AFRICOLOR
Dix années d'existence pour ce rendez-vous rituel des musiques africaines en région parisienne, à Saint-Denis. Dix années de complicité et de bonheur avec le public, malgré les retraits de subventions et l'incompréhension de certains partenaires.
Le Festival rallume ses bougies…
Dix années d'existence pour ce rendez-vous rituel des musiques africaines en région parisienne, à Saint-Denis. Dix années de complicité et de bonheur avec le public, malgré les retraits de subventions et l'incompréhension de certains partenaires.
Les deux dernières années furent - il est vrai- difficiles et pavées d'incertitudes. Accent Aigu, l'association qui gère le festival, s'inquiétait sérieusement du désengagement de plusieurs partenaires. Plus de 20% du budget 96 par exemple éclatait à cause d'un retrait de subventions... de dernière minute. Heureusement, l'équipe de Philippe Conrath (le fondateur) a su tenir bon, en privilégiant le dialogue avec la ville de Saint-Denis et d'autres partenaires, afin de continuer à pérenniser le rêve incarné par ce tremplin des musiques africaines.
Bien sûr... qui dit budgets réduits dit modestes ambitions. La programmation a dû passer de quatre nuits à trois. Mais elle a su rester de qualité. Jusqu'à l'arrivée d'un hôte de taille cette année à la tête du TGP *: Il s'agit de Stanislas Nordey, pour qui le spectacle est un élément nécessaire dans le discours citoyen. Et avec qui la belle histoire a pu enfin continuer avec un peu moins de stress, puisque le festival a même fini par accoucher d'un autre bébé (la première édition d'Africolor autour du monde, qui a eu lieu en juillet dernier avec Susanna Baca et le Likembé Géant entres autres artistes au programme).
Pour cette dixième année consécutive, le festival continue à défendre son éclectisme. Le vendredi 18 décembre a été consacré à l'Océan Indien. Avec le Maloya de l'île de la Réunion (Gramoun Lélé, Kiltir), des sonorités kenyanes (Ingosi Star), du blues malgache re-visité (en compagnie du Tao Ravao et Vincent Bûcher Trio). Le samedi 19, la scène du TGP fut investie par les Afriques lusophones et francophones: le Cap-vert de Teofilo Chantre, l'Angola d'Afra Sound Star, le Congo de Pepe Felly Manuaku... avec un invité de marque pour sceller les deux univers. Sam Mangwana alias "pigeon voyageur". Fils d'immigrés angolais né à Kin, il fit ses premiers pas aux côtés de Franco et de Tabu Ley, avant d'aller semer la graine (un tube, "Georgette Ekins") dans toute l'Afrique de l'Ouest. C'était dans la deuxième moitié des années soixante-dix. Depuis, il n'a cessé de surprendre son monde. Son dernier album, "Galo Negro", est d'ailleurs l'un des albums les mieux produits de la scène alternative africaine en cette année 98. Dans tous les sens du terme.
Dernière soirée du festival, le Noël mandingue du 24 décembre s'annonce encore plus chaleureux cette année. Est-ce le fait qu'il tombe en plein mois de ramadan ? Toujours est-il qu'il sera célébré par des griots fulgurants. Tous Maliens. Amy Koïta, Abdoulaye Diabaté, Bassey Kone... Sans oublier Nahawa Doumbia, la diva du Wassoulou** et reine du didadi** qui nous promet une surprise de taille, avec ses rencontres du troisième type : deux créations originales aux côtés de Claude Barthélémy (guitariste de jazz) et Frédéric Galliano (Dj d'enfer !). Nous y reviendrons.
Soeuf Elbadawi
*Théâtre Gérard Philipe, 59 Bd Jules-Guesde, St-Denis (93). Tél. 01 48 13 70 00.
**Le wassoulou est une région au sud du Mali et le didadi un rythme traditionnel.