Tonton David
Pour préparer son quatrième album, Tonton David a mis plus de trois ans. Faut qu'ça arrête (Delabel) bouleverse les habitudes du reggae français et révèle les ambitions du chanteur.
Pionnier du nouveau son reggae français
Pour préparer son quatrième album, Tonton David a mis plus de trois ans. Faut qu'ça arrête (Delabel) bouleverse les habitudes du reggae français et révèle les ambitions du chanteur.
"Faire face, prendre les problèmes de fond. Assumer comme un grand garçon". D'une voix traînante, Tonton David entonne le refrain de " Faire Face ", son nouveau single. Il donne parfois l'impression d'être un grand timide qui ne fait les choses qu'à reculons, un peu naïfs dans ses paroles. Prototype du gentil rasta qui pourrait entrer dans toutes les bonnes familles, Tonton le malin sait brouiller les pistes et tant pis pour ceux qui tombent dans le piège de l'image médiatique. Il gère sa carrière avec prudence comme si elle pouvait disparaître en fumée au moindre faux pas. Lorsque Peuples Du Monde lui offre son premier tube en 1991, il vient à peine de faire son entrée dans le milieu reggae parisien.
D'un coup, celui qui avait passé sa jeunesse très loin de la musique - quand on est dans la rue, il y a d'autres priorités - se retrouve catapulté tête de file du mouvement reggae français. Des responsabilités que Tonton David a prises à cœur avec le temps, élaborant une véritable stratégie pour que son succès et son expérience puissent servir de plus jeunes artistes. Sans Limite, c'est le nom de l'équipe de chanteurs et de deejays qu'il encadre comme un chef d'orchestre. Son studio, construit dans la cour de sa propriété en banlieue parisienne s'est transformé en laboratoire d'idées. Pendant cette période, Tonton n'a rien sorti sous son nom mais a procédé à plusieurs essais, produisant l'album de Welcome et la compilation Sans Limite. L'objectif était clair : créer un son reconnaissable qui ne soit pas simplement une copie du reggae jamaïcain. Il lui a fallu trois ans pour y arriver.
Faut qu'ça arrête est le disque d'inauguration de ce "nouveau son". Peu d'instruments pour beaucoup de programmations. Exit Tyrone Downie, l'ancien clavier de Bob Marley qui avait guidé Tonton David pour ces deux précédents albums, le nouvel homme de main s'appelle Papa Jube. Ce Haïtien sait tout faire : enregistrer, mixer, jouer sur des machines ou une vraie basse - alors qu'on ne le connaissait que comme chanteur. En intervenant à toutes les étapes de la fabrication des chansons, il a pu installer, une ambiance à la fois futuriste et inquiétante. La voix truffée d'écho sur Professeur donne l'impression d'entendre une question qui viendrait du fin fond de la conscience, une réflexion existentielle : "Dis-moi sur mon histoire. J'ai faim de savoir. Dis-moi sur mon identité". Les émotions sont naturelles, racontées avec des mots simples comme Perdre Quelqu'un ou Personne n'a Le Droit. Tonton David a gardé son regard critique et cherche désormais à l'exprimer posément, sur des rythmes lents. A 31 ans, il ne veut pas jouer au vieux sage mais il sait que son rôle a changé. C'est à lui d'ouvrir les portes et de servir d'exemple.
