Lokua Kanza

Authentiquement musicien

Que ce soit en lingala, en swahili, en français ou en anglais, le chant de Lokua Kanza est toujours aussi émouvant et jouissif à l'écoute. Les thèmes (l'amour, la vie et l'espoir) ne brillent pas tellement par leur originalité mais c'est cette voix magique, sorte de cri maîtrisé, de gémissement harmonieux qui séduit l'oreille et fait de cet artiste congolais (ex-zaïrois) l'un des grands de la musique africaine. Il nous le prouve pour la troisième fois avec un nouvel album plein de saveurs. Entretien.

RFI Musique : Qu'est ce que cela vous fait de devenir un "incontournable" de la musique africaine en France et en Europe ?
Lokua Kanza :(Rires). Oh ! Et bien je n'ai pas cette impression. Je pense simplement que je commence petit à petit à faire partie du panorama musical africain. Mais je ne suis pas une figure incontournable. Disons que comme c'est un panorama, il y a plusieurs figures dont je fais partie. Je penserais plutôt à un fil musical où les gens apparaissent, disparaissent et réapparaissent au fil de leur carrière.

Avec le gros hit qu'a constitué Shadow Dancers sur l'album Wapi Yo, vous avez dû subir une grosse pression pour confirmer ce succès ?
A mes tous débuts, quand j'ai commencé, la musique que je composais était déjà dans cette figure du troisième album et à l'époque, les maisons de disques me disaient que ce n'était pas de la musique africaine. Eux attendaient des choses plus typiquement africaines. Tu sais avec cet accent africain caricatural :"Bonjour, Missié". Tu vois ? Mais heureusement les mentalités ont évolué… Et je suis très fier de cet album. Evidemment, on est tenté de faire la même chose parce que les gens ont aimé. Je crois que l'artiste doit créer. Se planter le cas échéant... mais surtout se faire plaisir avant tout. Il faut oser. C'est ça pour moi un artiste, on n'est pas des commerçants.

Sur 3, il y a de nombreux invités parmi lesquels le chef d'orchestre et arrangeur Jean-Claude Petit. Et ce qui frappe le plus, ce sont ses arrangements de cordes avec votre voix ...
Cette volonté d'utilisation des cordes remonte à très loin. J'ai une formation classique et j'ai toujours aimé les cordes. C'est un moyen d'expression qui décuple les émotions. Et en plus, Jean-Claude Petit est un très grand arrangeur qui m'a donné envie de devenir arrangeur à mon tour. Je crois pour avoir discuté avec lui que c'était un plaisir partagé de travailler ensemble.

More Than Just Sex est une chanson écrite avec Lamont Dozier, un pape de la musique soul américaine.
Lamont Dozier est une légende ; c'est celui qui a écrit de nombreux tubes pour la Motown, de Diana Ross aux Supremes et j'en passe. C'est un mec qui écrit l'amour d'une façon très particulière. C'est une façon de parler des rapports sexuels, bien sûr avec ta doudou mais cela va au-delà. Il y a des textes d'une rare force. C'est pourquoi je suis très fier que ce texte figure sur mon album.

Parmi vos choristes, il y a la fidèle Julia Sarr et Anne Papiri et puis une nouvelle arrivée : Annie Flore.
Annie est gabonaise, c'est à Lyon que je l'ai rencontrée, en banlieue, lors d'un concert. On a sympathisé. Elle m'a dit qu'elle aimait bien mes chansons et j'ai écouté sa voix et j'y crois énormément. Elle a quelque chose de très traditionnelle et en même temps, elle est très moderne dans sa façon de travailler, d'aborder la musique. Pour moi, c'est l'Afrique de demain.

Peut-être fera-t-elle partie de vos prochaines productions après Geoffrey Oryema ou Papa Wemba ?
Pour l'instant, je vais aller en Afrique du Sud pour produire trois titres que j'ai écrit pour (grand sourire)... Myriam Makeba. Ça, c'est mon grand bonheur du moment. Je suis très anxieux à l'idée de travailler avec cette immense chanteuse et en même temps, très impatient d'y aller pour passer un bon moment, me nourrir de l'énergie et de la force de cette femme. Et ensuite, revenir en France me régénérer pour passer un bon hiver.

Lokua Kanza /"3" (RCA / BMG) 1999