déjà son troisième concert. Vêtu de blanc, il descend d'une montgolfière et fait vibrer sa voix haute qui électrise ce public qui connaît toutes ses chansons par cœur.
Car si nous autres "toubabs" devons attendre environ quatre ans pour un nouvel album, le chanteur publie ici chaque année juste avant le Ramadan une K7 de chansons inédites et de remixes.

Sur ces planches qu'il incendie, Youssou déploie l'énergie d'une centrale atomique, dansant sans cesse et jouant avec son public comme une star du foot avec son ballon. La foule se presse sur les barrières de sécurité tandis que le service d'ordre manque d'être dépassé.

La popularité de Youssou N'Dour est telle que beaucoup ici le considèrent comme le second personnage de l'État après le Président de la République.
Très tard sous les étoiles son show clôture DK/24.

Si le bilan pour les organisateurs est au succès incontestable, il augure surtout une seconde édition du Festival pour 99 et un espoir de plus pour ce tonitruant tam-tam planétaire.