BILAN MIDEM 1999
La 33ème édition du Marché International du Disque, de l'Edition et de la vidéo Musicale (Midem) s'est achevée sur la nécessaire prise de conscience, pour l'industrie, de s'adapter aux nouvelles capacités de la technologie, internet en tête, et d'apprendre à déjouer les nouveaux réseaux mondiaux de contrefaçons de CD.
Sus aux pirates !
La 33ème édition du Marché International du Disque, de l'Edition et de la vidéo Musicale (Midem) s'est achevée sur la nécessaire prise de conscience, pour l'industrie, de s'adapter aux nouvelles capacités de la technologie, internet en tête, et d'apprendre à déjouer les nouveaux réseaux mondiaux de contrefaçons de CD.
Les professionnels de l'industrie musicale sont de grands angoissés. Le précédent Midem, où couvait déjà la menace numérique, s'était terminé sur un sentiment d'inquiétude associé à la déconfiture des places boursières d'Asie et d'Amérique latine. Sitôt le choc (plus ou moins bien) passé, un nouveau danger occupe les esprits : l'essor technologique exponentiel et les multiples façons d'organiser via internet des réseaux de contrefaçons à grande échelle et de qualité identique ! Ce danger, qui impose des changements radicaux qui s'inscriront dans la durée, est bien plus préoccupant qu'une crise boursière conjoncturelle. Nouveaux modes de distribution en ligne pour les maisons de disques, possibilités de téléchargement, protection des droits d'auteurs, commerce électronique, promotion sur Internet, problèmes juridiques : les participants du dernier Midem, qui s'est tenu du 24 au 28 janvier dernier à Cannes, avaient incontestablement du pain sur la planche. Si l'évolution des techniques est un sujet d'interrogations latent depuis quelques années, la prise de conscience et le volontarisme sont aujourd'hui collectifs. Mais chacun y allant de sa petite musique, l'harmonie n'a toujours pas émergé de ce concert de klaxons.
De la théorie…
Venue inaugurer l'édition 1999 du salon, la ministre de la Culture et de la Communication, Catherine Trautmann a souhaité voir se réunir "à très brève échéance des états généraux du disque" pour "faire le point" sur toutes les questions économiques, juridiques et culturelles liées au développement des technologies. Prenant la mesure de la prédominance du sujet sur ce 33ème Midem, Catherine Trautmann a par ailleurs réaffirmé sa position en faveur d'une période transitoire, au prétexte que les outils qui permettent l'extension de la licence légale ne sont toujours pas opérationnels.
Deux jours plus tard, le Syndicat National de l'Edition Phonographique (Snep), à l'issue de sa conférence de presse annuelle, organisait un point de presse commun avec la Sacem, au cours duquel les deux organisations ont rendu publique une lettre envoyée fin décembre à Catherine Trautmann. Si le syndicat et la société d'auteurs préconisent une période transitoire "la plus brève possible", elles insistent au contraire sur "leur attachement à disposer d'ores et déjà d'un droit exclusif d'autoriser la copie privée numérique des œuvres et enregistrements". Dans un autre courrier, co-signé avec la Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique (SDRM) et adressé à Claude Allègre, ministre de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, et Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'Enseignement, le Snep s'émeut de la multiplication des trafics de CD pirates dans les cours des écoles.
… à la pratique.
Au-delà de tous ces débats techniques, en déambulant dans les allées du Palais des Festivals, l'ère du numérique semblait déjà avoir commencé. Cette année, plus d'une trentaine de sociétés en rapport avec la musique sur Internet avait ainsi fait le déplacement (A2B Music, Boxman, MCY Music...), dont la plupart pour la première fois. "L'édition 1999 est celle de la transition", déclarait jeudi dernier dans le quotidien Le Monde, Xavier Roy, pdg de Reed Midem Organisation. En l'an 2000, l'univers d'internet deviendra pour la première fois l'un des piliers du Midem, au même titre que les musiques électroniques, qui disposent d'un espace à part dans le salon (Le Village Electronique).
L'an prochain, un jour avant l'ouverture officielle, le Midem lancera le Midnet, un "pré-salon dans le salon" qui favorisera les contacts entre les industries du disque et du "on line". Autre initiative qui verra le jour l'an prochain : une cérémonie de remise de prix récompensant les meilleurs sites web (disquaires, labels, sites de téléchargements, etc). A l'image du Village Electronique (qui a rassemblé près de 200 sociétés au 3ème étage du Palais des Festivals), une partie du Palais pourrait même être mise à la disposition des entreprises travaillant pour le réseau mondial.
En dehors de l'omniprésente question du numérique, le Midem a reconduit ses bonnes vieilles habitudes : conférences, recherche de contrats et de contacts professionnels, et concerts. Très important pour les petits labels (qui ne disposent pas de filiales, comme les multinationales du disque), le Midem a de nouveau permis d'œuvrer pour la recherche de débouchés à l'international pour notre production musicale. Par exemple, le label lillois Gorgone Productions a signé avec la société allemande Freibank un accord de sous-édition portant sur l'album du groupe de metal, Out pour l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse...
Côté scène, la programmation, inégale, a tout de même réservé son lot de bonnes surprises. Très attendus, Toots and the Maytals ont enflammé comme prévu le Palm Beach, devant un parterre BCBG où l'on ne retrouvait bien évidemment aucun des rasta men des concerts de l'Elysée-Montmartre… Deux heures plus tôt, dans une autre salle du Palm Beach, la Malienne Rokia Traoré donnait l'une des prestations les plus réussies des soirées RFI. Entre soirées brésilienne, suédoise, anglaise, caribéenne ou espagnole et nuit dance ou techno, le classique a eu aussi droit de cité, notamment avec la remise des Classical Awards. La nuit de la guitare, enfin, a proposé une affiche iconoclaste, où se sont côtoyés Bireli Lagrene, Sylvain Luc, Vincente Amigo, John McLaughlin, l'Orchestre régional de Cannes-Provence Alpes-Côte d'Azur, et Slash, guitariste mythique du groupe de hard rock Guns'n'Roses, qui connut son heure de gloire internationale dans la première moitié de la décennie.
A l'heure des bilans, le Midem 1999 décroche un nouveau record de participation, avec quelque 94 pays représentés et 4 031 sociétés inscrites, contre 3 900 en 1998, et 349 en 1967, année de sa création.
Gilles Rio.